
Pour Véronique Robichaud, économiste de 40 ans à la fibre écolo, l’investissement n’est pas qu’un moyen de faire fructifier ses économies et de s’assurer une retraite à l’abri des soucis financiers. C’est aussi une forme de militantisme. « Je suis de celles qui croient que les investisseurs ont plus de poids qu’ils ne le pensent et que leurs choix peuvent influencer le comportement des entreprises », dit-elle. En 2008, cette chargée de cours à HEC Montréal a donc commencé à choisir ses placements selon des critères sociaux, environnementaux et de gouvernance d’entreprise. Bref, selon les principes qui sous-tendent ce qu’il est désormais convenu d’appeler, dans le monde de la finance, l’investissement socialement responsable (ISR).
L’institution financière avec laquelle Véronique Robichaud fait affaire, la Banque de Montréal, n’offre alors ni portefeuille ni fonds de ce genre – son conseiller financier ignore même de quoi elle lui parle. « Après quelques recherches, je me suis tournée vers le cabinet Avantages Services Financiers, qui m’offrait la possibilité d’investir selon mes critères », dit-elle. Aujourd’hui, le tiers de son portefeuille est constitué d’actifs d’entreprises socialement responsables.
« Le rendement est semblable à celui de mes autres actifs, dit-elle. Au terme de la crise économique, j’avais moins perdu avec mes fonds éthiques qu’avec les autres. »
Les fonds socialement responsables sont gérés selon les critères quantitatifs habituels – risque et rentabilité -, auxquels on ajoute des critères liés à la responsabilité sociale, tels que le développement durable, la transparence et la qualité de la politique salariale. Certains excluent les entreprises actives dans des secteurs particuliers, comme le tabac, les armements et le sexe.
Le mythe présentant l’ISR comme du bénévolat financier peu rentable est tenace. « Et c’est faux ! » dit Michel Marcoux, président du cabinet montréalais Avantages Services Financiers. Le rendement de tels fonds est comparable à celui des fonds classiques, et dans certains cas supérieur. À preuve, le rendement global du Domini Social Index, indice boursier américain qui regroupe 400 entreprises socialement responsables, a surpassé celui de l’indice Standard & Poor’s 500 en 2008. Et le Jantzi Social Index, indice créé en 2000 et qui compte 60 sociétés canadiennes choisies en fonction de critères de responsabilité sociale, a surpassé son propre indice boursier de référence, le S&P/TSX.
Stimulée par une conscience environnementale et sociale qui ne cesse de croître, la valeur des actifs augmente d’année en année. Au Canada, en 2008, on comptait 609 milliards de dollars d’actifs dans l’investissement socialement responsable, une augmentation de 21 % par rapport aux 504 milliards de 2006.
Les Québécois hésitent cependant encore à se lancer dans l’investissement responsable. « Nous sommes en période de rattrapage », dit Olivier Gamache, président du Groupe investissement responsable, une entreprise qui offre des services financiers aux investisseurs institutionnels et aux gestionnaires de portefeuilles. Par comparaison avec les habitants de l’Europe et du reste de l’Amérique du Nord, ceux du Québec ont commencé plus tard à investir dans de tels fonds, ce qui explique que le nombre d’actifs considérés comme « socialement responsables » y soit moins élevé.
« Difficile de mettre le doigt sur une raison précise pour expliquer le retard des Québécois », dit Chantal Line Carpentier, agente principale de développement durable à l’ONU. Cette Québécoise en poste à New York cite la méconnaissance de l’existence de fonds éthiques, la faiblesse de l’offre des grandes institutions financières québécoises… « Au Québec, jusqu’à très récemment, il n’y avait que le Mouvement Desjardins qui offrait un fonds de placement socialement responsable », déplore-t-elle. Aujourd’hui, la plupart des établissements financiers en offrent.
Pour Michel Marcoux, d’Avantages Services Financiers, les Québécois investissent peu dans les fonds socialement responsables simplement parce qu’ils les connaissent peu. Et leurs conseillers financiers aussi. « C’est très rare qu’un particulier me demande d’investir dans des fonds éthiques, dit-il. Mais lorsque je leur en parle, mes clients embarquent. Et ils sont satisfaits des rendements. »
Pendant ce temps, les institutions financières européennes, elles, proposent des produits toujours plus spécialisés. La dernière tendance : les fonds thématiques. « Il s’agit de fonds qui investissent majoritairement soit dans un secteur défini, soit dans un type d’actifs précis », explique Olivier Gamache, du Groupe investissement responsable.
Ainsi, le groupe financier belgo-français Dexia se spécialise dans les titres d’entreprises préoccupées par la réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre. La banque suisse Lombard Odier Darier Hentsch offre des fonds de sociétés qui travaillent à la mise au point de technologies de l’environnement. L’allemande SAM, pour sa part, compte de nombreux fonds d’actions d’entreprises spécialisées dans le développement durable, dont le SAM Sustainable Water Fund.
Au Canada, particulièrement au Québec, les fonds thématiques sont encore rares. D’après Olivier Gamache, toutefois, il s’agit de la prochaine grande tendance. Les investisseurs pourront alors choisir entre les entreprises les plus performantes dans l’éolien et le solaire, les pharmas, les sociétés de biotechnologie qui tiennent compte du vieillissement de la population. Bref, selon les critères qui leur tiennent à cœur.
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