Lorsque la petite voiture de ma famille a été percutée par un camion il y a quelques années, mon beau-père mécanicien m’a averti : vu la faible valeur du véhicule, ce serait probablement une perte totale. « Quand l’assureur va t’appeler, faut pas que tu acceptes le premier prix. Négocie ! »
Je ne dis pas ça souvent, mais mon beau-père a eu raison sur toute la ligne. Plus encore, son conseil a été incroyablement facile à appliquer, même pour moi qui ne me considère pas comme un fin négociateur.
Peu de temps après ma réclamation, j’ai ainsi reçu un appel de l’expert en sinistres affecté à mon dossier. La voiture était — hé oui ! — une perte totale, et il proposait une indemnisation de 800 dollars. C’était, il faut le dire, un véhicule âgé de 15 ans avec près de 260 000 km au compteur, mais il avait été entretenu rigoureusement chez le concessionnaire où travaillait mon beau-père, et je savais qu’il valait plus cher.
J’ai donc pris une profonde inspiration pour répondre que je n’étais pas d’accord avec la somme offerte, et à ma grande surprise, je n’ai pas eu à me battre. La personne au bout du fil m’a gentiment invité à trouver des véhicules équivalents à vendre, et à me baser sur leur prix pour faire une contre-proposition.
Ce que je ne savais pas à l’époque, c’est que même si l’expert en sinistres est employé par l’assureur, son rôle ne consiste pas à offrir l’indemnisation la plus basse possible. Il a plutôt pour mandat de proposer une somme qui sera juste, tant pour l’assureur que pour vous-même, explique l’avocate Jannick Desforges, de la Chambre de l’assurance de dommages, l’organisme d’autorégulation qui encadre le travail de ces professionnels.
« L’idée n’est pas d’appauvrir ou d’enrichir qui que ce soit, mais de remettre le consommateur dans l’état où il était avant l’accident. » Si vous estimez que l’offre de l’expert en sinistres n’atteint pas cet objectif, c’est votre boulot de « documenter votre dossier » pour le convaincre.
Concrètement, cela consiste à fouiller les principaux sites Internet de revente de voitures, tels Kijiji, Marketplace et compagnie, à la recherche de véhicules équivalents. « C’est la valeur du marché qui compte », explique George Iny, président de l’Association pour la protection des automobilistes.
Un véhicule équivalent signifie le même modèle, la même année, la même version (XE, SE, etc.), la même boîte de vitesses (automatique ou manuelle) et un kilométrage semblable. Copiez les liens de toutes les annonces, et prenez également des captures d’écran au cas où elles seraient retirées.
Ensuite, pensez aux détails qui pourraient augmenter ou diminuer la valeur de votre véhicule par rapport aux annonces en ligne. Dans la première catégorie se trouvent des éléments comme des pneus neufs, des mags ou une mise au point récente chez le concessionnaire — « on ne parle pas d’un simple changement d’huile », précise George Iny.
À l’inverse, si votre voiture a déjà été accidentée, elle vaut moins cher qu’un modèle semblable en tout point qui n’a jamais subi de dommages. Même chose si votre véhicule est d’une couleur peu classique, comme bleu poudre ou champagne, un mot beaucoup trop raffiné pour désigner le beige.
Lorsque vous avez toutes ces informations en main, considérez à nouveau l’offre de l’expert en sinistres. « Il arrive parfois qu’elle soit très bonne et que vous ayez intérêt à l’accepter », dit George Iny.
Si le prix vous semble toujours insatisfaisant, envoyez un courriel à l’expert en sinistres avec les annonces que vous avez trouvées en ligne, et mentionnez, s’il y en a, les éléments qui, selon vous, ajoutent de la valeur à votre véhicule par rapport à ces annonces.
Dans le cas de ma vieille voiture, j’ai vu cinq petites annonces pour des véhicules semblables dont le prix de vente oscillait entre 1 200 et 2 000 dollars, pour une moyenne de 1 600 dollars. J’ai également montré, en incluant des liens vers d’autres annonces, que les 800 dollars offerts initialement permettaient uniquement d’acheter des véhicules qui ne se comparaient pas, comme des modèles à deux portières ou avec des transmissions manuelles plutôt qu’automatiques.
L’expert en sinistres m’a rappelé quelques heures plus tard pour proposer 1 600 dollars, une somme que j’ai acceptée. Il m’aura fallu moins de 30 minutes de travail pour obtenir le double de l’offre initiale !
En cas de désaccord ?
Il se peut évidemment que votre négociation ne se déroule pas aussi bien que la mienne. Sachez que dans le cas où l’expert en sinistres refuse d’ajuster son offre, vous êtes en droit de demander comment il en est venu à ce prix, souligne Jannick Desforges, de la Chambre de l’assurance de dommages.
Si ses explications ne vous conviennent pas et que vous vous estimez lésé, vous pouvez porter plainte à l’assureur, puis, en cas d’échec, à l’Autorité des marchés financiers.
Vous pouvez également faire une demande d’arbitrage à votre assureur, ce qui offre l’avantage de recevoir le montant initialement offert en attendant qu’un arbitre rende sa décision sur la somme contestée. Vous devrez toutefois embaucher un expert et payer la moitié des frais d’arbitrage, alors assurez-vous que le montant en jeu en vaut la peine.
Si l’assureur refuse l’arbitrage, il est possible de tourner vers les tribunaux, dont les petites créances dans le cas d’une réclamation inférieure à 15 000 dollars. Vous devrez toutefois vous armer de patience dans vos démarches — et trouver à vos frais un véhicule à conduire entre-temps !
La version originale de cet article a été modifiée le 17 avril 2023 pour préciser qu’il est possible de faire une demande d’arbitrage.
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