Les contrats commerciaux comprennent bien souvent une « clause compromissoire » qui propose de régler d’éventuels différends par une procédure de médiation et d’arbitrage. Si vous voyez une telle mention dans une entente que vous vous apprêtez à signer en tant que particulier, vous auriez intérêt à rayer le mot « arbitrage », pour éviter d’être soumis à cette démarche de règlement de conflits qui favorise les entreprises aux dépens des individus.
On confond souvent médiation et arbitrage, comme si l’arbitrage était une forme « plus sérieuse » de médiation. Or, ce sont deux procédures complètement distinctes avec des buts différents, explique Joëlle Thibault, avocate et médiatrice professionnelle. Leur seul point commun est de viser à régler les différends hors des tribunaux par l’entremise d’un tiers neutre, le médiateur ou l’arbitre, selon le cas. L’un est toutefois beaucoup plus approprié que l’autre pour les conflits concernant des particuliers.
La médiation
Il s’agit essentiellement d’une tentative de réconciliation, qui aide deux parties en conflit à chercher ensemble un compromis. On parle beaucoup de médiation en matière de couple, mais son champ d’application est quasi universel : chicane de clôture avec le voisin, querelle d’héritage, vice caché, problème de garantie, mauvais service dans un commerce, problème de relations entre employés ou associés, utilisation abusive du droit d’auteur, etc.
Bien que neutre, le médiateur ou la médiatrice joue un rôle assez créatif afin de trouver un terrain d’entente et relancer la relation sur cette nouvelle base. Si la médiation fonctionne, il en ressort une nouvelle entente, ou un nouveau contrat renégocié. « La médiation permet de poursuivre la relation entre les parties ou de continuer à pouvoir cohabiter avec le voisin, par exemple, dit Joëlle Thibault. C’est même une condition essentielle. Si vous entreprenez une médiation sans avoir l’intention de maintenir la relation, ça ne marchera pas. »
Vous pouvez trouver un médiateur par l’intermédiaire de l’Institut de médiation et d’arbitrage du Québec (IMAQ), l’Association des organismes de justice alternative du Québec ou Équijustice.
Il se peut que la médiation ne coûte rien, si vous passez par le service offert par les petites créances, par exemple, ou par certains organismes dont vous pourriez être membre. Si toutefois vous devez embaucher un médiateur, la facture pour une situation simple sera de 1 500 à 2 000 dollars (le tarif horaire varie de 200 à 300 dollars) et sera partagée également entre les parties, précise Joëlle Thibault. Dans les cas complexes, ça peut grimper au total jusqu’à 5 000 dollars.
L’arbitrage
Ici, on a plutôt affaire à un système de justice parallèle qui permet de court-circuiter la cour. Les deux parties doivent s’entendre sur la nomination d’un arbitre, qui est en général un expert impartial du secteur concerné (on peut trouver un arbitre par l’entremise de l’IMAQ ou du Barreau du Québec, dont le bottin en ligne comporte un filtre pour chercher les avocats accrédités comme arbitres). Pour les cas complexes, vous aurez besoin de trois arbitres : chaque partie en désigne un, et ceux-ci choisissent le troisième. Les parties doivent aussi convenir de la définition exacte du conflit à résoudre.
Ce système a l’avantage d’être beaucoup plus expéditif que les tribunaux : une cause peut se régler en quelques mois plutôt qu’en quelques années. L’arbitre rend une « sentence arbitrale », qui peut inclure le paiement de dommages-intérêts punitifs.
L’arbitrage est très courant en matière de relations de travail, entre autres dans les cas de négociation de convention collective ou pour le règlement de griefs. Il est fréquent dans les conflits entre entreprises, notamment dans le secteur de la construction et du commerce. Et il est particulièrement utile dans des causes qui chevauchent les compétences de plusieurs pays.
Pour un arbitrage dans les règles de l’art, vous ne vous en tirerez pas en bas de 15 000 dollars, ce qui inclut le tarif horaire de 350 à 450 dollars et la location des salles d’audience, toujours selon Joëlle Thibault. Encore ici, les coûts sont partagés également.
Prenez le bon chemin
En tant qu’individu, vous avez toujours le droit d’aller en arbitrage contre une entreprise, mais c’est généralement déconseillé. Ne serait-ce qu’en raison du prix, « l’arbitrage crée un déséquilibre de pouvoir pour le particulier », dit Joëlle Thibault.
Si la médiation échoue, ou si l’autre partie ne respecte pas la nouvelle entente signée devant le médiateur, la loi ne vous oblige pas à passer en arbitrage. Vous pouvez choisir la Cour, et particulièrement la Division des petites créances de la Cour du Québec, qui vous permet de poursuivre ou de vous défendre presque gratis lorsque la cause concerne des dommages de moins 15 000 dollars.
Il faut aussi savoir que l’arbitrage, en plus d’être expéditif, est de nature confidentielle. La décision ne sera pas publique, ce qui l’empêchera de faire jurisprudence. C’est une des raisons pour lesquelles de nombreuses entreprises ont recours à ce système de justice parallèle : il ne ternit pas leur image.
De plus, la convention d’arbitrage prévoit presque toujours que la sentence arbitrale sera finale et sans appel, ce qui interdit aux perdants d’en appeler devant le système de justice.
C’est d’ailleurs pourquoi l’État se donne le monopole dans certains domaines. Contrairement à la médiation, qui jouit d’un large champ d’application, l’arbitrage n’est pas permis en matière familiale (divorce, garde d’enfants, pension alimentaire, etc.) et pour établir un régime de protection (tutelle ou curatelle), lit-on sur le site Web du ministère de la Justice.
« Il y a d’autres domaines où le législateur interdit l’arbitrage, précise Joëlle Thibault, notamment pour tout ce qui concerne l’ordre public, la charte des droits, le logement, le Code de la route, ou ce qui est de la compétence de l’Office de la protection du consommateur. »
Il y a tout de même des limites à court-circuiter le système.
Qui pratique la médiation et l’arbitrage ?
Les avocats sont nombreux parmi les médiateurs et les arbitres, mais on y trouve aussi des psychologues et des spécialistes en ressources humaines. Quelle que soit leur formation, ces professionnels jouent rarement sur les deux tableaux. « Le coffre à outils du médiateur n’est pas le même que celui de l’arbitre », explique Joëlle Thibault. Le médiateur est plus psychologue : il essaie d’aller au fond des intentions de chacune des parties et va intervenir dans la recherche d’une nouvelle entente. Un arbitre travaille davantage comme un juge : il suit une procédure fixe, assez contraignante, il entend les parties et les témoins, et sa sentence est écrite et structurée comme une décision judiciaire.
« Certaines personnes vont offrir des services de médiation et d’arbitrage, mais presque jamais pour un même dossier », explique Joëlle Thibault. On peut le comprendre : même si le médiateur se veut neutre, sa fonction en fait le confident des parties, ce qui peut être incompatible avec l’impartialité nécessaire à la tâche d’arbitre.
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