
Quel est le secret pour inculquer à ses enfants de saines habitudes financières et pour les rendre autonomes dans ce domaine? Et comment leur donner les moyens de quitter le nid familial avant qu’ils aient 30 ans? Suivez le guide des experts de MoneySense.
De 0 à 6 ans: Les premiers pas financiers
L’argent est l’un des meilleurs outils pédagogiques qui soient. Il est donc tout naturel qu’il puisse changer la vie des enfants lorsque leurs parents s’en servent de la bonne façon. Il y a de cela déjà plusieurs années, mes enfants, alors d’âge préscolaire, ont compris qu’on peut acheter ce que l’on veut quand on a de l’argent. La clochette du camion de crème glacée suffisait pour qu’ils abandonnent leurs jouets dans le carré de sable et viennent me demander quelques pièces pour une gâterie: «Vite! Vite! Avant que le camion parte!» Il a fallu que mes poches se fassent vider quotidiennement pour que je comprenne qu’il était temps de leur enseigner la valeur de l’argent.
Les experts financiers vous diront sans doute que j’ai attendu trop longtemps. «Les enfants devraient recevoir un peu d’argent de poche dès qu’ils sont assez vieux pour ne pas le manger, dit Trevor Van Nest, un planificateur financier agréé. Comprendre ce qui entoure l’argent constitue l’apprentissage de toute une vie.» En fait, pour nombre d’experts financiers, les petits comprennent plus de concepts économiques que les adultes n’osent le croire, et ce, dès l’âge de deux ans. «En regardant leurs parents acheter des choses, ils saisissent vite qui possède le pouvoir, dit Ruth Hayden, une éducatrice en matière financière du Minnesota. Votre rôle est de leur faire voir que l’argent ne sert pas qu’à acheter — il peut aussi être économisé et donné.»
L’une des meilleures méthodes pour habituer vos enfants à manipuler de l’argent est de les encourager à trier des pièces. Aidez-les à les séparer et faites-leur découvrir combien de chaque valeur sont nécessaires pour obtenir un dollar. Vous pouvez aussi leur donner un contenant transparent ou un pot de verre pour qu’ils puissent voir leurs liquidités s’accumuler. Pour accélérer l’assimilation, Kelley Keehn, auteure du guide The Prosperity Factor for Kids (la prospérité pour les enfants), recommande d’intégrer des discussions financières dans la vie de tous les jours.
Quand vous serez prêt, donnez-leur un peu d’argent de poche chaque semaine; ils doivent en avoir pour apprendre à le gérer. «Nous avons commencé à donner de l’argent de poche à nos trois enfants lorsqu’ils étaient encore tout petits, dit Trevor Van Nest. Nous leur demandions d’en dépenser la moitié, mais de conserver l’autre.» Quand les vôtres comprendront les bases, vous pourrez introduire le concept du partage et les laisser choisir le pourcentage respectif d’argent qu’ils souhaitent dépenser, économiser et donner.
Bruce Sellery, chroniqueur pour le magazine MoneySense, donne lui aussi de l’argent de poche à sa fille de six ans. Selon lui, de 5 à 10 dollars par semaine sont appropriés pour cet âge. «C’est la clé pour qu’elle apprenne de ses propres erreurs — et ça fonctionne bien pour notre famille.» Il ajoute que cette somme est versée à la petite peu importe qu’elle aide aux tâches ménagères ou non. Les éducateurs en matière financière proposent souvent cette approche, et de nombreux lecteurs de MoneySense l’ont adoptée. En effet, 48 % des gens qui ont répondu à un sondage de ce magazine considèrent que l’argent de poche ne devrait pas être lié à l’accomplissement de corvées. L’une des personnes questionnées a d’ailleurs écrit: «Toute la famille doit participer aux tâches ménagères, aucune paye n’est requise.»
N’oubliez pas que vos enfants vous observent toujours. «Soyez constant en tant que couple. Restez sur la même longueur d’onde en rédigeant quelques règles de base que vous suivrez», dit Kira Vermond, auteure du livre The Secret Life of Money: A Kid’s Guide to Cash (la vie cachée de l’argent: un guide pour les enfants). «Cette technique vous permettra d’établir un bon modèle à suivre pour vos petits.» Et s’ils font des erreurs? «Ne vous inquiétez pas, c’est une partie intégrante du processus.»
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Payer ses enfants pour faire du bénévolat
Cela va à l’encontre de toutes les règles, non? Les jeunes devraient donner de leur temps par pure bonté de cœur. Il y a toutefois de fortes chances que leur première expérience de bénévolat à la banque alimentaire soit imposée par leurs parents.
Pour encourager les plus jeunes à adopter cette habitude, prenez vous-même un peu de votre temps pour y aller avec eux et proposez-leur une récompense en échange de leur participation (une crème glacée ou un tour au magasin à un dollar, par exemple). Le bénévolat démontre que vous accordez plus d’importance à vos valeurs qu’à l’argent, dit Bruce Sellery. «Les familles doivent déterminer leurs valeurs. À partir de ce moment, elles peuvent décider ce qu’elles feront pour les respecter.»
Le bénévolat ne s’applique pas qu’aux jeunes enfants. Bruce Sellery suggère de payer un adolescent pour en faire s’il ne trouve pas de travail l’été. Il assimilera ainsi des compétences liées au marché du travail, comme le service à la clientèle et la bonne gestion du temps. Il apprendra aussi à suivre les directives d’autres personnes que ses parents. C’est en plus une expérience dont il pourra parler durant ses prochaines entrevues d’emploi. (David Fielding)
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De 7 à 12 ans: Dépenser, mais aussi économiser
Lorsque les enfants ont entre 7 et 12 ans, leurs questions financières deviennent plus nombreuses et plus complexes. Vous voulez bien sûr inculquer aux vôtres quelques compétences ménagères, telles que couper des légumes, ou des notions de saine alimentation. Mais vous voulez aussi leur enseigner les concepts de base de l’argent: dépenser et économiser. «Je vais souvent au magasin avec ma fille pour faire ce que j’appelle “de l’exploration sans achat”, explique Bruce Sellery, chroniqueur pour MoneySense. On y va dans l’unique intention de regarder, et je précise que nous n’achèterons rien. C’est important.»
C’est aussi l’âge propice pour ouvrir leur premier compte à la banque. Dans un sondage effectué auprès de plus de 200 lecteurs de MoneySense, 92 % des personnes interrogées ont dit avoir ouvert un compte pour leurs enfants avant qu’ils atteignent l’âge de 12 ans. Vous pouvez y déposer l’argent de leur tirelire ou y contribuer vous-même pour les mettre dans la bonne voie. «Dites-leur qu’ils peuvent tout dépenser maintenant pour de nouveaux souliers ou de la musique, ou qu’ils peuvent en mettre un peu de côté pour l’université. Il est bien sûr possible de faire les deux», dit l’auteure Kira Vermond. Rendus à 9 ou 10 ans, les enfants sont plus ouverts à l’idée de budgéter afin de mieux gérer leur argent. Montrez aux vôtres comment vous planifiez vos dépenses. Ils se rendront rapidement compte que certaines dépenses reviennent chaque mois (le câble et l’Internet, par exemple) et que d’autres sont uniques.
Certaines discussions permettent aussi de donner quelques conseils pour épargner. Ce sont de bons moments pour parler des promotions et des réductions de prix. Vous pouvez même discuter des avantages de magasiner en ligne pour trouver de meilleures offres. «De temps à autre, surprenez votre enfant en lui offrant quelque chose d’inattendu, dit Kira Vermond. Ainsi, si vous dites toujours “non” à quelque chose en particulier, répondez “oui” à la place.» L’importance de cela est qu’il comprenne que, dans la vie, on obtient parfois des primes, des augmentations de salaire ou des commissions, et qu’il apprenne à gérer ces surplus à l’avenir.
Vous vous rendrez compte assez rapidement que les enfants de cet âge se posent mille et une questions. Que devrais-je faire avec mon argent? (En mettre une partie de côté et dépenser le reste.) À quoi servent les guichets automatiques? (Ils permettent à maman et à papa d’avoir accès à l’argent qu’ils gagnent.) Vous devez être ouvert aux questions, rester honnête dans vos réponses et ne pas dissimuler les aspects plus complexes. Ron Lieber, auteur du livre The Opposite of Spoiled (le contraire d’être gâté), explique que lorsqu’un enfant pose une question à ses parents, ces derniers devraient se demander la raison de l’interrogation. «Les enfants se posent souvent de grosses questions auxquelles ils ne peuvent répondre par eux-mêmes, dit l’auteur. Par exemple, l’un de mes enfants m’a demandé un jour pourquoi nous n’avions pas de chalet. Elle se demandait en fait si l’on n’avait pas les moyens d’en avoir un ou si on ne voulait pas en avoir un. Comprendre la raison des choses rend les jeunes plus à l’aise.»
Il est important de parler régulièrement des finances, mais aussi de gérer les attentes. «Demandez à votre enfant ce qu’il voudrait avoir comme travail d’été quand il sera plus vieux, dit Bruce Sellery. Demandez-lui ensuite ce qu’il voudrait devenir plus tard. Un vétérinaire? Comment paiera-t-il ses études?» L’éducatrice en matière financière Ruth Hayden, qui est aussi mère de quatre jeunes adultes, est d’accord. Elle ajoute qu’elle organisait chaque dimanche une rencontre familiale pour parler du budget. Ces occasions permettaient de discuter en groupe de ce à quoi servirait une partie des revenus. «Devrait-on faire un voyage onéreux en Californie cette année, ou devrait-on attendre l’année prochaine et acheter un véhicule récréatif? Les enfants adorent prendre part aux grandes décisions, mentionne-t-elle. Cela les valorise de multiples façons.»
De 13 à 17 ans: Grands enfants, plus gros budget
C’est une étape qui arrive si rapidement que vous pourriez ne pas la voir passer. À l’adolescence, il est bon que les jeunes passent de la gestion de petites sommes d’argent (allocation hebdomadaire) à celle de sommes plus importantes (allocation mensuelle). «Les adolescents devraient recevoir plus d’argent pour de plus longues périodes, mais aussi devenir responsables de certaines dépenses», dit le planificateur financier agréé Trevor Van Nest. En résumé, si vous donniez 20 dollars par semaine à vos enfants, vous devriez désormais leur en donner 80 par mois avec un petit extra pour quelques nouvelles dépenses qui viennent avec l’âge (abonnement à des services de musique, achat de vêtements, etc.).
C’est aussi la période durant laquelle de nombreux jeunes commenceront à travailler à temps partiel. Que ce soit un emploi d’été au marché local ou quelques quarts par semaine chez McDonald’s, vous avez la faculté d’aider les vôtres en leur expliquant certaines choses, par exemple la notion de salaire minimum ou encore l’importance de la négociation des heures de travail pour ne pas nuire à leurs études. La plupart des adolescents se demanderont pourquoi une part de leurs revenus disparaît pour payer les impôts, l’assurance-emploi et le Régime de pensions du Canada. «Ils ont une véritable révélation quand ils apprennent qu’être payé 10 dollars l’heure ne veut pas dire empocher 10 dollars l’heure», dit l’auteure Kira Vermond. L’obtention d’un premier emploi est aussi un bon moment pour donner aux jeunes de cet âge leur première carte de débit.
Alors que vos enfants commencent à gagner un peu d’argent par eux-mêmes, expliquez-leur comment ils peuvent économiser en vue de choses plus importantes. «Demandez-leur s’ils veulent participer au voyage en Europe de leur école secondaire dans deux ans», propose Kelley Keehn, auteure du guide The Prosperity Factor for Kids (la prospérité pour les enfants). «Si la réponse est positive, demandez-leur comment ils comptent payer le tout.» Ce type de situation représente aussi le moment idéal pour leur montrer que vous êtes prêt à les aider, à condition qu’ils prennent des initiatives. À cet effet, voici ce que l’un des lecteurs du magazine MoneySense a répondu dans un de ses sondages: «J’ai appris à mes enfants l’importance d’économiser en déposant dans leur compte autant d’argent que ce qu’ils y mettaient eux-mêmes pour de plus grosses dépenses ou des projets à plus long terme, jusqu’à concurrence de 500 dollars par année.» Le planificateur Trevor Van Nest est un grand adepte de ce type de «carotte»: «Tout ce qui peut leur donner envie de gagner de l’argent et d’en mettre de côté est une très bonne chose à cet âge.»
Vous pouvez même en faire plus. Une autre personne sondée donne une augmentation à son enfant lorsqu’il prend l’initiative de s’informer sur de bonnes façons d’investir ou qu’il tente de comprendre le sens de concepts économiques tels que la mise de fonds pour une maison, l’hypothèque, l’inflation, les actions et les obligations. «C’est un âge auquel la compréhension de notions fondamentales comme les intérêts composés aura une grande influence sur leur avenir», approuve Kira Vermond. Elle considère aussi qu’il est important de leur présenter un tableau qui illustre ce dernier concept: une hausse croissante de l’argent à mesure que le temps passe. Une autre leçon consiste à sortir votre relevé de carte de crédit pour leur montrer combien votre dernier voyage a vraiment coûté.
Ne faites surtout pas l’erreur de sous-estimer les plus petites astuces, comme de les aider à s’inscrire pour l’obtention de bourses auxquelles ils pourraient être admissibles. «Les enfants ne savent souvent pas que ce type d’argent gratuit est offert, ou alors ils croient que le processus est plus difficile qu’il ne l’est», dit Heather Franklin, une conseillère de Toronto qui est rémunérée au service. «Prendre le temps de les aider à remplir des formulaires leur donnera une aptitude utile à l’université, où ils devront souvent faire ces choses par eux-mêmes.» Tout le monde adore recevoir de l’argent sans avoir à le gagner, et les jeunes ne font pas exception à la règle. S’ils apprennent les bases de l’investissement à 15 ans, ils auront une bonne longueur d’avance à 30 ans, même s’ils font des erreurs en chemin.
18 ans et plus: La préparation au grand départ
C’est la période durant laquelle les jeunes adultes commencent à faire leurs premiers pas vers l’indépendance. Certains d’entre eux iront vivre ailleurs pour se rapprocher du cégep ou de l’université et d’autres prendront plutôt une année sabbatique pour voyager. Votre rôle est désormais de les encourager à poursuivre leurs passions, peu importe ce qu’elles pourraient être. Aidez-les à payer leurs études, leur loyer ainsi que quelques autres dépenses. Incitez-les aussi à y contribuer eux-mêmes.
Si vous avez cotisé à un régime enregistré d’épargne-études (REEE), vous allez pouvoir payer une partie de leurs droits de scolarité postsecondaires. De nombreux parents donnent en plus à leurs enfants environ 300 dollars par mois pour couvrir le transport, les frais d’adhésion à différents groupes et les cafés. Il est par contre important de leur dire que c’est tout ce que vous avez prévu pour les aider; s’ils veulent avoir plus de moyens, ils devront travailler à temps partiel et durant les vacances. De nombreux étudiants commenceront aussi à recevoir des prêts durant cette période. Rappelez-leur qu’ils devront entamer le remboursement de tout ce qu’ils auront reçu habituellement six mois après leur graduation. Il est rare que les banques et les autres institutions financières aillent au-devant des choses pour aviser les étudiants que l’échéance de leur prêt approche. Vous aurez donc la responsabilité d’expliquer à vos enfants l’importance de rembourser rapidement leurs dettes — si possible, au cours des cinq ans qui suivront la fin de leurs études.
Vos nouveaux diplômés pourraient ne pas trouver un emploi à temps plein dès la fin de leurs études. C’est la raison qui pousse de nombreux jeunes à retourner vivre chez leurs parents. Ne leur permettez surtout pas de rester à ne rien faire. «Je donnerais aux miens une indication du temps qu’ils pourraient rester à la maison, entre six mois et un an, par exemple, dit le chroniqueur Bruce Sellery. Réfléchissez sérieusement à la situation en vous demandant “Qu’est-ce que je tente d’accomplir en leur permettant de rester?” Il est important que vous imposiez vos conditions dès les premiers jours. Par exemple, vous pouvez dire que vous ne facturerez pas de loyer si tout leur argent est utilisé pour rembourser leur prêt.» Sharon Danes, professeure en sciences humaines à l’Université du Minnesota, aux États-Unis, approuve l’utilisation de cette technique. Elle ajoute qu’il existe de nombreuses raisons qui poussent les enfants à retourner temporairement chez leurs parents, comme la perte d’un emploi, une séparation ou un marché immobilier onéreux. «Établissez vos conditions dès le début, dit-elle. Que paieront-ils? Quand partiront-ils? Feront-ils tous les efforts nécessaires pour trouver un nouvel emploi ou un nouvel appartement? Ne devenez pas leur meilleur ami; laissez-les se débrouiller.»
En fait, l’un des plus beaux jours pour un couple est lorsque l’un de leurs enfants reçoit une offre d’emploi qui l’intéresse vraiment. Vous devriez alors l’aider à évaluer les avantages sociaux proposés, comme l’assurance maladie, l’assurance vie et la couverture des frais dentaires. Expliquez-lui les avantages d’un compte d’épargne libre d’impôt (CELI), ainsi que le pour et le contre du régime de retraite de son nouvel emploi. «Entre 25 et 30 ans, les enfants devraient être rendus financièrement indépendants, dit Trevor Van Nest. Ce sera un grand jour.»
Ces articles ont été adaptés de MoneySense.
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