Fabien Major est planificateur financier et animateur du populaire balado de finances personnelles Le planif. Il est conseiller en gestion de patrimoine depuis 1998.
Il vous est déjà passé par la tête de cacher des choses à votre assureur ? Sachez que cela pourrait se retourner contre vous. Salma, une femme qui a eu recours au service d’un conseiller en sécurité financière que je connais, l’a appris à ses dépens. Je les désigne sous des pseudonymes pour des raisons de confidentialité, mais l’histoire est réelle.
En 2017, Salma a fait l’acquisition d’un duplex dans la région de Montréal avec son mari. Elle a contacté Frank, un conseiller en sécurité financière, pour obtenir une assurance vie, comme l’exigeait son prêteur hypothécaire. Une protection temporaire de 450 000 dollars pour une durée de 20 ans était nécessaire.
Dans le rapport remis à l’assureur, Salma avait déclaré n’avoir aucune inquiétude liée à sa santé. Elle prétendait ne pas fumer, n’avoir aucun antécédent familial de cancer et n’avoir soumis aucune autre demande d’assurance ailleurs. Quatre affirmations mensongères, rapidement détectées par l’assureur.
Les conséquences d’un tel geste sont loin d’être anodines. On peut tout simplement perdre sa protection d’assurance au moment où la supercherie est découverte. Et l’omission involontaire d’un élément capital peut s’avérer aussi grave qu’une fausse déclaration, d’où l’importance de répondre aux questions avec sérieux pour ne rien oublier.
Dans son formulaire de souscription, Salma avait signé trois autorisations essentielles, comme c’est l’usage : une permettant à l’assureur d’accéder à son dossier médical complet, une autre pour qu’il puisse consulter son dossier à la SAAQ (pour savoir si elle a des antécédents de conduite dangereuse), puis une dernière pour lui permettre de communiquer avec le MIB Group, auparavant nommé Medical Information Bureau. Cet organisme sans but lucratif, financé par les sociétés d’assurance vie et maladie d’Amérique du Nord, est l’équivalent d’une agence de crédit comme Equifax ou TransUnion, mais pour le secteur de l’assurance. En consultant la base de données du MIB, l’assureur voit les informations fournies par un client à différents assureurs, et peut ainsi détecter les omissions et les tentatives de fraude. Il y verse aussi les informations récoltées auprès du client, au bénéfice des autres membres du MIB.
Dans le dossier médical de Salma, l’assureur a pu voir que cette dernière avait consulté deux fois son médecin pour la présence de sang dans son urine ; elle avait également mentionné que sa mère et sa tante étaient toutes deux décédées avant 60 ans d’un cancer des ovaires. Auprès du MIB, il a constaté qu’une demande d’assurance à son nom avait été acceptée en 2016, mais que Salma l’avait refusée, car elle comportait une prime supplémentaire de 300 %, en raison du risque évalué par l’assureur.
Les contrecoups des mensonges et des oublis
Informé par l’assureur que Salma avait menti, Frank a tout simplement abandonné le dossier, pour éviter que sa responsabilité professionnelle ne soit engagée. Il ne sait donc pas si elle a pu obtenir la protection recherchée auprès d’une autre compagnie. Il l’a bien avertie que le MIB conserverait pendant sept ans les détails de cette tentative de fraude. Car c’en était bel et bien une… Chaque nouvelle demande de protection d’assurance lui sera probablement refusée, ou sera acceptée avec des exclusions et des primes supplémentaires. Et cela s’appliquera à tous les types d’assurances de personnes qu’elle pourrait demander : vie, maladies graves et invalidité.
Peut-être Salma a-t-elle pu souscrire l’assurance proposée par sa banque… Certaines institutions ne procèdent à une enquête approfondie qu’au moment d’une réclamation. Mais les primes sont en général de deux à trois fois plus onéreuses. Et il faut quand même dire toute la vérité dans le formulaire court qui nous est soumis ! Salma, qui avait menti sur son état de santé en pensant pouvoir économiser, n’a donc pas été très avancée.
Certaines compagnies d’assurances vont très loin dans leurs recherches ; elles « googlent » le nom des futurs clients et scrutent leurs réseaux sociaux. Elles cherchent des détails sur certaines de leurs activités qui peuvent avoir des répercussions sur leur santé, comme la consommation de drogue, la plongée sous-marine, le saut à l’élastique et autres sports extrêmes ou acrobatiques. Elles tiennent même compte des voyages dans des pays exotiques où l’on risque de contracter des maladies telles que la malaria, par exemple.
Alors, si vous racontez à votre assureur que vous menez une petite vie tranquille, mais que votre compte Instagram est rempli de prouesses périlleuses, c’est possible qu’il refuse votre demande de souscription.
Comme n’importe quel contrat légal, un contrat d’assurance est régi par le Code civil du Québec. Et il vient avec des obligations : l’assuré est tenu de déclarer toutes les circonstances connues qui peuvent avoir une incidence sur l’évaluation des risques et, par conséquent, sur la tarification. On prend donc soin de tenir à jour un carnet de ses consultations médicales, des tests passés et de leurs résultats, ainsi qu’une liste complète des médicaments et des produits naturels consommés. On peut aussi demander au MIB une copie de son dossier, si on a oublié ce qu’on a déclaré par le passé.
Cacher des informations à l’assureur peut avoir des conséquences très sérieuses, même une fois qu’il a accepté de nous couvrir. En général, on souscrit une police d’assurance invalidité, maladies graves ou vie pour protéger ses revenus et sa famille. Si la compagnie d’assurances ne découvre la supercherie qu’au moment d’une réclamation — quand l’assuré tombe malade (assurance invalidité ou maladies graves) ou décède (assurance vie) —, elle peut purement et simplement annuler le contrat. Elle ne remet alors que la somme des primes perçues au souscripteur ou à ses bénéficiaires. Pas exactement le scénario souhaité lorsqu’on se dote d’une telle protection… Mieux vaut dire la vérité, toute la vérité. La prime coûtera plus cher, mais au moins, on sera assuré.
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