Sur papier, l’idée semble excellente. S’allier à des amis ou à des membres de sa famille pour acheter un immeuble à revenus ou un chalet locatif facilite généralement la réalisation du projet. En groupe, on peut emprunter une plus grosse somme et ainsi accéder à un immeuble qu’il serait impossible d’acquérir seul. Avec, à la clé, des revenus de location plus intéressants.
Sauf que, dans la pratique, les choses ne se déroulent pas toujours comme on l’avait imaginé. Des rénovations imprévues peuvent devoir être faites d’urgence et on ne s’entend pas sur la somme à y consacrer, par exemple. Bien des accrochages pourront être évités si vous prenez la peine de convenir des responsabilités de chacun avant de commencer le projet et de les inscrire dans une convention rédigée par un notaire ou un avocat (idéalement spécialisé en droit immobilier), conseille Maxime Lamoureux, planificateur financier chez IG Gestion privée de patrimoine et lui-même investisseur immobilier.
Il existe plusieurs types de conventions, dont la convention d’actionnaires ou d’associés, mais la plus simple est une convention d’indivision, parfaitement adaptée à la situation. La signer devant notaire coûte minimalement autour de 1 500 dollars. Vous pouvez également rédiger vous-même une convention en vous appuyant sur des indications offertes en ligne, mais vous risquez alors d’oublier certaines clauses qui pourraient se révéler importantes.
En revanche, inutile de créer une entreprise dans la majorité des cas, affirme Jonathan Lefrançois, directeur en fiscalité au cabinet Moquin Amyot. « Neuf fois sur dix, on ne recommanderait pas l’incorporation », explique-t-il, évoquant notamment les frais juridiques et comptables qui y sont liés. Cela concerne surtout les entrepreneurs qui ont avantage à investir en immobilier en transférant de l’argent d’une entreprise à une autre.
On peut très bien acheter sans convention, mais cette dernière est fortement conseillée, dit Maxime Lamoureux, car elle permet de contourner les écueils qui guettent les futurs partenaires.
Voici trois risques à considérer pour éviter que votre projet immobilier ne se transforme en cauchemar. Et ce qu’il faut écrire dans la convention pour les atténuer.
Mal définir les responsabilités ou les sous-estimer
Ce n’est pas parce que vous vous entendez parfaitement bien avec votre chum, votre blonde ou votre ami d’enfance que vous ferez nécessairement de bons partenaires d’affaires. Une fois l’immeuble à logements ou le chalet acheté, il se peut que la séparation des tâches fasse éclater des conflits.
Dans votre groupe de partenaires, il peut par exemple y avoir un investisseur passif, qui ne s’implique qu’en injectant de l’argent, et un autre qui répond aux appels des locataires et se charge des réparations courantes. « Au début, l’apport de celui ou celle qui met l’argent est primordial. Mais plus tard, la personne qui fait la gestion peut être frustrée de voir qu’elle s’occupe de l’immeuble à 100 % », illustre Maxime Lamoureux. Si les responsabilités sont clairement inscrites dans une convention — et qu’on a donc pris le temps d’y réfléchir —, le risque qu’un des partenaires se sente lésé à mesure que le projet avance est moins grand.
Les réseaux sociaux regorgent d’influenceurs qui disent avoir fait fortune de manière passive grâce à l’immobilier, fait remarquer le planificateur financier. « Ce n’est pas vrai. C’est du revenu actif : on doit s’occuper d’un immeuble comme d’une entreprise », affirme-t-il, évoquant notamment l’entretien, le renouvellement des baux ou, dans le cas d’un chalet à louer, la gestion des séjours. Il faut penser à l’ensemble des tâches au moment de les répartir.
La convention peut éviter bien des problèmes, acquiesce Yvan Cournoyer, président du Club d’investisseurs immobiliers du Québec, qui offre formations et réseautage aux mordus du domaine. « Qu’est-ce que la dépense pour rédiger une convention représente sur un investissement de plusieurs dizaines de milliers de dollars ? »
Se dire que tout va bien aller
« L’investissement immobilier, c’est comme un mariage. Quand tu te maries, tu dois prévoir le divorce, lance Yvan Cournoyer. En immobilier, c’est la même chose : tu dois penser aux problèmes potentiels et aux manières de les régler. »
En cas de décès ou de départ volontaire d’un des partenaires, comment s’effectuera le rachat de ses parts ? Est-ce que les autres partenaires ont un droit de premier refus (donc la priorité pour racheter ses parts) ? Yvan Cournoyer conseille de prévoir dans votre convention des clauses pour tous les scénarios possibles. Si l’investissement immobilier s’est fait en couple, qu’arrive-t-il en cas de séparation ? Si les ex-conjoints veulent mettre fin à leur relation d’affaires, est-ce que l’un des deux aura droit à un délai pour racheter la part de l’autre, afin qu’il ait le temps d’amasser les liquidités nécessaires ?
« Le nombre de circonstances et d’événements de vie sera multiplié par le nombre de personnes impliquées », note le fiscaliste Jonathan Lefrançois.
Manquer d’argent
Quand on se lance dans un projet immobilier, il faut penser à l’argent de la mise de fonds et à tout ce qui vient avec l’achat d’un immeuble (comme les frais pour l’inspection et le notaire), en plus de prévoir un fonds de roulement suffisant pour assurer l’entretien et payer des rénovations inattendues, comme un toit qui coule. La taille de ce fonds de roulement dépendra notamment de la valeur de la propriété et de son état (neuve ou pas), etc. Il n’y a pas de règle universelle, fait remarquer Yvan Cournoyer. « Tant qu’il ne manque pas d’argent, ça va bien. C’est quand il faut en rajouter que les prises de bec commencent », affirme Yvan Cournoyer.
Si une grosse dépense survient en cours de route et que le fonds de roulement ne suffit pas, il faut déterminer qui paiera, et dans quelle proportion, souligne Maxime Lamoureux. « Est-ce que les partenaires injectent de l’argent au prorata de leur part ? Et si un partenaire est impliqué dans la gestion, mais n’a pas versé un sou de mise de fonds, est-ce qu’il doit injecter de l’argent aussi ? » Ce sont toutes des questions auxquelles on doit répondre dans la convention, dit-il.
Avoir une discussion franche au sujet de tous les aspects du projet permet de s’assurer que tous les partenaires sont sur la même longueur d’onde… ou pas. Auquel cas, mieux vaut passer son tour et investir avec quelqu’un d’autre, voire pas du tout. « Les gens sous-estiment la charge de travail et surestiment les gains rapides qui peuvent être faits grâce à l’immobilier », résume le planificateur financier.
En devenant propriétaire d’un immeuble, il faut aussi être prêt à prendre des décisions difficiles, comme expulser un locataire qui aurait saccagé un appartement ou qui ne paierait pas depuis plusieurs mois, ajoute-t-il. « L’immobilier, ce n’est pas pour tout le monde, renchérit Jonathan Lefrançois. Il faut s’associer avec des gens qui sont prêts à faire face à ce genre de situation. »
Après tout, ce serait triste que les soupers d’amis que vous aviez l’habitude de faire avant d’imaginer ce projet ne soient plus que de beaux souvenirs.
Ce texte vous a plu ? Recevez chaque samedi nos astuces pour faire de l’argent et économiser en vous inscrivant à l’infolettre Dollars et cents. Il suffit d’entrer votre adresse courriel ci-dessous. 👇