Le marché de l’habitation est tellement incandescent depuis deux ans qu’on assiste à un phénomène nouveau et troublant. De plus en plus d’acheteurs, en désespoir de cause, proposent de renoncer à la garantie légale de qualité afin de rendre leur offre d’achat plus intéressante. C’est risqué et même franchement « cowboy », car en temps normal, c’est plutôt le vendeur qui devrait imposer cette condition !
La garantie légale de qualité protège l’acheteur contre le risque de vice caché lors de l’achat d’une maison. Cette disposition est inscrite dans la loi et s’applique de manière automatique — sauf si l’acheteur consent par écrit à faire l’acquisition de la propriété « sans garantie légale de qualité, aux risques et périls de l’acheteur » (c’est la formule consacrée).
Dans un marché normal, la renonciation à la garantie légale de qualité suppose un escompte d’environ 10 %, qui tient compte du risque couru. Il est donc tout à fait anormal de voir des acheteurs proposer de mettre une croix sur cette garantie et surenchérir par-dessus le marché. Car si un vice caché était découvert, ils pourraient y perdre beaucoup d’argent.
Certains types de vendeurs sont obligés d’offrir une garantie légale de qualité et ne peuvent s’y soustraire. Il s’agit des constructeurs de maisons neuves et des vendeurs professionnels, qui font commerce de l’immobilier (les courtiers, là-dedans, ne sont que des intermédiaires). À l’inverse, la pratique d’exclure la garantie légale de qualité est presque automatique dans les cas de succession ou de reprise de finance par une institution financière. Pourquoi ? Parce que les propriétaires, qui n’ont pas vécu dans l’immeuble, ne peuvent pas logiquement donner une garantie contre des vices dont ils ne sont pas responsables et dont ils ne peuvent avoir connaissance.
« Cette pratique introduit de la fluidité dans le marché, autrement les vendeurs d’une succession ou d’une reprise de finance hésiteraient à vendre », dit Me Sandra Barrette, directrice à la certification et au centre d’information de l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ), qui répond aux questions de dizaines de milliers de personnes chaque année. « Les courtiers ont l’obligation de bien expliquer aux vendeurs et aux acheteurs les risques que représente une transaction sans garantie légale de qualité. »
Une maison pleine de vices
Une garantie légale blindée en or massif ne vous protège nullement contre un vice déclaré ou signalé au moment de l’achat, puisqu’il n’est pas caché. Et ce n’est pas parce qu’il est caché qu’il a été dissimulé sciemment par le vendeur. « Et c’est d’ailleurs pourquoi la loi oblige le vendeur à faire une déclaration sur ce qu’il sait de son immeuble », dit Me Sandra Barrette.
Car une maison normale est bourrée de vices. Il y a les vices dits de vétusté, qui sont normaux, et les vices dits apparents, qui sont parfaitement visibles. Et il y a les vices les plus vicieux, les vices cachés, pour lesquels il n’y a aucun indice apparent.
Un vice caché doit remplir quatre conditions essentielles : être réellement grave au point qu’il aurait eu une incidence sur votre intention d’acheter ou sur le prix, être inconnu au moment de la vente, ne pas être apparent, et être antérieur à la vente — il peut remonter à 50 ou 100 ans, il n’y a pas de prescription.
La renonciation à la garantie légale de qualité ne prive pas l’acheteur de tout recours, au contraire — justement s’il y a eu dissimulation. Dans l’éventualité que l’on découvre un vice caché que le vendeur a dissimulé sciemment, il est possible de poursuivre en dol. Ce mot étrange, qui vient du latin dolosus, signifie tromperie. Un dol, c’est, selon le Grand dictionnaire terminologique, « un agissement trompeur visant à inciter l’autre partie à passer un acte juridique qu’elle n’aurait pas conclu en connaissance de cause, ou à lui imposer des conditions désavantageuses ».
Autrement dit, le retrait de la garantie légale de qualité ne protège pas forcément un vendeur à 100 %. Mais il est difficile de convaincre un juge qu’il y a eu dol, car il faut prouver que le vice caché a bel et bien été dissimulé par le vendeur. « D’où la nécessité de redoubler de vigilance au moment de l’achat et de commander une solide inspection préachat », dit Me Sandra Barrette.
D’ailleurs, les vendeurs qui renâclent devant cette pratique d’inspection comprennent très mal leurs propres obligations. « Cette inspection préachat protège à la fois l’acheteur et le vendeur, explique Me Barrette. Même sans garantie légale de qualité, le vendeur ne peut pas se soustraire à son obligation de bonne foi. »
Ce qu’il faut faire
Comme acheteur, vous ne devriez jamais proposer de mettre une croix sur la garantie légale de qualité. Et si vous acceptez d’y renoncer, vous devriez faire inscrire dans le contrat que vous y consentez à la demande du vendeur.
Inversement, si c’est vous comme acheteur qui avez offert cette renonciation, il serait dans votre intérêt que le contrat ne précise pas que c’était votre initiative. Un juge interpréterait la chose, avec raison, comme une imprudence de votre part — surtout si, en plus, vous n’avez fait faire aucune inspection préachat.
Vous devriez tenter de circonscrire cette renonciation le plus étroitement possible. Par exemple, sur les électroménagers, le cabanon, la piscine, la toiture, le mur extérieur, plutôt que l’ensemble de la propriété.
Si les circonstances vous forcent à avaler cette couleuvre, essayez d’influencer le libellé de la clause à votre avantage. Les juges considèrent qu’une formulation vague du genre « vendu tel quel » ou « acheté tel quel » n’annule pas la garantie légale de qualité de la même manière que la formule consacrée — « sans garantie légale de qualité, aux risques et périls de l’acheteur » —, qui est sans équivoque.