Dans les années à venir, le Québec devra s’adapter aux changements démographiques (forte augmentation du nombre des aînés, baisse de celui des travailleurs), insister davantage sur la création de la richesse et gérer ses ressources naturelles de façon plus économique et plus écologique qu’il ne le fait maintenant. Ces défis seront difficiles à relever. Mais pas plus que d’éduquer ses enfants, de réaliser le plein emploi de sa population adulte ainsi que d’atténuer la pauvreté et les inégalités sociales comme il l’a fait depuis 50 ans.
Les Québécois ont réussi leur révolution dans le domaine de l’éducation. En 1960, ils accusaient un retard de deux ans par rapport à leurs voisins ontariens. Les jeunes, au Québec, passaient habituellement 9 années à l’école. À côté, en Ontario, c’étaient 11 années. Aujourd’hui, les Québécois de 30 ans sont allés à l’école pendant 15 ans en moyenne. C’est le même nombre d’années qu’en Ontario et c’est plus que dans les provinces de l’Atlantique ou de l’Ouest. Naturellement, bien des choses restent à faire au Québec en éducation : vaincre le décrochage, augmenter le nombre de diplômés universitaires, insister sur la formation professionnelle, scientifique et technique. Mais il y a un bon bout de chemin de fait.
Le Québec a réalisé le plein emploi, ou presque. Il y a 30 ans, en 1976, 65 % seulement des adultes de 25 à 54 ans occupaient un emploi, contre 76 % en Ontario. Le retard du Québec atteignait 11 points. En juin dernier, ce noyau dur de la population adulte était au travail dans une proportion de 82 %, soit le même pourcentage qu’en Ontario. Le taux de chômage de Montréal était inférieur à celui de Toronto. C’est le fruit de la révolution éducative et entrepreneuriale qu’a accomplie le Québec ainsi que de la paix sociale durable qui s’y est installée après les soubresauts des années 1970.
Les Québécois ont connu plus de succès que tous les autres Nord-Américains dans leur combat contre la pauvreté et les inégalités. En 2005, le revenu disponible des familles parmi les 20 % les plus pauvres a été en moyenne de 14 100 dollars au Québec et de 14 200 dollars en Ontario. Si l’écart entre les deux provinces était à peine de 100 dollars, c’est en grande partie grâce au soutien financier accordé par l’État aux familles pauvres (aide sociale, prime au travail, garderies à sept dollars, etc.), qui est beaucoup plus important au Québec que dans le reste de l’Amérique du Nord. À vrai dire, si on tient compte du fait que le coût de la vie y est 10 % plus bas et les services publics plus abondants que dans les autres provinces canadiennes, on est forcé de conclure que le niveau de vie des familles pauvres est plus élevé au Québec que partout ailleurs au Canada. Reconnaître le chemin parcouru doit être une source d’encouragement à poursuivre ce combat contre la pauvreté.
Les inégalités salariales sont également moins prononcées au Québec que dans les autres provinces. En 2006, parmi les salariés, les 20 % les plus faiblement rémunérés ont gagné 2 % de plus au Québec que dans le reste du Canada. (À l’autre extrême, les 20 % les mieux rémunérés ont gagné 14 % de moins au Québec qu’ailleurs — et ils étaient taxés davantage.) Qu’est-ce qui permet aux travailleurs québécois les moins bien payés de mieux s’en tirer que leurs collègues des autres provinces ? Des facteurs comme un salaire minimum maintenu au sommet canadien, des lois qui encouragent le syndicalisme, une politique salariale du secteur public qui avantage le petit salarié, etc. Le résultat est que les salaires sont moins inégaux au Québec qu’ailleurs. Parce que les Québécois l’ont voulu ainsi.
Dans leurs moments de faiblesse, ils doutent parfois de leur capacité d’affronter les gros défis de l’avenir : faire face au vieillissement, créer de la richesse, bien gérer les ressources naturelles. Pourtant, si le passé démontre une chose, c’est que, quand ils décident de s’y mettre, rien ne peut les arrêter. À bas le pessimisme !