
Bien que les chiffres mentionnés dans cet article n’aient pas été mis à jour depuis sa publication, les conseils demeurent valides.
Qui n’a jamais désiré avoir un pied-à-terre en bordure de la mer, dans les montagnes ou à la campagne ? Huguette Roy Sabi, elle, est passée du rêve à la réalité au début des années 1990 en achetant un condo en Floride… pour 5 000 dollars.
Il ne manque pas de zéro à ce prix, mais une information : la Sherbrookoise ne peut occuper l’appartement qu’une semaine par année, et toujours la même. Son condo est une multipropriété, ou « propriété à temps partagé » (time-sharing). Un concept intéressant pour quiconque cherche un coin de paradis à petit prix.
Avoir une multipropriété, c’est avoir le droit d’occuper, de prêter ou de louer une habitation — appartement, loft, chalet, etc. — pendant une période précise de l’année, généralement cal-culée en semaines. Selon le pays où vous l’achetez et le type de contrat que vous signez, vous serez propriétaire de vos semaines durant quelques décennies… ou à vie. Heureusement, vous pouvez toujours revendre ce bien.
En 2010, le prix moyen d’une semaine était d’environ 17 000 dollars aux États-Unis, d’après l’American Resort Development Association (ARDA). Évidemment, plus la durée du contrat est longue, plus le prix est élevé. Même chose si vous optez pour une semaine convoitée. Sept jours pendant les Fêtes, par exemple, coûtent plus cher qu’en novembre. Et comme pour une maison, le coût varie en fonction du type de résidence ainsi que de son emplacement.
Ce n’est pas le choix qui manque. Plus de 5 000 complexes touristiques, dont près de 2 500 en Amérique du Nord, offrent des dizaines, voire des centaines de multipropriétés chacun, selon l’ARDA. La majorité se situent dans des lieux prisés des touristes : en bordure de mer, dans des îles paradisiaques, à proximité de terrains de golf verdoyants ou de pentes de ski enneigées… Au Québec, de nombreuses propriétés de ce type se trouvent d’ailleurs dans les régions du mont Sainte-Anne et du mont Tremblant.
Le Club Privilège Tremblant figure parmi celles-ci. « Actuellement, 5 000 familles possèdent des semaines dans 80 de nos condos », dit le directeur des ventes, Claude Caron. Ce Québécois, qui a vendu des multipropriétés en Californie et au Mexique avant de s’installer à Mont-Tremblant, en 2001, ne tarit pas d’éloges sur le concept. « Il ne s’agit pas d’un investissement, comme en immobilier, mais d’une économie. La multipropriété aug-mente la qualité des vacances et en diminue les coûts. À long terme, ça revient moins cher que de louer une chambre d’hôtel à 150 dollars la nuit, et le confort est meilleur. »
Évidemment, pour que l’économie se concrétise, il faut utiliser sa ou ses semaines… Les premières années, c’est amusant. Mais combien de gens peuvent prendre exactement la même semaine de vacances pendant des décennies ? Et qui a envie, année après année après année, de retourner au même endroit ?
« Peu de gens, admet Claude Caron. D’ailleurs, au Club Privilège Tremblant, environ 75 % des membres ne viennent pas au resort. » Ces personnes n’ont pas flambé des milliers de dollars dans un mirage. Elles font simplement des échanges avec d’autres propriétaires de multipropriétés.
Huguette Roy Sabi a ainsi déjà troqué son condo en Floride contre d’autres en Espagne, au Rhode Island, à Cape Cod et à Ocean City. « Mon mari et moi avons été très satisfaits chaque fois. » Et ils n’ont pas eu à contacter d’autres propriétaires : ils ont simplement feuilleté le catalogue de RCI.
Presque tous les complexes de multipropriétés sont affiliés à RCI, une entreprise fondée aux États-Unis en 1974 pour « ouvrir l’éventail de possibilités des vacances à temps partagé », explique Kristofer Jamtaas, vice-président principal au développement d’affaires en Amérique du Nord. « Aujourd’hui plus que jamais, les gens veulent de la variété, que ce soit pour l’endroit ou le moment de l’année où ils prennent leurs vacances. »
Les personnes qui veulent faire un échange peuvent donc inscrire leur semaine dans le catalogue de RCI pour profiter d’un séjour à Tahiti, en Argentine ou en Italie… Le choix est cependant limité par la valeur de leur semaine et de leur habitation. Échanger un petit loft au mont Sainte-Anne en mai contre un spacieux condo à Rio en plein carnaval se révélera impossible. À moins d’être prêt à troquer plusieurs semaines contre une seule.
Comme n’importe quel autre bâtiment, une multipropriété vieillit et doit être entretenue avec soin. Les coûts sont assumés par les propriétaires, qui versent des frais annuels d’entretien. Ils varient beaucoup d’un complexe à l’autre, mais sont généralement de quelques centaines de dollars par semaine achetée. « Faites attention à ces frais avant de signer un contrat, prévient Claude Caron. Assurez-vous que leur croissance est encadrée, sinon ils pourraient doubler sans avertissement. »
En fait, c’est au contrat dans son ensemble qu’il faut faire attention. Avant d’apposer sa signature et de s’engager pour des dizaines d’années, mieux vaut lire les petits caractères… et les comprendre. Une tâche parfois complexe, car il existe plusieurs formules de multipropriété. Certaines offrent des « points », plutôt que des semaines, à utiliser chaque année ; d’autres permettent d’avoir une semaine tous les deux ans. Et dans certains cas, le signataire devient copropriétaire de l’immeuble ; dans d’autres cas, non.
À cela s’ajoutent parfois des méthodes de vente peu scrupuleuses. L’Office de la protection du consommateur a fait une mise en garde en novembre dernier après avoir été contacté par plusieurs consommateurs. « Le modus operandi est généralement le même, explique le porte-parole de l’organisme, Jean Jacques Préaux. On vous dit que vous avez gagné un prix, mais que vous devez vous déplacer pour le recevoir. » Une fois sur place, un vendeur vous présente le concept « novateur » de la multipropriété, parle du prix des vacances qui augmente continuellement et vous fait une offre valable « pour la journée seulement ».
Dans le but d’éviter les mauvaises surprises, mieux vaut prendre le temps de magasiner. « Comme pour une maison ou une voiture, ce doit être un achat réfléchi », souligne Claude Caron, qui précise que rien ne vous empêche de négocier ! Il encourage aussi les gens à acheter une multipropriété au Québec plutôt qu’à l’étranger. « Vous serez servi dans votre langue, vous connaîtrez mieux les lois et vous encouragerez l’économie locale. » Ensuite, libre à vous d’échanger votre semaine contre un séjour à Bora Bora.
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