
Julie aime bien passer ses vacances au New Hampshire, dans la grande maison face au lac que son père a léguée à sa femme et à ses filles à son décès, en 2012.
Le legs de cette propriété de villégiature n’a pas posé de problème particulier, parce que le père avait pris certaines précautions. «L’une d’elles a été de faire acheter la maison par une de ses entreprises, qui font maintenant partie de la fiducie testamentaire. De cette façon, la maison n’a pas été considérée comme vendue à son décès», raconte Julie. Le comptable avait également mis l’homme d’affaires en garde: il devait veiller à ne pas séjourner aux États-Unis un jour de plus que la durée autorisée — différente selon les États. Autrement, sa succession aurait pu être imposée doublement, au Québec et aux États-Unis.
On ignore le nombre précis de Québécois qui possèdent un condo en Floride, un appartement à Paris ou une maison en Grèce, mais ils sont des centaines de milliers. Et le fait d’avoir une résidence à l’étranger présente certains défis aux testateurs.
Le droit international en matière de succession veut que les biens tels que l’argent ou les placements soient traités en vertu des lois en vigueur dans le pays de résidence du défunt. En ce qui concerne les biens immobiliers, ce sont les lois du pays où se trouvent ces biens qui s’appliquent. «Ça détermine les règles de propriété et de succession, mais aussi les règles fiscales», dit Me Nathalène Chapuis, diplômée en notariat au Québec et en France, et notaire à l’étude de Me Stéphane Larose, notaire et fiscaliste. «Les clients sont souvent surpris qu’on les interroge sur le lieu de leur mariage et leur régime matrimonial, mais ça peut jouer également.»
La stratégie choisie par le père de Julie — faire acheter la maison du New Hampshire par sa société de placement — n’est pas la seule possible. Une autre, semblable, consiste à transférer la propriété dans une fiducie créée de son vivant. Une autre encore: préciser dans votre testament que celui-ci devra être interprété selon les lois de tel État plutôt que celles du Québec — un concept reconnu par des conventions internationales. «Ça peut avoir des répercussions intéressantes sur le plan fiscal», dit Me Nathalène Chapuis.
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Une autre méthode consiste à rédiger un testament distinct pour léguer la propriété située à l’étranger, auprès d’un spécialiste du pays concerné. Mais attention: comme c’est le testament le plus récent qui exprime vos dernières volontés, assurez-vous que celui fait au Québec mentionne clairement l’existence de cet autre testament, et qu’il en limite la portée à ces biens immobiliers. Sans ces précautions, votre succession pourrait être liquidée en vertu du mauvais testament!
Les notaires et planificateurs financiers spécialisés en fiscalité internationale voient poindre à l’horizon un gros iceberg: la divulgation obligatoire de biens à l’étranger d’une valeur de 100 000 dollars et plus, imposée par Ottawa. «Bien des gens ont hérité de propriétés situées à l’étranger, pour lesquelles ils n’ont jamais notifié l’administration fiscale canadienne», explique Me Chapuis. Ce qui pourrait être considéré comme de l’évasion fiscale. «Ils légueront à leur tour des propriétés non déclarées, ce dont leurs héritiers ne sont absolument pas responsables.» Un beau casse-tête en perspective pour les liquidateurs!
(Les noms et certains détails personnels décrits dans les témoignages ont été modifiés pour protéger la vie privée des gens.)
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