Les plateformes juridiques sont au cabinet d’avocat traditionnel ce que la Honda est à la Mercedes. Ces services en ligne, moins chers et sans flafla, suffisent amplement aux besoins de la plupart des gens. « Comme une Honda Accord », précise Me Philippe Lacoursière, cofondateur de OnRègle, une plateforme lancée en 2016.
OnRègle est l’une des plus importantes plateformes juridiques au Québec, avec Neolegal, créée en 2017. Toutes deux fondées par des avocats, elles donnent accès à des services à la carte. Pas de tarif horaire ou de « compteur qui démarre » sans savoir quand il s’arrêtera. Le prix des produits est fixe — 215 dollars pour la préparation d’un dossier pour la Division des petites créances, par exemple, ou encore 165 dollars pour la contestation d’une contravention de trois points d’inaptitude. Les deux entreprises couvrent tous les domaines du droit civil : droit familial, litiges entre particuliers, vices cachés, droits du consommateur, etc.
« Souvent les gens se disent que retenir les services d’un avocat traditionnel risque de coûter plus cher que le montant réclamé, et ils concluent que ça n’en vaut pas la peine », dit Me Lacoursière. Avec un forfait, ils paient pour ce dont ils ont besoin, pas plus, pas moins.
Neolegal et OnRègle fonctionnent pour l’essentiel de la même manière : la majorité des échanges se font en ligne, par la messagerie de la plateforme ; on ne parle à un avocat (au téléphone ou par vidéoconférence) que si le forfait comprend ce service. Si l’affaire se rend devant les tribunaux, l’avocat n’est pas présent pour représenter le client, mais il peut offrir de judicieux conseils lors de la préparation et en cours de procès.
D’autres ressources juridiques à faible coût ou gratuites existent au Québec, comme des « cliniques juridiques » ou des organismes, auprès desquels il est possible de recevoir des conseils. Protégez-Vous en a fait la liste ici. Certaines assurances — collective, auto, habitation ou entreprise — incluent aussi un volet assistance juridique.
J’ai moi-même réussi à obtenir un peu plus de 20 000 dollars auprès d’une personne que j’ai mise en demeure avec le soutien de Neolegal, dans une affaire de vices cachés. Cela m’a coûté environ 435 dollars (plus taxes). Difficile à battre comme rendement.
Au moment de contacter Neolegal, j’avais déjà eu de l’information gratuitement auprès d’un organisme. Je voulais être accompagnée dans mes démarches sans engloutir des sommes considérables dans cette affaire ni y passer un temps fou. Sans en dévoiler tous les détails (j’ai signé une entente de confidentialité), je peux dire que je m’interrogeais sur la stratégie à adopter : valait-il mieux réclamer la totale, soit 50 000 dollars, ou demander moins, en espérant un règlement plus rapide ?
Mon avocate à distance
J’ai d’abord acheté le forfait « Mise en demeure » à 115 dollars plus taxes. Une fois inscrite sur la plateforme, j’ai décrit mon problème en quelques paragraphes et j’ai déposé sur le portail sécurisé tous les documents et photos pouvant servir de preuve. J’ai reçu la journée même un courriel me confirmant mon rendez-vous téléphonique avec une avocate de l’équipe de Neolegal, deux jours plus tard.
Lors de cette discussion, l’avocate a évalué les différentes stratégies et évoqué un article du Code civil auquel je n’avais pas pensé et qui pouvait nous être utile. L’appel a duré une trentaine de minutes ; il aurait pu s’étirer plus longtemps au besoin, puisqu’il n’est pas limité. J’ai décidé de réclamer 25 000 dollars.
Après trois jours, la mise en demeure rédigée par l’avocate était prête. J’aurais pu la poster moi-même, mais j’ai pensé que cela aurait un petit effet si cette missive était signée par l’avocate, marquée du sceau de Neolegal (55 dollars) et envoyée par courrier recommandé (20 dollars).
La partie adverse n’a pas mis de temps à réagir. À cette étape, j’aurais pu négocier directement avec elle. J’ai plutôt opté pour le service « Négocier avec la partie adverse », pour 245 dollars. J’ai eu droit à un autre appel téléphonique, à quelques courriels de suivi, et j’ai dû fournir des documents supplémentaires demandés par la partie adverse. Puis j’ai laissé l’avocate faire son travail. Quelques semaines plus tard, elle m’a annoncé que la partie adverse acceptait de me verser plus de 20 000 dollars, contre le renoncement à toute poursuite éventuelle. J’ai signé, sourire aux lèvres.
Si la négociation avait échoué, j’aurais pu décider de déposer une poursuite à la Cour du Québec (ou à la Division des petites créances, pour un montant maximal de 15 000 dollars). Comme dans une histoire dont vous êtes le héros, j’aurais encore eu trois options : j’aurais pu me débrouiller seule, téléphoner à un cabinet traditionnel, ou acheter le forfait « Poursuivez à la Cour du Québec » de Neolegal. Pour 1 165 dollars plus taxes, l’avocat s’occupe de la paperasse, prodigue des conseils stratégiques (on a droit à quatre appels) et tente de négocier une entente à l’amiable avant le début du procès.
Miser sur la technologie
Pour réussir à offrir des prix aussi bas, Neolegal automatise tout ce qui peut l’être. Son fondateur, Philip Hazeltine, un avocat montréalais de 39 ans, a recouru aux services de développeurs Web et d’ingénieurs informatiques pour mettre au point des outils technologiques capables d’augmenter la productivité de ses avocats. « On a décortiqué chacune des étapes de chacun des services juridiques, comme la collecte d’informations, l’analyse du dossier, la rédaction, etc., et on a pensé le tout comme une chaîne de montage. Quand c’est possible de l’automatiser, on le fait. Et on met l’humain aux bons endroits, là où c’est nécessaire. »
L’entreprise compte maintenant une soixantaine d’employés, dont le tiers sont avocats. Le reste de l’équipe s’occupe de l’administration, du service à la clientèle, du marketing et de la techno. D’autres cabinets d’avocats québécois offrent aussi des services juridiques en ligne, comme des modèles de mise en demeure ou de contrat, ainsi que des consultations en vidéoconférence, mais la plupart n’ont pas encore poussé la technologie aussi loin.
OnRègle, qui compte une vingtaine d’employés, est la plus avancée à ce chapitre. Une partie de ses services reposent en effet sur l’intelligence artificielle. Pour le client, les premiers pas sur la plateforme se font de façon très intuitive, explique le cofondateur, Me Philippe Lacoursière. « Le système d’intelligence artificielle pose des questions simples sur le problème, et l’utilisateur lui répond tout aussi simplement », dit-il. Il peut également aider le client à trouver ce qui constituerait des preuves, en lui donnant des exemples concrets de l’information qu’il doit chercher dans ses factures, contrats, photos, textos, etc.
Ce système place ensuite les réponses dans un ordre logique, tel que le requiert la cour, et y joint les preuves pertinentes. Puis le document est révisé par un technicien.
Le client choisit le niveau d’accompagnement dont il a besoin. Pour le produit « Aide pour les petites créances », par exemple, il peut opter soit pour ce service automatisé à 95 dollars, soit pour la révision écrite par un avocat à 215 dollars, ou encore pour le forfait qui comprend un appel téléphonique de l’avocat, à 255 dollars. Dans un petit cabinet traditionnel (où le tarif moyen est d’environ 150 dollars l’heure), on s’en sort facilement avec une facture trois fois plus élevée.
Philippe Lacoursière a constaté que les services automatisés étaient populaires auprès de clients réguliers. « C’est le cas de propriétaires de petites entreprises qui ont des problèmes avec des fournisseurs, par exemple. La première fois, ils demandent une révision de leurs documents par un avocat, et une fois qu’ils ont compris comment ça fonctionne, ils se sentent assez confiants pour le faire eux-mêmes, guidés par le système automatisé », illustre l’avocat.
D’autres services, comme la modification d’une pension alimentaire ou l’homologation d’une médiation familiale, ne peuvent se faire qu’avec le concours d’un professionnel du droit. Avec un soupçon de technologie, Neolegal et OnRègle parviennent néanmoins à garder les coûts au plus bas. « Le nom des enfants ou le lieu du mariage, on peut les écrire soi-même dans un formulaire en ligne, plutôt que d’être assis dans un beau bureau avec un avocat qui pose des questions », souligne Philippe Lacoursière.
Une approche qui permet à la fois d’accélérer les services et de les rendre plus abordables. Et une solution pour rendre la justice accessible au plus grand nombre.
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