Fabien Major est planificateur financier et animateur du populaire balado de finances personnelles Le planif. Il est conseiller en gestion de patrimoine depuis 1998.
Si d’ordinaire les certificats de placement garanti (CPG) attiraient les investisseurs très prudents et âgés, ils séduisent maintenant des épargnants dans la cinquantaine et même dans la trentaine ou la quarantaine, effrayés par la volatilité des actions et des obligations.
Pendant la plus récente chute des marchés, plusieurs investisseurs ont retiré leur argent de la Bourse (encaissant ainsi une perte) pour le réinvestir dans des CPG, malgré les avertissements des experts qui leur enjoignaient de laisser passer la bourrasque. Agir de cette façon peut coûter très cher.
Le certificat de placement garanti est un produit de dépôt offert par toutes les institutions financières. Il est des plus simples à comprendre. Techniquement, vous prêtez votre argent à la banque, et en contrepartie, elle garantit que vous retrouverez votre capital à terme (un an, deux ans, trois ans, etc.), bonifié d’un taux d’intérêt lui aussi garanti.
Ces produits ont profité de la hausse des taux directeurs des derniers mois. Pour mémoire, les institutions financières se basent sur ces taux directeurs, déterminés par les banques centrales, pour établir les taux d’intérêt des prêts aux particuliers. Mais ces augmentations se reflètent également dans les taux garantis proposés aux déposants. En février dernier, il a été momentanément possible de dénicher des CPG d’un an offrant jusqu’à 5,2 % de rendement. Un sommet inégalé depuis 23 ans.
Le seuil psychologique de 5 % de rendement garanti ravive la popularité de ce produit. L’an dernier, la RBC a évalué que plus de 10 milliards de dollars en nouveaux dépôts avaient été dirigés vers ses CPG.
Mais ce n’est pas une raison pour se laisser séduire par ce produit sans réfléchir. Je vais vous raconter une histoire inspirée de celle vécue par une connaissance (à qui je donne ici un prénom fictif) pour vous démontrer que cela peut faire des dommages à vos finances.
Le cas de Johanne, 45 ans
Début octobre 2022, Johanne a été clouée à sa causeuse en raison d’une blessure sportive. Elle passait plus de quatre heures par jour à suivre les nouvelles en continu à la télé. La guerre en Ukraine, les tensions de la Chine avec Taïwan, les manifs en France et la Bourse qui dégringole lui faisaient craindre le pire. Elle a donc vendu à perte ses placements diversifiés. Son pécule de 100 000 dollars ne valait alors plus que 80 000 dollars. Ses économies ont végété pendant quelques mois dans son compte courant… sans intérêts. En février dernier, elle a décidé de souscrire à un CPG de cinq ans à 5 % par année, soit le temps nécessaire pour obtenir environ 20 000 dollars d’intérêts et ainsi récupérer son capital perdu à la Bourse.
Johanne a réagi avec impulsivité en négligeant un élément majeur dans son évaluation sommaire. Après une séquence de replis importants des marchés boursiers, leur remontée est souvent spectaculaire. Si elle avait laissé son investissement tranquille, elle aurait déjà récupéré 9,6 % en à peine six mois. Si l’on se fie aux rebonds historiques en période sombre, il est mathématiquement possible que les marchés boursiers et obligataires mondiaux offrent des rendements fort attrayants en 2023. Il est même possible que ces hausses effacent les baisses de 2022 dès cette année.
Mais qu’est-ce que Johanne aurait dû faire si la volatilité des indices boursiers nuit à son sommeil ?
Certainement changer de chaîne de télé, puis patienter. C’est une fois que nos placements ont repris leur valeur qu’on révise notre stratégie en diminuant les risques. Jamais PENDANT les baisses de marché. Laisser nos émotions dicter nos décisions d’investissement peut facilement détruire 10 ans de bons choix financiers et saper nos plans de retraite.
D’autant qu’aucun produit de placement n’est totalement sans risque et que le CPG ne fait pas exception. Voici ce que je dis à ce propos à mes clients.
Les risques sous-estimés des CPG
- Votre argent est enfermé à double tour jusqu’à l’échéance. Si vous en avez besoin entre-temps, il n’y a aucun moyen de le retirer. La banque pourra alors vous faire un prêt… à un taux sans doute supérieur à ce que vous touchez en intérêts avec votre CPG.
- Si les conditions du marché s’améliorent ou que de nouveaux produits offrent de meilleures conditions, vous ne pourrez donc pas en profiter. C’est ce qu’on appelle le coût d’opportunité.
- Les intérêts du CPG ne parviennent que rarement à surpasser les effets de l’inflation. C’est encore pire une fois qu’on a soustrait la facture d’impôts sur les intérêts (si le placement est fait hors REER ou CELI).
- Dans le cas d’un placement hors REER ou CELI, les intérêts générés par les CPG sont imposés à 100 % (alors que d’autres types de rendement, comme les gains en capital, le sont à 50 %).
- En cas de faillite de l’institution émettrice, les sommes supérieures à 100 000 dollars ne seront pas protégées par la garantie de la Société d’assurance-dépôts du Canada (SADC) et de l’Autorité des marchés financiers (AMF).
Voici maintenant les produits que je conseille à mes clients qui lorgnent du côté des CPG. Car ces derniers ont de la concurrence !
Produits de rechange aux CPG
J’aime beaucoup les fonds négociés en bourse (FNB) d’épargne à rendement élevé. Ils ne sont constitués QUE de dépôts bancaires, rachetables en tout temps. Certains offrent des rendements avoisinant les 5 %, et ce, sans date d’échéance (contrairement aux CPG) ni pénalité à l’encaissement.
Les billets à capital protégé (BCP) garantissent pour leur part que tout votre argent vous sera rendu à l’échéance, tout en l’exposant à la fluctuation de titres volatils. Les intérêts, eux, ne sont donc pas garantis. Certains génèrent tout de même de très bons rendements, qui peuvent atteindre 10 % annuellement.
Il y a certaines choses à savoir à leur propos : retirer l’argent avant l’échéance pourrait vous faire perdre la garantie de remboursement du capital et vous pourriez aussi avoir des frais à payer.
Enfin, retenez que les hausses des taux d’intérêt n’ont pas été bénéfiques qu’aux CPG ; des dizaines de bons produits financiers destinés aux investisseurs craintifs et nerveux sont maintenant proposés. Plusieurs d’entre eux affichent des rendements supérieurs à ce que peut offrir un CPG, tout en présentant un risque plus faible que les fonds communs de placement et fonds négociés en bourse investis dans les actions.
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