Fabien Major est planificateur financier et animateur du populaire balado de finances personnelles Le planif. Il est conseiller en gestion de patrimoine depuis 1998.
Au cours des dernières décennies, il s’est écrit pas mal de choses sur les ratios des frais des divers produits financiers au Canada. Mais récemment, des changements majeurs ont complètement bouleversé le paysage, dont certains ont eu pour effet une diminution observable de ces frais. Voilà une excellente nouvelle pour tous les investisseurs. Mais n’allez pas croire que « le plus bas soumissionnaire » est toujours un gage de qualité dans l’industrie financière.
Tout investisseur doit certainement regarder attentivement la rentabilité après frais et impôt, le niveau de volatilité et le risque en général. Le pourcentage de frais n’est pas le seul facteur à prendre en compte pour déterminer combien vous « coûte » un placement. D’ailleurs, de quels frais parle-t-on au juste ? Cela peut être des frais d’achat de parts, des frais de gestion, des frais d’opérations, des commissions de suivi, qui diminuent d’autant le rendement que vous obtenez. Mais parfois, vous négligez des sommes dont vous pourriez bénéficier et que vous laissez plutôt sur la table.
Les certificats de placement garanti (CPG)
Analysons d’abord les frais du produit financier le plus en vogue cette année : le certificat de placement garanti (CPG), qui assure que votre capital sera protégé des fluctuations du marché. J’entends souvent que ce sont des produits financiers gratuits. Hé non. Avec les taux actuellement en vigueur, selon les termes choisis, les représentants qui les vendent reçoivent des commissions allant jusqu’à 1,25 % de la somme confiée.
Suivons le chemin de l’argent. Supposons que vous déposiez 10 000 dollars dans le CPG de votre institution financière. Cette dernière peut vous verser des intérêts annuels de 5 % par année, soit dans ce cas la somme de 500 dollars. Elle prend votre argent et le prête à un autre client, par l’entremise d’un prêt personnel ou d’une hypothèque. Le taux affiché pour un terme hypothécaire de cinq ans est de 6,6 % (660 dollars). Donc, cela procure un gain de 160 dollars par an. Pourquoi laisser l’institution financière en profiter, alors que vous pourriez choisir un autre placement qui vous donnerait un rendement aussi élevé que ce que la banque obtient ?
L’investisseur peut avoir une bonne idée de ce que lui coûte un CPG en le comparant avec un portefeuille d’obligations en fonds négociés en Bourse (FNB) ou de fonds communs d’une durée semblable. Le taux de rendement à l’échéance est inscrit dans les documents d’information de ces fonds. Au moment d’écrire ces lignes, on peut en trouver qui affichent un taux à l’échéance supérieur à 8 %. Donc, le particulier qui opte pour cela au lieu du CPG pourrait récolter 3 % de plus, et la liberté de racheter à tout moment son placement. Ce que le CPG ne permet pas.
Les fonds de syndicats
Bien des gens croient que les fonds de syndicats de travailleurs sont sans frais. Faux. Ils se situent même, selon moi, parmi les produits les plus onéreux de l’industrie. Je m’explique.
Le Fonds de solidarité FTQ affichait un ratio des frais de gestion de 1,6 % au dernier exercice financier. Fondaction de la CSN, 2,06 %. Pourquoi cela est-il onéreux ? Parce que les investisseurs de ces deux fonds ne reçoivent aucun conseil personnalisé ou de planification financière. Mais aussi parce que, à moins de circonstances exceptionnelles (une invalidité grave et prolongée ou le Régime d’accession à la propriété), les rachats purs et simples sont impossibles avant la retraite. Au fil du temps, vous pourriez rater des occasions d’investissement plus lucratives. Le coût de renonciation est donc très élevé.
On pourra faire valoir que les frais sont justifiés, car ces fonds offrent un généreux crédit d’impôt supplémentaire. Ils n’ont pourtant rien à voir avec cet avantage fiscal. Le crédit d’impôt n’est pas financé par le fonds, mais par tous les contribuables québécois.
Les fonds communs de placement
Selon le logiciel Laboratoire Morningstar, il y avait plus de 20 822 fonds actifs de diverses séries à la fin du troisième trimestre de 2022. La médiane des ratios des frais de gestion (RFG) se situait à 1,37 %. Les plus onéreux sont les fonds de type alternatif, qui offrent des bonifications au rendement à leurs gestionnaires. Le Ninepoint Energy de série D affiche un ratio des frais de gestion de 12,33 %. Même si les frais ne sont pas un gage de rendement, c’est intéressant de savoir que ce fonds a procuré un gain net de 157 % en 2021 et de 59 % depuis le début de l’année 2022.
Les fonds les moins chers de l’industrie sont les fonds du marché monétaire, qui facturent des frais oscillant autour de 0,20 %. Généralement, j’observe que les fonds des institutions bancaires sont parmi les plus chers au pays, car ils comptent une commission de suivi intégrée. Ce qui porte le ratio des frais de gestion entre 1,5 % et 2 %.
Attention aux fonds communs de la série O. Certains affichent un ratio de 0 %. D’accord, mais il y a des honoraires à payer séparément, en fonction de l’actif confié. Ce sont donc souvent des placements réservés à la clientèle nantie.
Les fonds négociés en Bourse (FNB)
Le marché canadien compte 1 302 fonds de ce type. Ici, aucune somme n’est versée aux conseillers ou aux agences de courtage, ils doivent facturer leurs services à part. Les investisseurs qui les achètent directement sur une plateforme de courtage autonome ne paient donc pas de frais de conseil, mais ils ont toute la responsabilité de leurs choix et des transactions. Le ratio médian des frais de gestion des FNB est beaucoup plus faible que celui des fonds communs, on parle de 0,26 %. Encore ici, de petits frais ne sont pas nécessairement un gage de résultat. Il y a des centaines de fonds à frais minuscules qui ne produisent… que des pertes. Faire la bonne sélection au bon moment n’est pas une mince tâche.
Fini les frais de sortie pour les fonds communs
Parmi les nombreuses réformes que les régulateurs des marchés financiers ont mises en place dans l’industrie, on trouve l’abolition des frais de sortie pour les nouvelles ventes de fonds communs. Depuis juillet 2022, les sociétés de courtage et les institutions ne peuvent plus offrir de placements assortis d’un mécanisme qui pénalise les clients qui retirent leurs avoirs avant un certain délai (entre deux et sept ans).
Cette formule controversée faisait en sorte que le cabinet de courtage obtenait à la signature une commission pouvant atteindre 5 % de la somme confiée, dont près du tiers allait au conseiller qui avait fait la vente. Exemple : si un investisseur plaçait 50 000 dollars, la société de courtage recevait 2 500 dollars du manufacturier de fonds, et pouvait remettre 2 000 dollars à son conseiller. Le hic ? L’investissement devait demeurer dans la même famille de fonds pendant sept ans. Autrement on faisait payer à l’investisseur une pénalité au rachat (décroissante au fil du temps) pour récupérer la commission avancée aux sociétés de courtage et à leur personnel à la première transaction.
Soyez vigilants, les frais de rachat à la sortie existent encore dans les produits de placement des compagnies d’assurance vie, appelés « fonds distincts ».
Pour y voir plus clair, demandez des confirmations écrites de l’ensemble des frais et du détail de la rémunération de la société de courtage et des conseillers qui vous assistent. Et surtout, gardez à l’esprit que le consommateur de produits financiers a aussi des droits, dont celui à la transparence de l’information liée à la gestion de ses avoirs.
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