Combien voulez-vous perdre ? 

Vous avez envie d’investir dans les cryptomonnaies, des actions tendance ou n’importe quel autre placement à risque ? Avant d’acheter, demandez-vous combien vous êtes prêt à perdre, dit le planificateur financier Fabien Major.

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dickcraft / Getty Images / montage : L’actualité
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Fabien Major est planificateur financier et animateur du populaire balado de finances personnelles Le planif. Il est conseiller en gestion de patrimoine depuis 1998.

L’Homo investor est un être passionnant. Son impulsivité et son impatience légendaire sabotent immanquablement ses rêves de prospérité. Il réagit fortement à l’actualité avec un désir ardent de « faire la passe » avec les nouveaux placements à la mode. La cupidité risque alors de prendre le dessus sur la raison et de le rendre téméraire. Ainsi, un gars équilibré qui n’est pas millionnaire n’irait jamais au casino avec l’intention de jouer 5 000 dollars. C’est une trop grosse somme. Pourquoi la même, placée dans un CELI ou un REER, aurait moins de valeur et pourrait être jouée ?  

Après bientôt trois décennies de métier en gestion de patrimoine, il s’est développé chez moi une espèce de sonar, un détecteur de « placements à haut risque ». Je l’ai baptisé mon « indice Lucette », afin de rendre hommage à une cliente. Cette gentille dame que je connais depuis 20 ans me relance de manière régulière avec son envie irrésistible de s’amuser avec ses investissements. Quand je vois son nom sur mon afficheur, je comprends que Lucette a jasé avec sa gang du club de bridge ou son neveu et souhaite faire un coup d’argent.

Il y a pourtant des indices qui permettent de repérer les investissements qui sont plus susceptibles de s’écraser que de rapporter gros. Soyez attentif à ces quatre signaux :

  • Ce secteur est omniprésent dans l’actualité ;
  • On parle de révolution ou d’innovation perturbatrice (en anglais, on utilise le terme « disruptive » pour désigner ces innovations qui modifient de façon fondamentale un produit, un service ou un procédé) ;
  • Le potentiel de rentabilité est, dit-on, incroyable ;
  • Il est difficile d’expliquer en mots simples le fonctionnement du produit et de ses sources de revenus futures.

Au fil des ans, mon indice Lucette a sonné pour m’avertir des risques du forex (le marché des devises), des actions du marché du cannabis, des bitcoins, des NFT (des titres de propriété d’objets numériques, comme une vidéo ou une image) et de la flambée des actions du distributeur de jeux vidéos GameStop. Il y a un nom pour ces titres dont la valeur grimpe du jour au lendemain en raison d’un emballement dans les médias et sur les réseaux sociaux : on les appelle les « actions-mèmes », du nom de ces images qui deviennent virales. 

Chaque fois, je pose à ma cliente la même question : « Dites-moi, Lucette, combien êtes-vous prête à perdre ? »

Et sa réponse est toujours la même : « Rien du tout. Je ne peux pas me permettre de perdre un seul dollar. Je ne pourrais pas me refaire. Pas à mon âge. »

Je lui explique alors en détail les risques de perte permanente inhérents aux titres et secteurs surmédiatisés, puis elle se calme. Jusqu’au prochain « gadget financier ».

Nouveautés = danger

On ne le répétera jamais assez, dans l’univers de la finance, des machines de marketing très efficaces sont à l’œuvre. Elles savent repérer le « talk of the town », la nouveauté dont tout le monde parle, parmi les bruits de la foule. On concocte alors, à la vitesse de la lumière, un nouveau fonds négocié en Bourse (FNB) consacré aux cryptos, à la voiture autonome, au métavers ou aux NFT, ou même basé sur les transactions boursières des politiciens américains, et plus récemment sur l’intelligence artificielle. Les titres contenus dans ces fonds d’investissement sont négociés comme des actions en Bourse, même s’ils sont parfois d’une tout autre nature.

En 2022, le professeur de finance Itzhak Ben-David, de l’Université d’État de l’Ohio, a produit avec des collègues une étude sur les fonds négociés en Bourse (FNB) spécialisés qui ciblent des thèmes d’actualité. Il a démontré que ces nouveautés sont généralement 30 % moins rentables dans les cinq années qui suivent leur introduction que les FNB diversifiés. Quelques-uns ne font jamais leurs frais. Je pense entre autres au FNB Horizons Indice Marijuana sciences de la vie, qui a un rendement annualisé de –28 % depuis cinq ans. 

« Ces fonds à la mode sont principalement basés sur le battage médiatique et ont tendance à perdre de la valeur par rapport au marché général presque instantanément après leur lancement », affirme Itzhak Ben-David dans Wealth Professional, un site d’information destiné aux professionnels du conseil et de la planification financière.

Ces produits financiers s’apparentent selon lui à la malbouffe. L’industrie financière donne aux investisseurs novices ou un peu trop crédules ce qu’ils veulent. Mais pas nécessairement ce qui est bon pour eux.

Vous souhaitez malgré tout céder à la tentation et investir dans ces fonds séduisants ? Posez-vous alors une question : combien êtes-vous prêt à perdre ? Vous avez un chiffre en tête ? 

Voici ce que je recommande habituellement à mes clients : assurez-vous que vous n’y investissez pas plus de 5 % de l’ensemble de vos placements. Et si une poussée de croissance soudaine fait doubler la valeur de votre investissement, reprenez votre capital de départ et ne laissez que la plus-value suivre la vague. Tant qu’elle durera. Si elle s’écrase, vous aurez conservé vos billes. 

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