«De nos jours, un conjoint de fait peut hériter sans testament.»
Au Québec, seuls les conjoints mariés ou en union civile ont des droits sur le patrimoine du défunt. La loi prévoit très clairement les règles de succession jusqu’au huitième degré de parenté — aux grands-oncles et autres cousins très éloignés, par exemple. Mais le conjoint de fait ne figure nulle part.
«Les lois de Retraite Québec et des régimes de retraite privés et publics donnent des droits au conjoint de fait à titre de conjoint survivant. C’est différent en ce qui concerne la succession ou le partage du patrimoine», dit Louise Barbeau, notaire et agente d’information à la Chambre des notaires du Québec. «Le conjoint de fait peut hériter, mais seulement si le testament le stipule, et pas autrement.»
«Une succession, c’est long à régler.»
«Il faut compter entre 12 et 18 mois pour liquider une succession normale dans les règles, et jusqu’à 36 mois pour les cas complexes», dit Me Michel Beauchamp, du cabinet Beauchamp & Gilbert et chargé de cours à la Faculté de droit de l’Université de Montréal.
Le liquidateur consciencieux doit suivre 22 étapes — prescrites par le Code civil et que n’importe quel notaire peut lui expliquer — pour venir à bout de sa tâche. La succession de la voisine s’est réglée en deux mois? Dites-vous que le liquidateur et les héritiers ont fait fi des règles, souvent sans le savoir, et ont couru des risques sur les plans juridique et financier. Lesquels pourraient se traduire, par exemple, par l’obligation de payer de leur poche les impôts ou les dettes du défunt. On peut limiter la responsabilité des héritiers à la valeur de la succession en se conformant à certaines étapes juridiques, comme la publication de l’avis de clôture de l’inventaire des biens du défunt.
«Rien ne peut contredire les dernières volontés d’un défunt.»
Un décès ne révoque aucune obligation contractuelle ou juridique, si bien que les créanciers du défunt sont en droit de réclamer leur dû à la succession avant les héritiers — mais après le fisc, qui se sert en tout premier. Le patrimoine familial est aussi un droit de créance, c’est-à-dire que même si le défunt laisse tous ses biens à ses enfants, par exemple, le conjoint (marié ou en union civile) aura d’abord droit à sa part du patrimoine familial, comme s’il s’était agi d’un divorce. Quant à l’assurance vie, elle ne fait pas partie de la succession si elle désigne des bénéficiaires particuliers.
«On peut renoncer à un héritage.»
La loi est claire: vous avez le droit de renoncer à un héritage dans les six mois suivant le décès. Bon à savoir si le défunt laisse des dettes, par exemple. Votre renonciation devra être écrite, et obligatoirement notariée.
«Faire son testament sans notaire, ça ne coûte rien.»
Rédiger vous-même votre testament (écrit à la main et signé, ou écrit à la machine et signé par le testateur et deux témoins) revient à reporter les frais de vérification après votre décès. «Un testament qui n’est pas notarié doit être validé, ça coûte cher et c’est long», dit Gérard Guay, président de la Chambre des notaires du Québec. Faire valider un testament «maison» — par le greffier spécial de la Cour supérieure ou par un notaire — coûte au moins 1 000 dollars. Et après plusieurs semaines d’attente, le testament peut être déclaré nul.
Un testament notarié coûte de 300 à 1 000 dollars selon son niveau de détail — parfois plus pour les situations complexes —, mais il est valide au décès sans frais additionnels.
Dans le cas d’un testament «maison», la méconnaissance du droit peut également créer des conflits. Chaque année, les tribunaux doivent régler le cas de testateurs bien intentionnés, quoique mal informés, qui ont cédé leurs biens à leur «conjointe favorite» (sans la nommer) ou qui donnent la maison à leur mari et «le reste» aux enfants — qui héritent peut-être des REER, mais aussi du solde de l’emprunt hypothécaire et des impôts impayés!
«Après le décès, le notaire doit faire la lecture du testament.»
À moins que le défunt ne l’ait demandé explicitement, le testament ne sera pas lu devant le notaire, et ce dernier ne prodiguera pas ses conseils. C’est le liquidateur qui doit remettre une copie du testament aux héritiers. Le notaire n’est pas obligatoirement impliqué dans la liquidation, sauf si le testateur ou le liquidateur en fait la demande.
«Le testament écrit est la seule manière d’exprimer vos dernières volontés.»
Un «testament» vidéo, audio ou écrit par courriel n’est pas un testament au sens de la loi. Seul le dernier testament écrit est reconnu, à condition de respecter certaines formes prescrites, à commencer par la signature, trop souvent oubliée.
En l’absence de testament, votre succession sera dévolue selon les critères stipulés dans le Code civil — par exemple, un tiers à l’époux survivant et les deux tiers aux enfants (voir l’encadré «Liens de sang et conjoint»). Seul un testament vous permet de décider qui hérite et comment sera réparti l’héritage, de nommer un tuteur pour les enfants, de décider de créer ou non une fiducie pour ceux-ci et d’en dicter les conditions de gestion, de suivre une stratégie fiscale pour réduire l’impôt de la succession, de prescrire le transfert de votre entreprise, etc.
«On peut déshériter n’importe qui!»
Mais si le testateur déshérite les créanciers dits d’aliments (conjoint marié, enfants, ex-conjoint envers lesquels il avait des obligations, par exemple une pension alimentaire), ceux-ci peuvent réclamer de la succession une certaine somme. Cette réclamation constitue elle aussi une créance, et passe donc avant les héritiers. À noter: la somme que peuvent obtenir les créanciers d’aliments est limitée à la moitié de ce qu’elle aurait été si le défunt était décédé sans testament.
«Il faudrait réviser son testament tous les cinq ans.»
Un remariage, un divorce, la naissance d’un enfant, un changement de nom d’entreprise, l’achat d’un chalet… toutes ces possibilités peuvent démolir le meilleur testament, d’où la nécessité de mettre à jour l’inventaire de ses biens.
«Il faudrait revisiter son testament tous les cinq ans pour le garder lié à sa situation, mais on devrait systématiquement le réviser à chaque changement important», dit Martin Dupras, président fondateur du cabinet de planification financière ConFor financiers.
Quoi faire s’il n’y a pas de testament ?
Que se passe-t-il quand un défunt n’a laissé aucun testament? On détermine les héritiers selon les règles de «dévolution légale» prévues au Code civil du Québec. Dans ce système, ce sont les liens de sang qui priment. Le conjoint de fait n’existe pas.
Le conjoint marié ou uni civilement ne reçoit pas de cadeau non plus: en l’absence de testament, il ne touchera 100 % de la succession que si — et seulement si — le défunt est sans enfants et sans parents encore vivants, ni frères ni sœurs, ni neveux ni nièces, et s’il n’existe aucune descendance pour ses enfants ou ses frères et sœurs!
Voici les règles:
- Si vous avez un conjoint et des enfants, votre conjoint touchera le tiers de vos biens, et vos enfants (ou leurs héritiers) se partageront les deux tiers.
- Si vous avez un conjoint, mais pas de descendance, mais que vos parents sont vivants: votre conjoint touchera les deux tiers, vos parents se partageront le dernier tiers. Si vous n’avez plus de parents, ce sont vos frères et sœurs (ou leur descendance) qui se partageront le tiers. Et si vos frères et sœurs sont morts sans avoir eu d’enfants? Réponse au dernier point!
- Si vous n’avez ni conjoint ni enfants, vos parents se partageront 100 % de l’héritage. Mais si vos parents ont des enfants, donc vos frères et sœurs, ceux-ci (ou leur descendance) se partageront la moitié de l’héritage.
- Si vous n’avez ni conjoint, ni enfants, ni parents, vos frères et sœurs (ou leur descendance) hériteront alors de votre héritage à 100 %.
- Si vous n’avez ni conjoint, ni enfants, ni parents, ni frères et sœurs encore vivants et qu’aucun héritier ne représente vos propres enfants (vos petits-enfants ou arrière-petits-enfants), alors vos neveux et nièces se partageront 100 % de l’héritage.
- Si vous n’avez ni conjoint, ni descendance, ni parents, ni frères et sœurs, ni neveux et nièces, la chaîne remonte alors vers l’autre branche ascendante de votre lignée, à partir des parents de vos parents, vers vos oncles et tantes, cousins et cousines. Et ainsi de suite.
Où va l’argent quand il n’y a pas d’héritiers?
Quelque 3 160 Québécois sont morts sans héritiers en 2015-2016, soit 480 de plus que l’année précédente. En pareil cas, c’est Revenu Québec qui agit comme liquidateur, par l’intermédiaire de la Direction principale des biens non réclamés. Dans le cas de successions solvables mais non réclamées, la Direction effectue la recherche d’héritiers. Elle examine le détail de l’avis de décès du défunt, publie des avis dans les principaux journaux du Québec et fait une recherche généalogique.
Quand les héritiers ont renoncé à l’héritage pour cause de succession déficitaire, c’est également la Direction principale des biens non réclamés qui prend le relais. Elle rembourse d’abord le fisc, puis partage ensuite les maigres avoirs restants entre les créanciers — sociétés financières, bailleur, simple prêteur —, qui ne récupèrent qu’une fraction de leur créance.
En 2015-2016, la Direction a remis 23,4 millions de dollars à des ayants droit. Parmi les successions qu’elle gère, 85 % valent moins de 500 dollars. La plus importante succession actuellement au registre est celle d’Henri Kahane, décédé il y a sept ans, d’une valeur de 882 000 dollars nets de toute créance. Le précédent record: une succession de 3,9 millions de dollars en 2014 — pour laquelle on a trouvé des héritiers!
Si personne ne fait de réclamation, le bien liquidé est versé au Fonds des générations. Les héritiers inconnus ont 10 ans pour se manifester et toucher leur dû.
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