En plein orage, dans l’après-midi du 10 mai 1752, un courageux volontaire installé dans une guérite munie d’une tige de métal qui s’élevait à 12 mètres dans le ciel de Paris a vu une étincelle apparaître devant lui.
L’observation était sensationnelle. L’auteur de l’expérience, Thomas-François Dalibard, venait de vérifier l’hypothèse émise par Benjamin Franklin voulant que les éclairs soient des phénomènes électriques.
Pendant des millénaires, les humains ont cru que les éclairs étaient des phénomènes surnaturels qui attestaient de la colère des dieux.
Grâce à Franklin et Dalibard, des paratonnerres sont apparus sur les bateaux et les édifices, assurant la sécurité de leurs occupants lors des orages. Surtout, leurs travaux ont démontré que l’électricité n’était pas une force à craindre, mais bien qu’elle avait le pouvoir d’améliorer la vie des humains.
Les éclairs sont un bon point de départ pour comprendre l’un des phénomènes les plus terrifiants pour les investisseurs : les chutes boursières.
Comme la foudre, les chutes boursières peuvent paralyser même la personne la plus rationnelle. Pourtant, comme l’électricité, elles devraient être célébrées par la vaste majorité d’entre nous.
C’est une leçon simple, mais qui n’est pas facile à intégrer.
En tant qu’investisseurs, nous avons souvent l’impression que les chutes boursières sont mauvaises, et doivent être évitées à tout prix.
J’ai longtemps adhéré à cette vision. Voir la valeur de mon portefeuille diminuer me troublait au plus haut point, mais j’ai fait un virage à 180 degrés sur la question. Aujourd’hui, je suis plus intéressé par le temps qu’il fera demain que par la hausse ou la baisse de la valeur de mes placements.
Lors d’une récente débarque boursière, mes placements ont fondu comme jamais : en quelques semaines, un trou équivalant à des années de salaire est apparu dans mon compte. Or, jamais je n’ai songé à vendre mes placements ni perdu une minute de sommeil à cause d’eux. Pourtant, je ne crois pas posséder de dons particuliers ni d’intérêt pour le masochisme.
Ce qui a changé mon opinion ? Apprendre que les chutes des marchés sont courantes, inévitables et nécessaires.
Par exemple, depuis les années 1920, le S&P 500, l’indice qui représente les 500 plus grandes entreprises à la Bourse américaine et celui sur lequel nous avons les données historiques les plus complètes, connaît annuellement trois chutes de 5 % en moyenne.
Des déclins plus prononcés sont régulièrement au menu. Depuis 100 ans, un déclin de 10 % se produit environ tous les 16 mois.
Et qu’en est-il d’un déclin de 20 % ? Une telle chute a eu lieu tous les 7 ans en moyenne au cours du dernier siècle. Et depuis les années 1950, l’indice du S&P 500 a chuté d’environ 50 % à trois reprises, c’est-à-dire une fois tous les 22 ans.
La fameuse « volatilité boursière » est tellement courante qu’elle ne devrait plus nous étonner. Mais elle nous surprend chaque fois !
Si les chutes nous font si mal, c’est qu’elles ressemblent à des punitions — un peu comme si un professeur sévère nous avait tapé sur les doigts pour avoir mal agi.
Les chutes ne sont pas des punitions. Elles sont des droits d’entrée.
« Les rendements du marché ne sont pas gratuits, et ne le seront jamais », écrit l’auteur financier et investisseur Morgan Housel.
Dans son livre The Psychology of Money, Housel note que les chutes ne sont pas un bogue du système. Accepter de voir ses placements perdre de la valeur est le prix à payer pour les faire grossir à long terme. Sans chutes, il n’y a pas de risque. Sans risque, il n’y a pas de rendement.
Notre réflexe est pourtant de chercher à obtenir la récompense, sans en payer le prix.
« En conséquence, les investisseurs établissent toutes sortes de trucs et de stratégies. Ils tentent de vendre avant la prochaine récession et d’acheter avant le prochain boom. Ils veulent éviter la volatilité. Cela peut sembler logique. Mais les dieux de l’argent n’ont pas en haute estime ceux qui essaient d’obtenir une récompense sans en payer le prix. »
Tout cela pour dire que l’une des règles les plus importantes en investissement se résume en trois mots : garder le cap.
Si c’est difficile à faire, c’est surtout parce que nous ne sommes pas équipés pour être de bons investisseurs. L’espèce humaine n’a pas survécu depuis des centaines de milliers d’années sur Terre en gardant les bras croisés pendant un désastre. Lorsque des ennemis pillaient notre réserve de nourriture ou que le feu menaçait notre famille, nous réagissions.
Dans le monde de l’investissement, ce réflexe ne peut que nous nuire.
Voir notre portefeuille de placements perdre de sa valeur très rapidement donne à notre cerveau l’impression qu’un lion en colère fonce sur nous. Des dollars qui nous appartenaient la veille ne sont plus en notre possession. Chaque fibre de notre être veut faire quelque chose — n’importe quoi ! — pour éliminer la menace.
Comme avec les lions, le truc n’est pas de combattre le danger, mais de combattre nos réflexes.

De zéro à millionnaire : Investir en Bourse sans souffrir, de Nicolas Bérubé, aux Éditions La Presse. En vente dès le 27 janvier 2022. Extrait reproduit avec l’autorisation de l’auteur.