Vos REER sont-ils stériles ?

Vos cotisations n’ont peut-être pas généré toutes les réductions d’impôt auxquelles elles vous donnent droit. Et l’Agence du revenu du Canada n’est pas pressée de corriger cette faille.

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Briques : no_limit_pictures / Getty Images ; Personnage : treety / Getty Images ; montage : L’actualité
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Chaque fois que le comptable professionnel agréé Simon Elliott prend en charge un nouveau client, il épluche ses 10 dernières années fiscales afin de comparer les données REER que possède l’Agence du revenu du Canada (ARC) avec les données REER que possède… l’Agence du revenu du Canada. Et souvent, les chiffres ne concordent pas.

Ce que Simon Elliott juxtapose ainsi, ce sont les cotisations REER déclarées au fédéral par le contribuable et celles transmises par son institution financière. Depuis 2019, effectuer ce « rapprochement », comme on dit dans le jargon comptable, a permis à ce professionnel de retrouver pour ses clients 135 500 dollars de cotisations REER que l’ARC n’avait pas déduites de leurs revenus. Ces REER « stériles » n’avaient donc pas engendré de réductions d’impôt. Et comme l’ARC gère aussi les REER pour les provinces, cela touche autant l’impôt provincial que l’impôt fédéral. 

À l’échelle du pays, combien de millions en réductions d’impôt échappent ainsi aux contribuables ? Impossible d’avoir des données précises, car l’ARC ne documente pas le phénomène — et c’est là une partie du problème.

La « stérilisation » d’un REER survient si, pour une raison ou une autre, cette cotisation n’est pas déclarée à l’ARC. Il peut s’agir d’un bête oubli de l’inclure dans sa déclaration de revenus. Ou de la lenteur d’une institution financière à délivrer les reçus fiscaux pour les cotisations REER. L’ARC exige de les recevoir au plus tard le 1er mai, soit un jour après la date limite pour l’envoi des déclarations des particuliers !

L’ARC elle-même contribue au phénomène avec son service « Préremplir ma déclaration », qui remplit automatiquement des cases de votre déclaration à partir des feuillets fiscaux reçus par l’Agence — un système utilisé par les logiciels de préparation de déclaration de revenus. Or, l’ARC peut être lente à téléverser les feuillets REER dans ce système, affirme Simon Elliott, qui en a déjà vu apparaître aussi tard qu’en juillet ! S’y fier aveuglément risque de stériliser ses REER.

Selon le comptable, il serait simple pour l’ARC de corriger la situation. Après tout, elle finit par avoir en main toutes les informations pour faire un rapprochement comme celui effectué à la mitaine par Simon Elliott et d’autres professionnels. Elle n’aurait qu’à l’automatiser pour détecter les REER stériles. 

« L’ARC le fait déjà systématiquement pour les revenus. Si un T4A a été omis, c’est une quasi-certitude qu’un nouvel avis de cotisation vous sera envoyé, dit Simon Elliott. Question d’équité, l’ARC devrait informer les contribuables qu’ils disposent de cotisations REER non déclarées. »

Interrogée par L’actualité, l’ARC rappelle qu’il incombe aux contribuables de s’assurer de l’exactitude de leur déclaration de revenus. Si un feuillet REER est manquant, c’est aux citoyens de contacter leur institution financière et d’ajouter l’information « manuellement » — mais encore faut-il se rendre compte de son absence. 

L’ARC affirme aussi que « plusieurs motifs valables peuvent expliquer qu’une cotisation à un REER ne serait pas déclarée ». Ceux-ci sont trop techniques pour être résumés ici, mais il s’agit, selon Simon Elliott, de « situations marginales » ne justifiant pas de « priver des millions de Canadiens d’une information fiscale importante ». 

En attendant, les contribuables peuvent effectuer eux-mêmes le rapprochement de leurs REER. Simon Elliott a gracieusement fait part de sa méthode à L’actualité dans l’article en ligne « Horreur : privé de son remboursement d’impôt ! », et une lectrice l’a utilisée pour retrouver 7 150 dollars de cotisations REER non déclarées.

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