Si une personne vous fait du tort (par exemple, parce qu’elle ne vous paie pas son dû ou tarde à réparer un dommage), vous pouvez certes l’appeler pour plaider votre cause. Mais si rien ne marche, vous devrez alors la « mettre en demeure ».
Une mise en demeure est un document juridique fort, qui équivaut à une sommation écrite par laquelle vous signifiez au destinataire que vous vous apprêtez à employer des moyens légaux. Vous pouvez rédiger ce document vous-même. Le recours à l’avocat n’est pas nécessaire pour que la mise en demeure ait valeur légale. Cette sommation, fortement recommandée pour entreprendre une action aux petites créances, est obligatoire dans quelques cas bien précis, par exemple si vous découvrez un vice caché à votre propriété (vous devrez avoir transmis au préalable une lettre de dénonciation invitant l’autre partie à remédier à la situation).
La mise en demeure est une des stratégies pour avoir gain de cause dans un différend. C’est l’équivalent du « poing sur la table » et elle peut suffire parfois à amener l’autre partie à régler à l’amiable, par une médiation entre autres. Si la personne refuse de se conformer à votre demande — ou même ne vous répond pas — et que vous ne désirez pas intenter de poursuites, vous avez la possibilité de lui offrir d’aller en médiation, rappelle le site du ministère de la Justice.
Soignez la forme
Le site du ministère de la Justice vous donne un modèle de mise en demeure et une liste des informations qui doivent s’y trouver. L’organisme d’éducation juridique Éducaloi offre une excellente explication de la manière de procéder avec de bons exemples de formulations, qui sont très utiles. Le Réseau juridique du Québec propose quant à lui une liste de mises en demeure types selon la nature du problème rencontré, que vous pouvez acheter pour une trentaine de dollars.
En me fondant sur les directives que j’y ai lues, je vous résume ici les 13 parties qui constituent la base d’une bonne mise en demeure.
- Dans l’en-tête
1. La mention « Mise en demeure ».
2. La mention « SOUS TOUTES RÉSERVES », souvent écrite en majuscules. Cette mention signifie que vous vous réservez le droit d’utiliser tous les recours légaux possibles et que vous ne vous limiterez pas nécessairement à ce qui est écrit. Elle vous protège aussi en cas d’erreur de votre part dans la lettre. L’expression « sans préjudice », que l’on rencontre encore à l’occasion, est un anglicisme.
3. Le moyen par lequel cette mise en demeure sera signifiée (courrier recommandé, huissier).
4. Le lieu et la date.
5. Le nom et les coordonnées de la personne (ou de l’entreprise) mise en demeure.
- Dans le corps du texte
6. Les faits importants et une mise en situation.
7. Ce que vous réclamez (réparation, exécution ou dommage).
8. La possibilité pour le destinataire de corriger ou réparer le problème (notamment par la médiation).
9. Le délai raisonnable pour s’exécuter (10 jours ouvrables, par exemple, mais il n’y a pas de délai prescrit).
10. Les conséquences en cas de non-exécution (vous prendrez des moyens légaux).
- En bas de la lettre
11. Votre signature et vos coordonnées.
12. Si applicable, le nom des tiers concernés qui en recevront une copie.
13. Si applicable, une liste des pièces jointes en annexe (par exemple, copie du contrat).
Quelques subtilités
Le site d’Éducaloi, entre autres, donne des conseils généraux sur les façons de rédiger sa lettre. J’ai aussi discuté du sujet avec des avocats au moment de la rédaction du Guide du travailleur autonome (Québec Amérique). Une mise en demeure devrait toujours être laconique. Même si ce document ne fait pas dans la dentelle, contentez-vous d’exposer les faits, sans récrimination. Bien que la tentation de vous épancher soit très forte, de longues explications insultantes ou jérémiades pourraient être retenues contre vous au tribunal.
Et surtout, ne faites aucune menace, ne dites même pas : « Je vais te faire arrêter, tu vas aller en taule. » Un avocat pourrait faire valoir que vos menaces s’apparentent à de l’extorsion, et cela pourrait se retourner contre vous. Au Canada, le droit criminel est un monopole d’État : seuls la police, le procureur et les tribunaux peuvent trancher entre ce qui est criminel et ce qui ne l’est pas. Nul ne peut se faire justice. Vous avez le droit de dire que vous vous plaindrez à la police et d’invoquer une poursuite civile, mais vous n’avez jamais intérêt à trop en dire.
Pour avoir toute sa force légale, la mise en demeure doit être envoyée de telle manière que vous ayez la preuve qu’elle a été communiquée. Cela se fait en général par courrier recommandé avec signature, qui permet de montrer au juge que le destinataire a bel et bien reçu votre document.
Si votre destinataire ne prend pas son courrier, il se peut que vous n’ayez pas d’autre choix que de recourir à un huissier qui lui remettra la mise en demeure en mains propres et qui pourra même la lui lire. C’est un peu plus cher par contre, environ 85 dollars avant taxes, sans compter les frais de déplacement.
Pourquoi ce terme curieux : « mise en demeure » ?
La demeure ici n’est pas la maison. Le terme vient du latin « demorare », qui veut dire « retarder, retenir », selon Le dictionnaire historique de la langue française.
L’expression « péril en la demeure » ne signifie pas que votre demeure brûle ou qu’un fou armé vous guette dans le placard, mais qu’il y a « danger à rester dans la même situation ». Un « demeuré » est une personne « en retard » dans son développement. « Mettre quelqu’un en demeure » veut donc dire « mettre cette personne devant la responsabilité de son retard (à payer, à agir, etc.) ».
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