Mettre de l’argent de côté pour la retraite n’a rien d’excitant. Mais ça devient un peu moins pénible lorsqu’on se rend compte que le REER est comme un mi-cuit qui cache du chocolat fondant en son centre. Derrière son apparence banale se trouvent de jolies surprises à savourer bien avant vos vieux jours.
Le Régime enregistré d’épargne-retraite, de son petit nom, a été créé par le gouvernement fédéral en 1957 (le provincial a suivi en 1959) dans l’espoir que vous ne soyez pas trop dépendant des ressources de l’État quand vous quitterez le marché du travail. En contrepartie, l’argent qui est déposé dans le REER est non imposable — tant qu’il n’en sort pas. Et ce n’est là que le premier de ses avantages, qui peut générer des économies d’impôt substantielles.
Prenons une mécanicienne qui gagne un salaire annuel brut de 50 000 $ et qui parvient à verser 5 000 $ dans son REER. Pour la « féliciter » d’avoir épargné pour sa lointaine retraite, le fisc remet à (beaucoup) plus tard le paiement des impôts dus sur cette somme, ce qui se traduit par une économie d’impôt de 1 600 $ dès cette année. Pas pire !
Voici comment ça fonctionne. Concrètement, vos contributions REER réduisent artificiellement votre revenu net. Pour simplifier, disons que c’est comme si, en mettant 5 000 $ dans son REER, notre mécanicienne n’avait pas gagné un salaire annuel de 50 000 $, mais plutôt de 45 000 $ aux yeux de Québec et d’Ottawa.
Mais c’est seulement au moment où ils recevront sa déclaration de revenus, où figure sa contribution REER, que les deux paliers de gouvernement se rendront compte qu’ils ont prélevé trop d’argent sur sa paie tout au long de l’année. Elle touchera donc un beau remboursement d’impôt : « Ces 5 000 $ mis dans votre REER n’auraient pas dû être imposés, toutes nos excuses, voici un chèque de 1 600 $ pour vos beaux efforts. » Les personnes qui doivent de l’argent au fisc, elles, pourront soustraire ce montant du chèque qu’elles ont à faire.
La deuxième touche sucrée
Faire diminuer artificiellement votre revenu annuel comporte un autre avantage, et non le moindre : cela augmente votre admissibilité à diverses aides financières de l’État, telle l’Allocation famille.
Imaginons que notre mécanicienne soit une mère de famille monoparentale avec un enfant de trois ans en CPE. Sa contribution REER lui permettra de toucher près de 1 000 $ supplémentaires en aides diverses de la part des deux paliers de gouvernement. Ajoutez cela à l’économie d’impôt initiale de 1 600 $, et c’est un total de 2 600 $ en remboursement et crédits divers qu’elle obtiendra. Tout cela pour, je le répète, avoir mis de l’argent de côté.
Évidemment, les avantages du REER varient énormément d’une personne à l’autre, selon le revenu et la situation familiale. Une personne seule et sans enfant qui gagne 150 000 $ par année paiera moins d’impôt en contribuant à son REER, mais ne deviendra pas admissible à de nouvelles aides financières de l’État. Il y a en effet des limites à la quantité d’argent que l’on peut mettre dans son REER — donc à diminuer artificiellement son revenu imposable.
Boule de neige
Soyons réalistes : épargner pour contribuer à son REER n’est pas facile. Pour économiser 5 000 $, notre mécanicienne mère de famille monoparentale doit mettre de côté 96,16 $ chaque semaine. Ouille ! Mais une fois que la roue est en mouvement, ça devient un peu moins difficile.
Imaginons que la mécanicienne ait réussi à verser 5 000 $ dans son REER l’année dernière et qu’elle prenne les 2 600 $ récupérés pour les déposer dans… son REER. Elle aura alors déjà fait la moitié du chemin pour égaler sa contribution de l’an passé ! Elle n’aura ainsi qu’à mettre 2 400 $ de côté — soit 46,15 $ par semaine —, au lieu de 5 000 $, pour récupérer à nouveau 2 600 $ du gouvernement. Pas mal !
Évidemment, il lui faudra être disciplinée. Les 1 600 $ de remboursement d’impôt lui seront remis d’un coup, mais une partie des 1 000 $ d’allocations et crédits supplémentaires seront saupoudrés tout au long de l’année. Elle a donc intérêt à avoir un plan d’action pour s’y retrouver.
Une personne motivée et experte dans l’art de se serrer la ceinture pourrait même continuer d’épargner 5 000 $ par année, en plus de mettre son remboursement d’impôt et ses allocations supplémentaires dans son REER, pour un total de 7 600 $. Le remboursement d’impôt de l’année suivante serait ainsi encore plus grand, ce qui lui permettrait de mettre encore plus d’argent dans son REER, ce qui lui permettrait d’avoir un remboursement d’impôt encore plus grand, ce qui — OK, vous comprenez le principe.
Cet effet boule de neige est toutefois limité par votre plafond de contribution, comme nous le verrons plus loin dans ce guide. Aussi : vous pouvez très bien utiliser votre remboursement d’impôt pour financer vos vacances annuelles dans le Sud. C’est votre argent, faites-en bien ce que vous voulez !
Et de trois
La troisième douceur, tout aussi délectable que les autres, concerne vos placements : si vous investissez l’argent qui se trouve dans un REER, il y fructifiera à l’abri de l’impôt. Et c’est vous qui décidez du type d’investissement que vous souhaitez faire au sein de ce régime. Vous pouvez acheter des actions en Bourse, placer vos sous dans des titres pépères ou des fonds communs de placement, peu importe.
Que vous accumuliez des intérêts, que vous fassiez des gains en capital grâce à des titres boursiers ou que vous receviez des dividendes — toutes des choses sur lesquelles, en temps normal, vous devriez payer de l’impôt —, si ces placements se trouvent dans votre REER, vous pouvez garder tout l’argent sans rien donner au fisc, merci bonsoir (du moins jusqu’au moment du retrait).
À terme, ça peut représenter beaucoup, beaucoup d’argent. Imaginons que notre mécanicienne place 5 000 $ par année dans son REER pendant 30 ans, pour un total de 150 000 $ — dont une bonne part, rappelons-le, est financée par les remboursements d’impôt. Si, dès la première année, elle investit cet argent dans des placements qui ont un rendement annuel de 4 %, elle aura un pactole de 280 000 $.
Et à la retraite ?
Je l’ai mentionné à quelques reprises : l’argent dans votre REER est à l’abri de l’impôt… tant qu’il y reste. Lorsque vous commencerez à faire des retraits, Revenu Québec et l’Agence du revenu du Canada réclameront leur part du gâteau. Le taux d’imposition dépendra de la somme retirée ainsi que de votre revenu annuel. Mais attendez avant de ronchonner.
Le REER est, rappelez-vous, destiné d’abord et avant tout à financer votre retraite, une étape de la vie où, bien souvent, les dépenses sont moins élevées. Si vous avez des enfants, ils sont, en principe, partis de la maison. Cette dernière, avec un peu de chance, est payée. Et vous n’avez plus les frais liés au travail, tels le transport, les vêtements et l’adhésion à des ordres professionnels. En théorie, il vous faut donc moins d’argent pour vivre.
Vos revenus à la retraite peuvent ainsi être moins élevés que lors de votre vie active. Et qui dit revenus moins élevés dit impôts moins élevés ! Le taux que vous paierez sur les retraits de votre REER sera donc fort probablement plus bas que si vous aviez gardé cet argent dans vos poches alors que vous étiez plus jeune.
Si vous êtes jeune (et même si vous ne l’êtes pas), la retraite peut sembler un concept abstrait pour lequel il est difficile d’épargner. Sachez toutefois que le REER permet aussi de financer des projets importants à court terme, dont l’achat d’une maison et un retour aux études. Je vous explique ça ici.
En résumé
Le REER est un régime d’épargne-retraite bourré d’avantages. Il permet :
- de remettre l’impôt à plus tard ;
- d’augmenter les aides financières de l’État (allocations et crédits) auxquelles vous avez droit ;
- de faire fructifier vos placements à l’abri de l’impôt.
L’argent est imposé au moment du retrait, mais à un taux possiblement moindre que lorsque vous avez fait vos dépôts.
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