« Je ne pouvais rien faire. Je n’avais pas signé de contrat. »
Une des fausses idées les plus courantes concernant le droit est que seul un contrat écrit peut vous protéger. Or, c’est inexact : un contrat verbal a bel et bien une valeur légale reconnue.
Qu’est-ce qu’un contrat verbal ? Définition ? Une entente de gré à gré où deux parties, souvent deux personnes, conviennent d’une transaction, d’un service ou d’un dédommagement en échange d’une somme ou d’un retour en nature, sans tout coucher sur papier. Une bonne poignée de main — en d’autres temps qu’en pandémie ! — suffit.
Chaque jour, les Québécois mettent en pratique des centaines de milliers de contrats verbaux, la plupart du temps sans le savoir. En fait, on peut même dire que la société fonctionnerait mal sans la flexibilité et la fiabilité des contrats verbaux. La jeune qui pellette votre entrée, le remboursement de l’essence au collègue qui offre le covoiturage, le peintre qui vient rafraîchir votre plafond, la notaire qui rédige votre testament — ces activités sont toutes régies par la règle du contrat verbal.
Ces contrats sont reconnus dans tous les types de tribunaux civils, surtout aux petites créances, mais aussi par des tribunaux administratifs, comme la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail ou encore le Tribunal administratif du logement (l’ancienne Régie du logement).
La prépondérance de la preuve
On l’a dit, il se « signe » des dizaines de milliers de contrats verbaux chaque année au Québec. Rarement ces ententes capotent-elles, mais cela arrive.
Bon an, mal an, les tribunaux du Québec entendent une centaine de causes sur la validité de tels contrats, et ils en reconnaissent une bonne part.
Quand on fait le tour des jugements sur cette question, la première chose qui ressort, c’est que le juge cherche à établir s’il y a « relation contractuelle ». Est-ce que les parties s’étaient entendues sur ce qui devait être fait, sur un prix, une échéance, des modalités ?
Comment est-ce que l’on prouve une relation contractuelle ? Penchons-nous sur un jugement du 19 novembre 2021 dans une affaire de terrasse de piscine mal bâtie. La demanderesse réclamait 2 872 dollars à l’entreprise de rénovation, malgré l’absence de contrat écrit en bonne et due forme.
En lieu et place de l’analyse d’un tel document, la juge a plutôt examiné une série de faits, incluant des témoignages, des factures, des textos et des photos. La magistrate ne cherchait pas à déterminer qui avait tort ou qui avait raison. Ce qu’elle voulait, c’était une preuve « prépondérante », c’est-à-dire qui avait du poids.
Dans ce cas-ci, la juge a conclu que la preuve contre le rénovateur était prépondérante. Celui-ci a donc dû rembourser 1 872 dollars. Par contre, elle a considéré que madame n’avait pas droit à une somme additionnelle de 1 000 dollars réclamée pour « troubles et inconvénients » — la preuve n’était pas convaincante.
Ce que ce jugement montre, c’est que vos documents (photos, courriels, textos, comptes rendus, plans) et vos témoins sont tous recevables en preuve, contrat ou pas. À quelques nuances près : pour une réclamation de moins de 1 500 dollars, vous pouvez vous débrouiller avec seulement des témoins. Si vous demandez plus, vous aurez besoin de documents.
Quel est le contrat, au juste ?
La nature de la relation contractuelle n’est pas toujours claire et il arrive qu’une partie découvre que le contrat verbal n’était pas exactement tel qu’elle le croyait.
Cela ressort nettement de la cause qui a opposé un marchand de semences potagères à un consultant informatique — jugée le 31 mars 2021. Les deux s’étaient entendus au fil d’échanges et de conversations pour l’installation d’un logiciel. Le contrat comprenait deux volets : une « obligation de résultat » (le logiciel commandé a-t-il été livré ?) et une « obligation de moyens » (le consultant devait donner du temps pour aider le client).
Le demandeur réclamait un remboursement de la part du consultant pour des services qu’il considérait comme inutiles. Or, fait intéressant ici, le défendeur a fait une « demande reconventionnelle ». Cela signifie que l’intimé a demandé à la juge de reconsidérer la cause, estimant être la partie lésée dans cette histoire. Selon l’intimé, c’était plutôt le marchand qui refusait de lui payer son temps.
La juge a tranché, dans un jugement de 15 pages : le consultant s’était bel et bien acquitté de son obligation de résultat, et il avait pris tous les moyens nécessaires pour aider son client. C’était donc le marchand qui devait verser au programmeur la somme réclamée, soit 6 732 dollars.
Les limites du contrat verbal
Cette dernière cause démontre la complexité insoupçonnée des contrats verbaux : la parole de l’un contre celle de l’autre, l’interprétation d’un vocabulaire moins précis que par écrit, des détails et bribes de conversations perdus dans les confins de la mémoire, autant d’éléments plus intangibles que tangibles. La crédibilité des témoins devra être aussi établie. C’est d’ailleurs pour cette raison que même si ce type de contrat vous protège en théorie, il demeure préférable de conclure un contrat écrit. Surtout si le travail à exécuter est compliqué, de longue durée, s’il concerne plusieurs personnes et si la somme est importante.
Par ailleurs, le contrat verbal ne s’applique pas partout. Dans certains domaines — droit d’auteur, bail, hypothèque, contrat de mariage, préarrangements funéraires, achat d’une automobile d’occasion auprès d’un commerçant, transaction avec un marchand itinérant, donation —, seul le contrat écrit est considéré comme valide.
Un contrat verbal, c’est bien pratique, mais ça ne fait pas de miracles non plus !
Texte informatif — Ce texte ne constitue pas un avis juridique ; il est recommandé de consulter un avocat ou un notaire pour un tel avis.