La vie coûte bien assez cher comme ça, pourquoi devrait-on dépenser même après sa mort ? Si vous ne voulez pas refiler une facture de funérailles salée à vos héritiers ou payer à l’avance pour des préarrangements, vous pourriez explorer cette option : faire don de votre corps. En plus d’économiser, vous rendrez service à la science.
Au Québec, cinq établissements d’enseignement acceptent les dons de corps : les universités de Trois-Rivières et de Sherbrooke, ainsi que les universités Laval, McGill et le collège de Rosemont. Les dépouilles reçues servent à des activités d’enseignement (dissection, compréhension de l’anatomie humaine) ou de recherche (pour tester de nouvelles techniques d’interventions chirurgicales, par exemple).
Le corps doit cependant respecter une série de critères pour être accepté. Il doit peser moins de 90,7 kilos (200 lb) et mesurer moins de 1,82 m (6 pi), et il ne doit pas avoir été embaumé ni avoir subi d’autopsie, entre autres choses. Il doit aussi contenir tous ses organes vitaux, ce qui veut dire que l’on doit choisir entre le don d’organes et le don de corps (seul le don de cornée est compatible avec cette option).
Les proches doivent également être prêts à vivre leurs funérailles autrement. La dépouille ne peut être exposée, puisqu’elle est récupérée dans les 48 heures suivant le décès.
L’intérêt financier pour vous, c’est que tout est pris en charge par les établissements d’enseignement, ou presque. Le transport du corps vers le laboratoire est gratuit jusqu’à un maximum de 250 km — 60 km dans le cas de McGill. Si vous mourez à 350 km de Trois-Rivières, par exemple, il en coûtera 115 $ à vos proches pour envoyer votre corps à l’université (1,15 $ par kilomètre excédentaire). Chaque établissement a son tarif.
Le corps est conservé par l’établissement pendant une période pouvant aller jusqu’à quatre ans. Par la suite, la crémation (si désirée) et l’enterrement du corps ou des cendres dans un cimetière désigné par le collège ou l’université sont sans frais. Une cérémonie commémorative est aussi tenue annuellement par chacun de ces établissements, sauf le collège de Rosemont. Si votre famille souhaite organiser un enterrement ou une cérémonie dans un endroit particulier, elle devra toutefois en assumer les coûts. Des frais administratifs peuvent également être facturés pour récupérer les cendres (150 $ dans le cas de l’Université McGill, par exemple).
Les frais de funérailles épargnés dépendent donc de vos dernières volontés et des choix faits par la famille. Vous éviterez assurément les frais de crémation — à partir de 350 $ selon le site Soumissions salon funéraire — et le coût de l’urne, que la même plateforme de comparaison évalue à au moins 300 $. De plus, si vous et vos proches acceptez le lieu désigné par l’établissement d’enseignement, vous n’aurez rien à payer pour occuper une niche de columbarium ou un lot de cimetière (au minimum 500 $ et 800 $ respectivement pour 25 ans). Pour ce qui est de la cérémonie, les prix varient énormément. Un événement intime dans son salon sera gratuit ou presque, alors que pour la totale (fleurs, traiteur, salle, etc.), la facture peut grimper rapidement. Selon le président de la Résidence funéraire Charron et fils, Stéphane Charron, l’ensemble des frais funéraires s’élève à au moins 7 000 $ dans la plupart des cas.
Où est-ce que je signe ?
Pour faire don de soi de cette manière, il faut d’abord remplir et signer la carte qui se trouve à la fin de ce formulaire du gouvernement du Québec. Vous devez ensuite la détacher et demander à deux témoins de 18 ans et plus de la signer. Il est recommandé de garder ce document sur vous, idéalement dans votre portefeuille, pour que les gens présents lors de votre décès y aient facilement accès (comme pour le consentement au don d’organes, signé au dos de la carte d’assurance maladie). Selon le Code civil du Québec, tous les Québécois de 14 ans et plus peuvent donner leur corps, tandis que les moins de 14 ans peuvent le faire avec le consentement de leurs parents.
Sur papier, ces démarches sont suffisantes pour vous permettre de donner votre corps. Dans la pratique, il est très important que vos proches soient avisés de vos intentions, puisque ce sont eux qui pourront en informer le personnel soignant au moment de votre décès. Vous pouvez par ailleurs changer d’idée jusqu’à votre dernier souffle, même si vous avez déjà signé votre carte (dans ce cas, déchirez cette dernière et dites-le à vos proches.)
À votre décès, un des établissements qui acceptent les dons de corps sera contacté par le personnel médical ; si vous mourez à la maison, c’est la famille qui devra le faire (les numéros se trouvent ici). Vous pouvez choisir l’endroit que vous préférez, sans quoi on vous enverra à celui qui se situe le plus près. L’établissement en question décidera alors s’il accepte votre corps ou non. Il refusera votre dépouille, par exemple, si vous êtes mort dans un grave accident, dans un incendie, ou d’une maladie contagieuse comme une hépatite ou une infection à C. difficile.
Si l’établissement donne son feu vert, il prendra en charge votre corps dans les 24 à 48 heures. Dans le cas contraire, votre famille devra s’occuper de l’incinération ou de l’enterrement. Même si vous avez signé votre carte de don de corps, il peut donc être utile de garder de l’argent de côté pour cette éventualité.
Devenir professeur post mortem
À défaut de faire ces démarches pour économiser, vous pouvez y consentir par grandeur d’âme. Si votre corps se retrouve à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), vous ferez partie des quelque 80 dépouilles que cet établissement accepte chaque année. Vous permettrez notamment à des étudiants en chiropratique et en podiatrie d’analyser les différentes structures du corps humain.
« Quand on cherche une pièce de 10 cents dans ses poches, on arrive à la trouver parce qu’on sait au toucher comment elle est faite. C’est la même chose avec les structures du corps. On apprend à bien les reconnaître en les voyant et en les touchant », explique Johanne Pellerin, technicienne au laboratoire d’anatomie de l’université. L’UQTR a aussi un site de recherche en thanatologie, où on étudie la décomposition des corps humains. Il s’agit du seul site de ce genre au Canada — on doit donner expressément son consentement sur un formulaire de l’établissement pour que nos restes servent à cette fin.
Lors de la cérémonie annuelle organisée par l’université, toutes les personnes ayant fait don de leur corps dans les 12 derniers mois sont nommées. Des professeurs et des étudiants expliquent ensuite à la famille et aux proches rassemblés en quoi chaque don de corps est important pour l’acquisition de connaissances et l’avancement de la science.
« Un jour, un monsieur m’a dit qu’il venait d’une famille pauvre et qu’il n’avait pas pu aller à l’université. Il était content de donner son corps parce qu’il savait qu’il allait pouvoir y entrer, raconte Johanne Pellerin. Je lui ai répondu qu’en donnant son corps, il allait même pouvoir devenir professeur. »
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