Irvin Ho, fraîchement diplômé de l’École de commerce de l’Université Simon Fraser, en Colombie-Britannique, s’intéresse depuis peu à ses objectifs financiers. Il y a deux ans, il a investi 10 000 dollars de ses économies dans un portefeuille de fonds indiciels autogéré. Avec deux amis, Ho a ensuite lancé le site Web Young Guys Finance, où, à l’aide de capsules vidéos, il tente d’inculquer aux jeunes de sa génération les concepts de base de l’investissement.
Ho admet toutefois que son portefeuille ne va pas très bien ces temps-ci, mais il demeure convaincu des avantages des placements autogérés et veux aider les autres à y adhérer. Parmi sa génération, cet homme de 25 ans est en quelque sorte l’exception. Les jeunes de la génération Y — comme on appelle les gens nés dans les années 1980 et 1990 — forment aujourd’hui la plus grande cohorte de travailleurs au Canada. La plupart n’ont cependant pas une bonne compréhension de la mécanique de la retraite.
Près d’un tiers des Canadiens âgés de 18 à 33 ans avouent «ne pas savoir grand-chose» sur l’épargne-retraite, révèle un récent sondage mené par la Banque TD. Pour certains, il s’agirait même d’une ignorance volontaire. Plus de 40% des répondants ont admis ne pas vouloir en apprendre davantage sur l’épargne-retraite parce qu’ils se sentent financièrement trop serrés pour y contribuer, alors que 28 % affirment épargner, mais à d’autres fins.
Cela s’ajoute au fait que ces jeunes occuperont sans doute plusieurs emplois au cours de leur vie et qu’ils auront moins la chance de cotiser à un régime de retraite de leur employeur que les générations précédentes. Selon l’étude de la TD, ils sont conscients qu’ils doivent faire plus en vue de leur retraite, mais cela ne les pousse pas à agir pour autant. Une autre étude, de la Banque CIBC, indique que ceux qui épargnent laissent souvent dormir leur argent dans des comptes dont les rendements n’équivalent même pas à l’inflation. «Étonnamment, les personnes de moins de 35 ans — donc loin de la retraite — ont deux fois plus d’argent liquide que les personnes de plus de 65 ans, soit 33% contre 15%», note la CIBC.
Alors que faut-il aux Y pour qu’ils commencent à planifier leur retraite? Ils doivent d’abord surmonter leurs craintes, soutient la planificatrice financière Shannon Lee Simmons, qui fait elle-même partie de cette génération. «Plusieurs d’entre nous avons obtenu notre diplôme universitaire pendant la crise financière de 2008, fait-elle remarquer. Disons qu’à l’époque, l’investissement était pas mal moins tentant…»
Selon elle, les jeunes sont aussi découragés par les frais de gestion qui peuvent facilement engloutir les petits retours sur investissement qui caractérisent les premières années d’épargne. Heureusement, il existe de plus en plus d’options à faible coût. Parmi celles-ci, des sociétés de technologie financière tentent de briser l’hégémonie des cinq grandes banques canadiennes en proposant des «robots-conseillers». Wealthsimple et WealthBar, par exemple, dont les plateformes Web aident les clients à créer et entretenir des portefeuilles d’investissement, moyennant des frais de gestion annuels s’élevant à environ 1% des actifs.
WealthBar tente actuellement de séduire les membres de la génération Y en leur proposant de déposer leur argent dans un compte d’épargne sans frais. Seule condition, faire un dépôt initial de 500 dollars et déposer chaque mois un peu d’argent jusqu’à ce que le solde atteigne 5 000 dollars. Par la suite, WealthBar réinvestit cette somme dans un portefeuille adapté à la tolérance au risque du déposant.
«Il faut garder à l’esprit que cette génération utilise son téléphone même pour acheter des lunettes! dit Tea Nicola, cofondatrice de WealthBar. Ils cherchent d’abord la commodité, la transparence et un statut social. C’est donc lentement mais sûrement qu’il faut les convaincre et les éduquer, tout en évitant de leur tenir un discours de vendeur.»
Irvin Ho, de Young Guys Finance, pense que de nombreux membres de sa génération vont préférer consulter leurs pairs ou même un algorithme plutôt qu’un conseiller. «Cette façon de faire leur permet d’avoir une meilleure compréhension de la culture des finances. La courbe d’apprentissage risque d’être plus longue, il est vrai, mais le résultat final est plus gratifiant.»
Le concepteur d’applications mobiles Voleo, de Vancouver, a adapté à l’ère numérique le concept de club d’investissement, en s’inspirant des jeux vidéos et des médias sociaux. Pour son PDG, Thomas Beattie, ce qui freine l’investissement chez les Y, c’est le manque d’argent et de connaissances. «Nous croyons avoir remédié à ces craintes avec succès. Plus besoin d’avoir 10 000 dollars pour démarrer un portefeuille diversifié, dit-il. Il suffit d’avoir 1 000 dollars et neuf amis!»
La future application permettra en effet à des investisseurs de former un groupe et de mettre leurs fonds en commun. Chacun des membres pourra proposer des échanges d’actions, mais chaque proposition devra être entérinée par la majorité des membres avant d’être appliquée. La plateforme a aussi un petit côté jeu vidéo: les bonnes idées, qu’elles soient concrétisées ou non, donnent des points à leur auteur. Les membres pourront ainsi comparer leur score avec celui obtenu par les autres membres du groupe, ce qui leur donnera des indices sur qui a les meilleures idées, donc les meilleures chances de faire fructifier le portefeuille du groupe. La chose a aussi un côté éducatif. «Les jeunes utilisateurs peuvent profiter des connaissances de leurs pairs plus expérimentés, explique Beattie. Ils vont apprendre de ceux qui ont du succès dans leur groupe.»
De la même façon que la génération Y a lancé le concept d’économie de partage, elle pourrait transformer aussi le secteur de l’investissement, affirme Benjamin Tal, économiste de la CIBC. Si, au lieu d’investir en Bourse, les jeunes décidaient de placer leur argent ailleurs, directement dans leur propre entreprise ou dans celle d’un autre, par exemple, ils pourraient bien obtenir de meilleurs rendements que ceux du marché boursier.
Source: Canadian Business
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