Apprendre tôt à gérer son comportement, c’est gagnant

L’autorégulation est l’une des clés de la réussite scolaire et financière. Voici comment apprendre à vos enfants à se maîtriser.

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Bien dépenser
Famille et couple
Yury Velikanov / Getty Images / montage : L’actualité
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«Gère-toi ! » Un enfant en train de faire une crise du bacon à qui le parent intime cet ordre comprend qu’il doit se calmer dans l’immédiat. Il ignore cependant à quel point apprendre à maîtriser ses émotions et ses comportements pourra lui rapporter gros à long terme. Car une fois adultes, les personnes qui ont acquis des compétences d’autorégulation ont statistiquement une meilleure santé, une carrière plus intéressante et… des revenus plus élevés. Cela a été prouvé à de nombreuses reprises, notamment par des chercheurs américains qui ont suivi 1 000 personnes de leur naissance jusqu’à l’âge de 32 ans — leurs résultats ont été publiés en 2011 dans Proceedings of the National Academy of Sciences

Il y a évidemment des façons plus agréables d’apprendre à « se gérer » que de subir les cris de ses parents. Des chercheurs en économie et en sciences sociales, dont Daniel Schunk, titulaire de la Chaire d’économie publique et comportementale de l’Université Johannes-Gutenberg à Mayence, en Allemagne, ont donc tenté de voir ce que donnerait l’enseignement des techniques d’autorégulation à l’école. Et ils ont constaté que les enfants en tiraient de nombreux bénéfices, dont de meilleures habiletés en lecture et une moins grande propension à faire des erreurs d’inattention dans leurs travaux. Plus intéressant encore, trois ans après cette courte formation répartie en cinq séances hebdomadaires de 50 minutes, les effets positifs se faisaient toujours sentir : les enfants qui l’avaient suivie étaient plus portés que les autres à choisir une filière de cours enrichis. Autant de facteurs qui influencent le parcours scolaire et peuvent contribuer à augmenter les revenus plus tard dans la vie, notent les chercheurs dans leur article publié dans Nature Human Behaviour en 2022.

Pour leur démonstration, ces derniers ont enrôlé 572 enfants de première année provenant de 30 classes d’une douzaine d’écoles primaires allemandes. La moitié des enseignants de ces enfants ont reçu une formation de trois heures ainsi que tout le matériel pédagogique nécessaire pour ensuite enseigner à leurs élèves une technique d’autorégulation bien connue, celle du contraste mental avec intentions de mise en œuvre. « Elle a été beaucoup étudiée en psychologie et a fait ses preuves chez des enfants plus vieux et des adultes », note Roch Chouinard, professeur émérite à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal, spécialiste de la persévérance scolaire, à qui L’actualité a demandé de commenter l’étude. 

Cette technique consiste à d’abord se fixer des objectifs et à imaginer les conséquences positives de leur réalisation, pour renforcer son engagement. Au cours de l’expérience, on a invité les enfants à imaginer à quel point il serait avantageux pour eux d’améliorer leurs habiletés en lecture, pour pouvoir lire eux-mêmes leurs histoires préférées et susciter l’admiration de leurs parents. Le « contraste mental » consiste ensuite à imaginer les obstacles auxquels il faudra faire face, notamment l’appel des jeux vidéos et des émissions de télé à l’heure des devoirs à la maison. Les jeunes devaient réfléchir à ce qu’ils pouvaient faire pour surmonter cet obstacle, comme résister à cette envie et d’abord lire une page d’histoire à l’un de leurs parents (ce qu’on appelle une intention de mise en œuvre) avant de s’accorder une pause bien méritée devant un écran, avec le sentiment du devoir accompli. 

Pour que cet entraînement soit perçu comme amusant et que les enfants s’en souviennent, les enseignants ont aussi raconté l’histoire d’un personnage imaginaire, Hurdy, qui souhaite monter au sommet d’une montagne pour observer le monde et s’approcher des étoiles, non sans d’abord devoir vaincre de nombreux obstacles en chemin. Des affiches de Hurdy ont été collées sur les murs de la classe et des cartes à l’effigie du personnage ont été données aux enfants. 

La technique a été enseignée dans le cadre de l’apprentissage de la lecture, de la détection des fautes d’inattention et par rapport au comportement général en classe. « Il est beaucoup plus efficace d’enseigner aux enfants à travers une tâche concrète, souligne Roch Chouinard. Au début du primaire, les enfants ont encore du mal à apprendre les choses de façon abstraite et à transférer ces compétences d’un domaine à un autre. »

Les aptitudes pour la lecture et le comportement en classe ont été évalués avant la formation, puis un mois, six mois et un an plus tard. Un mois après la formation, peu de changements ont été observés, un résultat auquel les chercheurs s’attendaient. Il faut en effet du temps pour intérioriser ce type de processus et amorcer des changements. En revanche, au bout de six mois, les enfants qui avaient reçu la formation s’étaient davantage améliorés que ceux qui ne l’avaient pas eue. L’effet était encore perceptible un an plus tard. Un résultat qui étonne Roch Chouinard. « Souvent, on observe un effet à court terme avec ce genre d’intervention, mais il finit par s’estomper avec le temps », commente-t-il. 

Pour expliquer leur succès, les chercheurs avancent quelques hypothèses : le fait que la formation soit étalée sur plusieurs semaines a pu contribuer à réactiver les connaissances apprises, tout comme le rappel constant des stratégies grâce aux affiches dans la classe et aux cartes données aux enfants, ainsi que l’effet d’entraînement des copains déjà capables de mettre en œuvre les solutions apprises. 

Sans surprise, les chercheurs n’ont cependant pas noté de différences dans les compétences en mathématiques entre les deux groupes d’enfants. Les gamins étaient trop jeunes pour pouvoir s’inspirer des prouesses de Hurdy dans tous leurs apprentissages sans qu’on leur enseigne à le faire de façon explicite. 

Mais comme la lecture est cruciale à l’école, et qu’elle est un facteur prédictif du succès scolaire, les jeunes ayant appris à s’autoréguler dans ce domaine bénéficiaient encore de retombées positives trois ans plus tard et ont été plus nombreux que les autres à choisir un parcours enrichi pour la suite de leur scolarité. En Allemagne, où le primaire dure quatre ans, il s’agit d’un moment charnière qui a des répercussions sur le type de diplôme qu’ils pourront obtenir plus tard dans leur vie. 

L’équipe dirigée par Daniel Schunk a elle-même été surprise de ce résultat, qu’elle explique par une hypothèse. « La technique est transmise de manière ludique, vivante et significative ; et nous l’appliquons non pas à un, mais à plusieurs objectifs différents, ce qui rend plus probable l’intériorisation de la stratégie métacognitive par les enfants. Cela améliore ainsi le comportement d’autorégulation à l’école en général », notent les chercheurs dans leur article.

Une méthode à utiliser à la maison pour apprendre aux enfants à bien gérer leur argent de poche… et à remplir le lave-vaisselle sans rechigner ?

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