
La livre sterling à son plus bas depuis 1985, les marchés nord-américains en recul de 3 à 4 points de pourcentage, les bourses asiatiques encore plus, et plus de 2100 milliards de dollars en capitalisation boursière envolés en quelques heures.
La déroute qui a suivi le vote en faveur de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE), vendredi – et rebelote lundi – rappelle que les marchés financiers, bien qu’ils redoutaient la sortie du Royaume-Uni de l’Europe, n’y avaient jamais vraiment cru. Alors que la Banque d’Angleterre est prête à injecter des milliards si la crise se poursuit, les États-Unis y trouveront une raison de plus de repousser la hausse de leur taux directeur.
Face à la tempête, il était temps que David Cameron vienne calmer le jeu. En repoussant sa démission à l’automne et en laissant à son successeur l’odieux d’enclencher le processus de retrait de l’UE, le premier ministre avait laissé toute la latitude aux spéculations.
L’Écosse qui menace de bloquer le Brexit, des diplomates qui affirment qu’ils ne respecteront pas les résultats du vote, un mouvement pour réclamer un nouveau référendum, c’est beaucoup d’incendies à la fois. Et en matière économique, l’incertitude est la mère de toutes les instabilités. Ç’aurait voué le Royaume-Uni à des mois de soubresauts sur les marchés, un coût très élevé – peut-être plus cher qu’un retrait ordonné.
Cameron a fermé la porte à toutes ces spéculations en mettant immédiatement en place un département spécial consacré au Brexit. Il a aussi confirmé qu’un successeur lui serait trouvé dès le 2 septembre, pour enclencher le processus. À moins bien sûr que des élections anticipées viennent tout chambouler ensuite. Mais d’ici là, on peut s’intéresser à la suite.
La catastrophe aura-t-elle lieu ?
Dans les semaines précédant le vote, le Fonds monétaire international (FMI), l’Organisation mondiale du commerce (OMC), la Banque d’Angleterre, les grandes entreprises et la majorité des organisations économiques, à gauche comme à droite, avaient multiplié les scénarios catastrophes en cas de Brexit, évoquant un recul de l’économie britannique de 3 à 6 %, voire davantage.
Remettons les choses en perspective. Actuellement, l’UE, c’est 508 millions de résidents, dont les 65 millions de Britanniques. Bien plus qu’une institution politique, c’est une zone libre en ce qui a trait au mouvement de la main d’œuvre, des biens et services, et des capitaux. C’est ce qu’on appelle le marché commun.
Une fois que la demande de retrait sera déposée auprès de l’UE en vertu de l’article 50 de son traité, les négociations sur les modalités du retrait commenceront. En théorie, rien ne changera jusqu’au retrait effectif, prévu dans un maximum de deux ans. En pratique, tous se prépareront à la sortie des Britanniques.
Comme l’explique l’économiste britannique Tim Hartford, une entreprise qui voudrait s’établir au Royaume-Uni, mais dont l’adhésion au marché commun est incertaine, choisira certainement un autre endroit. La banque HSBC a d’ailleurs ouvert le bal en annonçant qu’elle transférera ses bureaux à Paris si le Royaume-Uni perd son accès au marché commun.
Il faut comprendre que le Royaume-Uni, deuxième économie européenne après l’Allemagne, vend la moitié de ses exportations au marché commun. Avec le Brexit, il lui faudra négocier de nouvelles ententes commerciales avec l’Europe. On peut d’ores et déjà appréhender que l’UE ne voudra pas donner le beurre et l’argent du beurre à celui qui a décidé de faire cavalier seul. Tout pays qui choisit le protectionnisme — parce que c’est bien de cela qu’il s’agit — en subit les conséquences.
Pour autant, le pire est l’ennemi du mal. Certes, il y aura des effets, mais ceux qui annoncent à la fin des relations commerciales entre l’Europe et le Royaume-Uni accordent un pouvoir démesuré au référendum.
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Les risques du Brexit
Il est intéressant de relire Jacques Parizeau, qui abordait souvent les frayeurs économiques véhiculées dans le débat sur la souveraineté du Québec. Pour lui, c’était un faux débat : les économies mondiales sont tellement intégrées que l’offre, la demande et les profits sont des variables passablement plus importantes qu’une décision politique, aussi référendaire soit-elle.
Même chose pour le Brexit. Londres est le deuxième centre financier de la planète. La City, comme on l’appelle, regroupe énormément de capitaux, et ses règles se rapprochent parfois d’un paradis fiscal. Même si Paris et Francfort tenteront probablement d’attirer une partie de ces activités, l’importance financière de Londres sera peu affectée.
Et la circulation des personnes? Le Royaume-Uni ne faisant pas partie de l’espace Schengen, qui permet la libre circulation des citoyens en Europe d’un pays à l’autre, les effets sont assez limités.
Le danger à moyen terme, c’est plutôt la désintégration lente de l’Europe. Ce qu’on croyait possible avec la Grèce, qui était un boulet pour tous les partenaires, est devenu réalité avec le Royaume-Uni, qui est un atout. Et les tenants du protectionnisme en France ou aux Pays-Bas commencent à évoquer un Franxit ou un Nexit.
Et d’apporter encore plus de houle sur un océan d’incertitudes.
Actuellement, il est pratiquement impossible de dire exactement ce qu’il va se passer. Si ce n’est que ce référendum ne fait actuellement pas de bien à l’économie et que le Royaume-Uni contribue actuellement à embêter tout le monde en imposant à tout le monde « sa » vison contradictoire du monde.
Cette vision tordue contribue à mettre le Royaume-Uni dans un quasi climat de guerre civile ; cette vision a produit une victime innocente : Jo Cox. Combien faudra-t-il encore de victimes comme cela pour que les anglais choisissent leur camp une bonne fois pour toute ? Ou ils sont « in » ou ils sont « out ». Ou ils acceptent le monde tel qu’il est ou ils choisissent de vivre entre eux, en vase clos, dans la plus parfaite des autarcies.
Être libre, c’est avoir le choix !
En telle occurrence, pour sortir dans la dignité, ce que doit faire le Royaume-Uni, c’est rendre l’Irlande aux irlandais et laisser le soin aux irlandais de réunifier leur pays comme bon leur semble. Abandonner aux écossais l’Écosse qui sont d’excellents élèves de l’école : Union Européenne. Les européens les aiment et veulent les garder. Rendre Gibraltar aux espagnols. Restituer l’archipel des îles normandes de Jersey et de Guernesey à la France. Pour éviter toute forme d’immigration illégale, ils doivent impérativement fermer ports, aéroports, sans oublier le tunnel sous la Manche qui normalement ne devrait absolument plus servir à rien….
Ainsi on pourrait accommoder avantageusement ces quelques 17 millions d’excellents britanniques qui ont voté (majoritairement ????) le Brexit parce que ça les excitaient, ni plus, ni moins.
Quoiqu’il en soit, le Royaume-Uni étant régi par la « Common Law », rien n’indique aux dernières nouvelles que les résultats de ce référendum soient contraignants pour la Chambre des Communes. Avec une majorité qui soit dit en passant n’est pas qualifiée. Pas de consentement explicite assuré des Parlements du Royaume. Qui plus est « The Queen » a toujours la possibilité — si l’intérêt supérieur de la nation commande -, de ne pas apposer sa sanction royale.
Ce que tout indique même, c’est que le successeur de David Cameron aura toutes les peines du monde à faire adopter une loi qui permette au Premier Ministre de pourvoir formuler une demande de retrait de l’Union en bonne et due forme devant le Conseil Européen. Lorsque plus des deux-tiers des députés sont opposés au retrait du RU de l’UE.
Pour trancher ce nœud gordien, seules des élections anticipées permettraient de régler le problème à condition encore d’élire une majorité de députés « pro-brexit ». Y’a-t-il dans ce royaume de la désunion, une seul politicien qui dans ce pays soit prêt à porter l’odieux d’un retrait de l’UE ? Et en même temps vivre avec les conséquences d’avoir un Royaume qui ne se réduirait plus qu’à deux territoires : le Pays de Galle et l’Angleterre amputée elle-même de son centre nerveux, d’une nouvelle république : La République de Londres.
— À propos, que pense de tout cela la famille Royale ? Embêtant tout de même dans un proche avenir, de devoir s’envoler pour l’étranger lorsqu’elle se déplacera vers ses magnifiques dépendances écossaises de Balmoral.
Mes avis que « Big Brother » doit déjà se pourlécher les babines et se frotter les mains. Car… bientôt ce sera le festin.
Je suis d’accord avec vous, M. Cipriani. Le Brexit est plutôt dangereux pour cette Union Européenne qui est de plus en plus affaiblie. Affaiblie par les tensions par rapport aux nouveaux migrants est-européens, par la crise des migrants syriens et irakiens, par le terrorisme, par les problèmes liés à la sécurité des frontières, par les partis politiques radicaux/extrémistes, par les clivages sociaux, économiques, religieux, par les mouvements séparatistes… Il est le temps pour l’UE de se réorganiser, de trouver une formule plus efficace, sinon tout risque d’exploser.
PS.Une seule précision: vous affirmez que « Le Royaume-Uni ne faisant pas partie de l’espace Schengen, qui permet la libre circulation des citoyens d’un pays à l’autre, les effets sont assez limités. » J’aimerais préciser que la libre circulation dans l’UE et la libre circulation dans l’espace Schengen sont deux choses différentes. Une fois sortie de l’UE, la Grande-Bretagne ne bénéficie pas automatiquement du droit de libre circulation (elle devra signer des traités de réciprocité par rapport à la libre circulation, comme dans le cas de la Suisse par exemple).
Il était à prévoir que l’Angleterre n’en sortirait pas gagnant. Après la perte phénoménale de capitalisation boursière, un sondage auprès de membres de la “House of directors” d’Angleterre indique que plus de 20% des sièges sociaux avait déjà préparé un scénario de déménagement de leurs entreprises pour s’installer en Allemagne, France, Italie et Pays-Bas.
Ces derniers en plus de la Belgique et de l’Autriche sont tous d’accord pour que la Grande Bretagne dépose sa demande de départ le plus rapidement possible.
L’Écosse s’attend à faire un nouveau référendum pour quitter la Grande Bretagne afin de demeurer au sein de l’Union européenne, il s’agit de 14% des entreprises et de la capitalisation de la Grande Bretagne. Il semble, selon des sources non identifiées que l’Irlande se préparerait à en faire de même.
La chancelière Angela Merkel a répété ce qu’elle disait avant le vote pour le Brexit que :
« L’UE est assez forte pour surmonter le départ de la Grande-Bretagne, elle est assez forte pour continuer à aller de l’avant même à 27 membres », a-t-elle jugé devant les députés allemands avant un sommet européen crucial mardi et mercredi à Bruxelles où les dirigeants se réuniront pour la première fois durant une partie de leurs débats sans le Royaume-Uni.
« On s’assurera que les négociations (sur la relation future entre l’UE et Londres) ne se déroulent pas selon le principe du «choix à la carte. Cela doit faire une différence d’être membre ou non de la famille qu’est l’Union européenne », a martelé la dirigeante allemande.
« Celui qui sort de la famille ne peut pas s’attendre à ce que tous ses devoirs disparaissent et que ses privilèges soient maintenus » La Presse, mardi le 28 juin 2016.
Les commentaires en langue allemande que nous retrouvons dans le journal Der Spiegel sont encore plus incisifs.
Ce ne sont pas les difficultés des prochains mois qui posent problème, mais les conséquences à long terme. La Grande-Bretagne, en favorisant le repli sur soi, a fait le mauvais choix. La Cité va voir sa domination s’effriter, alors que le secteur manufacturier de l’Angleterre n’est pas très compétitif (Voir Tata Steel, la moins productive d’Europe). De plus, la Grande-Bretagne a besoin plus que jamais de l’immigration, mais celle-ci va se transformer suite à sa rupture avec l’Europe. Les « white-anglo-saxon-protestants » – les wasps- vont avoir une très mauvaise surprise, alors que la diversité (des gens de couleur, quelle horreur !) chez ses immigrants sera encore plus grande que par le passé.
Par ailleurs, les pays du Continent vont non seulement se faire un malin plaisir à dénoncer les difficultés de la Grande-Bretagne, mais se servir de celles-ci comme d’un repoussoir, afin de calmer les aspirations sécessionnistes ou les emballements populistes de ses populations. Bref, l’Union européenne, la France en particulier, ont tout intérêt à voir la Grande-Bretagne s’enfoncer dans la mélasse. Bien fait pour Marine Le Pen, Podemos et cie, diront en choeur les diplomates de Bruxelles !