Achats d’électricité : le gouvernement ne devrait pas s’en mêler

En obligeant Hydro-Québec à acheter de l’énergie éolienne, le gouvernement Legault fait un geste que le premier ministre avait lui-même dénoncé lorsque la CAQ était dans l’opposition. Une bien mauvaise idée, explique notre collaborateur.

Graham Hughes / La Presse Canadienne / Montage L'actualité

L’auteur est professeur à HEC Montréal et titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie. Il est notamment expert dans le domaine des politiques énergétiques et des marchés de l’électricité.

Le décret du gouvernement du Québec annoncé le 14 juillet dernier, qui oblige Hydro-Québec à lancer des appels d’offres pour acheter de l’énergie éolienne, a de quoi étonner. Hydro-Québec aurait probablement acheté cette énergie de toute manière, parce qu’elle prévoit avoir besoin d’énergie supplémentaire à partir de 2026 et que l’éolien est actuellement l’énergie la plus concurrentielle. En outre, la Coalition Avenir Québec (CAQ) avait elle-même dénoncé en 2013 une hausse des tarifs d’électricité résultant d’un décret semblable, imposé par le gouvernement péquiste de Pauline Marois

Pourquoi la CAQ fait-elle ce qu’elle reprochait à ses prédécesseurs lorsqu’elle était dans l’opposition ? Pourquoi est-ce une mauvaise idée que le gouvernement se mêle directement des achats d’électricité ? Pour répondre à ces questions, nous devons faire un détour afin de comprendre la structure du secteur de l’électricité au Québec.

Saine séparation des pouvoirs

L’électricité est une des fiertés de la province. Hydro-Québec est une grande société d’État, à la fois rentable et verte, qui offre des bas prix et joue un rôle économique et social primordial. Une bonne majorité de Québécois rejettent l’idée d’une privatisation lorsqu’on les sonde à ce sujet. Ils estiment également qu’une trop grande proximité entre Hydro-Québec et le gouvernement est problématique. 

C’est d’ailleurs pour éviter l’ingérence politique qu’Hydro-Québec est dirigée par une présidente-directrice générale (Sophie Brochu) et chapeautée par un conseil d’administration, plutôt que de recevoir des ordres directement du premier ministre ou du ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles. C’est aussi pour dépolitiser les choix en matière d’énergie et favoriser la participation du public dans le débat que la Régie de l’énergie a été créée en 1996. Le rôle de celle-ci est défini dans la Loi sur la Régie de l’énergie : « [concilier] l’intérêt public, la protection des consommateurs et un traitement équitable du transporteur d’électricité et des distributeurs. Elle favorise la satisfaction des besoins énergétiques dans le respect des objectifs des politiques énergétiques du gouvernement et dans une perspective de développement durable et d’équité au plan individuel comme au plan collectif ».

Concrètement, c’est la Régie de l’énergie qui autorise, ou non, les augmentations tarifaires demandées par Hydro-Québec. Pour cela, ce tribunal administratif doit bien évidemment scruter les comptes de la société d’État : combien dépense-t-elle pour ses équipements (comme les lignes de transport), pour l’entretien, mais aussi combien lui coûte l’électricité qui est livrée chez les clients. Hydro-Québec Distribution, le groupe qui s’assure que les clients québécois sont bien branchés et qu’ils ont accès à l’électricité dont ils ont besoin, doit ainsi faire approuver son plan d’approvisionnement par la Régie de l’énergie. Ce plan indique les prévisions d’Hydro-Québec quant aux besoins électriques de la province pour les 10 années à venir, et comment la société d’État pense s’y prendre pour les satisfaire. 

C’est dans son plus récent plan, déposé à la Régie de l’énergie en 2019 et mis à jour en 2020, qu’Hydro-Québec annonçait qu’il lui faudrait probablement de nouveaux approvisionnements à partir de la fin 2026. Pour préparer les appels d’offres permettant de répondre à ces besoins, Hydro-Québec a d’ailleurs consulté des entreprises liées au secteur de la production d’électricité. Le rapport de ces consultations est public.

Bref, la Régie de l’énergie a joué son rôle, et Hydro-Québec a consulté l’industrie et annoncé ses intentions de faire des appels d’offres. Malgré tout, le gouvernement s’est immiscé dans le processus et a décrété qu’Hydro-Québec devrait acheter 300 mégawatts (MW) de capacité éolienne. Il a ajouté un ensemble de conditions, qui portent sur le contenu local, la participation du milieu local et la durée des contrats. 

Pourquoi s’en mêler ?

Dans les régions où les parcs éoliens verront le jour, ces conditions ont de bonnes chances d’être applaudies. Ce qui, pour un gouvernement, n’est jamais à dédaigner. Considérant que le dernier contrat approuvé, celui d’Apuiat, est estimé à 600 millions de dollars pour 200 MW, on peut prévoir que la production de 300 MW d’énergie éolienne générera des contrats plus importants encore. 

Le coût d’achat par Hydro-Québec de la production éolienne est historiquement plus élevé que celui de l’énergie produite par les grandes centrales. Jusqu’ici, le développement de cette filière a été synonyme de hausse des tarifs de l’électricité. Dans l’opposition, la CAQ avait dénoncé, sans succès, de telles hausses, tant de la part des péquistes, en 2013, que des libéraux, qui avaient imposé 4 000 MW éoliens à Hydro-Québec dans leur stratégie énergétique 2006-2015. En 2013, l’énergie provenant des parcs éoliens coûtait plus de 10 cents le kilowattheure, selon Hydro-Québec, alors que le coût d’achat de l’électricité produite à partir des éoliennes d’Apuiat sera de 6 cents le kilowattheure. On ne sait pas combien coûteront les 300 MW supplémentaires. Mais avec la capacité concurrentielle que l’éolien a acquise, il est très difficile de comprendre l’ingérence du gouvernement dans ce dossier.

Si le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, Jonatan Julien, est vraiment persuadé que « l’industrie éolienne a fait des pas de géant ces dernières années et est maintenant une option incontournable dans le portefeuille énergétique du Québec », comme il l’a déclaré le 14 juillet dernier, aucun décret n’était nécessaire.

Le gouvernement a toute la latitude pour définir la politique énergétique. Il est là pour donner la direction et les principes. Ce sont Hydro-Québec et la Régie de l’énergie, est-il besoin de le rappeler, qui sont responsables des choix à faire pour atteindre ces objectifs. En faisant fi de ces règles, le gouvernement affaiblit les institutions et alimente le cynisme. La transparence se voile, l’arbitraire émerge. Alors qu’on devrait agir pour la transition énergétique sur la base de principes clairs et ouverts, le gouvernement actuel — tout comme ses prédécesseurs — agit en arrière-scène pour imposer par décrets des choix particuliers. 

Il doit laisser ceux qui sont responsables du secteur effectuer leur travail. Ça aurait dû être d’autant plus facile à faire que, de toute évidence, l’éolien est la source de production d’énergie la plus intéressante pour le Québec : le potentiel est grand, la filière est mature, les marchés voisins vont réclamer cette énergie, et Hydro-Québec a la flexibilité des réservoirs hydroélectriques pour équilibrer la production.

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Nous devrions peut-être changer notre devise »Je me souviens ».Comme quoi tout est bon pour du crédit politique.

Au contraire, l’éolien et le solaire sont d’intérêt public et ça presse

même que HQ devra se positionner rapidement pour devenir fournisseur de centrales électriques virtuelles (VPP) autonomes, sinon les fournisseurs viendront de l’extérieur et prendront la place d’HQ.

Au lieu de voir des communauté s’alimenter d’une centrale éloignée comme aujourd’hui, ce sera la communauté elle-même qui générera son électricité et c’est déjà commencé en CA.

Le concept de centrale électrique disparaîtra de plus en plus pour faire place aux systèmes autonomes et HQ doit agir vite
et ne pas se laisser manipuler par les charlatans du fossile déguisé en Énergir avec le même état d’esprit que Kodak et Nokia qui ne pensaient que par analogie au passé, Apple ne pensait pas par analogie au passé et voyait plus loin dans l’avenir.

Les pétroleux veulent nous faire croire qu’on aura encore besoin de fossile pour encore longtemps et c’est troublant de voir Mme Brochu passer de Gaz Métro à la tête d’HQ, ça pue le pétrole à plein nez.

La mobilité électrique se branche de plus en plus sur des systèmes électriques autonomes solaires et la cuisine se fait avec plaque à induction aujourd’hui.

L’ère du feu tire à sa fin Monsieur Pineau
et non les énergies renouvelables ne sont pas intermittentes,
c’est le stockage qui peut être intermittent,
quand il n’y a pas de guerre ou de destruction de notre biosphère, le pétrole est intermittent.

https://cleantechnica.com/2021/07/17/tesla-is-inviting-its-energy-customers-in-california-to-join-its-virtual-power-plant/

https://www.irena.org

https://www.alsetehomeintl.com

Pourquoi s’en mêler?

Parce que nous sommes dans une transition vers d’autres ‘choix particulier’ comme vous écrivez.
…agit en arrière-scène pour imposer par décrets des choix particuliers….

Vous êtes en train de critiquer ce qui s’est toujours fait en arrière-scène au bénéfice des pollueurs, mais maintenant il y a d’autre façon de générer de l’énergie qui sont zéro-émission et bien il semble que ça dérange vos partenaires.

On voit bien l’empreinte des membres pollueurs de votre chaire; Enbridge, Valero, Énergir (cache-sexe de Gaz métro) etc…

Pourtant un ‘choix particulier’ comme de gaver les pétrolières pour une centrale de gaz méthane à Bécancour totalement inutile jusqu’en 2026 qui nous aura coûté plus d’un milliard et qui entrave l’expansion des énergies propres, ne semble pas vous causer de souci Monsieur Pineau, au contraire vous trouvez facilement de bonnes excuses pour défendre des ententes semblables pour les pollueurs. voir Le Devoir: 14 mai 2018
https://www.ledevoir.com/societe/environnement/527728/centrale-de-becancour-lumiere-sur-l-entente-entre-hydro-quebec-et-transcanada?utm_source=infolettre-2018-05-14&utm_medium=email&utm_campaign=infolettre-quotidienne

Monsieur Pineau, ous écrivez
….Le coût d’achat par Hydro-Québec de la production éolienne est historiquement plus élevé que celui de l’énergie produite par les grandes centrales. Jusqu’ici, le développement de cette filière a été synonyme de hausse des tarifs de l’électricité….

ah bon!!
faudrait se demander pourquoi ici au QC, pcq partout ailleurs dans le monde l’éolien et le solaire coûte beaucoup moins cher que le fossile.

Et si on ne subventionnait pas autant les raffineries de pétrole et gaz méthane
– comme des tarifs préférentiels d’électricité,
– réductions de royautés,
– garanties de prêts par le gouvernement,
– exemptions de taxes de vidanges, taxes de santé, taxes de destruction de l’environnement (comme les $260 milliards de puits abandonnés en AB), taxes kilométriques du transport de la pollution pour pouvoir polluer plus loin

ou
si on subventionnait les énergies renouvelables au même niveau que les pollueurs, par exemple subventionner la mobilité électrique VE autant que la mobilité à pollution VT
ou
encore mieux si on laissait la libre entreprise fonctionner librement à armes égales, il deviendrait évident qu’on a pas le choix de faire la transition au plus vite vers les énergies renouvelables et le VE qui coûtent beaucoup moins chères que fossile.
Non seulement moins cher mais bon pour la santé de l’humain et de l’économie.

Un déversement d’énergie solaire ça s’appel une belle journée.