
Les 500 000 lacs et les 4 500 rivières de la province sont une source d’inspiration pour les fabricants de canots et de kayaks québécois. Survol d’une industrie en pleine ébullition.
Pélican
Leader mondial du kayak
Prix : de 179 $ à 1 399 $
Employés : 420
Siège social : Laval
À 24 ans, Christian Élie prenait la direction de Pélican, spécialisée dans la fabrication de matériel de plein air, et se voyait comme le « roi du pédalo ». « Ce n’était pas très glamour », admet l’homme d’affaires. Seize ans plus tard, son frère Antoine et lui rachètent l’entreprise paternelle, qui prend son envol : de 1995 à 2015, le chiffre d’affaires passe de 4 millions de dollars à 80 millions.
Pour connaître une telle expansion, Pélican profite du gain de popularité du kayak. En 2001, alors que le modèle le moins cher se vend près de 400 dollars, le fabricant en lance un 100 % québécois à un prix de détail de 299 dollars dans les grandes surfaces. « C’est grâce à Pélican si ce sport s’est démocratisé à ce point », dit l’entrepreneur.
Aujourd’hui, plus de 70 % de son chiffre d’affaires vient de la vente de kayaks. Comment peut-il les produire à si bas prix ? « Notre technologie permet d’en fabriquer 15 à l’heure. C’est 10 fois plus que nos concurrents », souligne-t-il avec fierté. L’entreprise a automatisé la fabrication et adapté la technologie de thermoformage double feuille, par laquelle deux feuilles de plastique sont moulées simultanément puis soudées grâce à la pression et à la chaleur. Ainsi, plusieurs centaines de milliers d’embarcations sortent chaque année de son usine de 28 000 m2, à Laval, où travaillent 420 personnes.
Pélican, qui écoule 75 % de sa production aux États-Unis, a aussi mis au point un système de gestion pour livrer juste à temps chez des clients comme Costco, qui commande jusqu’à 3 000 kayaks par semaine. Il serait impossible d’assurer une telle logistique si les embarcations étaient fabriquées en Chine, soutient Christian Élie.
En 2014, Pélican a franchi la barre des deux millions d’embarcations vendues et a connu une croissance de 30 %. C’est aujourd’hui le principal producteur mondial de petites embarcations — planches à rame, canots, pédalos, bateaux de pêche. Ses propriétaires planifient l’ouverture d’une nouvelle usine de 20 millions de dollars et comptent ainsi augmenter la production de 50 %.
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Esquif
De nouveau à flot
Prix : de 1 200 $ à 2 600 $
Employés : jusqu’à 12
Siège social : Frampton, en Beauce
Incapable de trouver un canot à son goût en 1995, le Beauceron Jacques Chassé décide d’en construire un lui-même à l’aide d’un équipement fait à partir de matériaux récupérés chez un ferrailleur. Sur sa lancée, il en fabrique 50 et fonde Esquif en 1997.
Présente partout au Canada, en Europe et aux États-Unis, l’entreprise de Frampton, en Beauce, a de solides assises. Mais l’américaine PolyOne, qui produit son matériau de base, le Royalex, cesse sa production en 2013.
Au lieu de fermer boutique, Jacques Chassé investit dans la recherche d’un produit de remplacement du Royalex, un plastique si résistant qu’un canot peut plier en deux sans casser, puis reprendre sa forme initiale. Il met au point le T-Formex, plus léger et plus résistant. Mais les dépenses de recherche et développement, ajoutées aux dettes accumulées au fil du temps, le contraignent à déclarer faillite en mars 2015.
L’entrepreneur ne baisse pas les bras pour autant. Il trouve des investisseurs et rachète l’équipement saisi par le syndic de faillite. Début mai, les activités reprennent. Désormais, le matériau de base et les canots sont fabriqués au Québec.
« Les autres fabricants nous considèrent comme un laboratoire », explique Jacques Chassé, qui compte mettre le T-Formex sur le marché à l’automne.
Esquif, qui employait 12 personnes avant la faillite, prévoit un redémarrage graduel. Le carnet de commandes commence à se remplir. L’entreprise, rebaptisée Esquif International, comprendra une division pour le T-Formex et espère produire de nouveau 1 500 canots par année dès 2016.

Abitibi & Co.
Inspirer le plein air
Prix : kayaks, de 2 500 $ à 3 400 $ ; canots, de 700 $ à 1 200 $
Employés : 16
Siège social : Rouyn-Noranda
Après une courte carrière dans l’industrie des sables bitumineux, l’Abitibien Guillaume Leblanc, passionné de plein air, se lance dans les affaires. En 2013, il rachète le plus important fabricant de canots au Canada, Mid-Canada Fiberglass, alors en faillite. Établie à New Liskeard, en Ontario, cette entreprise produisait les marques Kayak Impex, Scott Canoes et Canots Bluewater.
Pour redémarrer ce fleuron canadien, l’ingénieur de 30 ans amasse deux millions de dollars avec l’aide d’investisseurs de sa région, et déménage les installations de New Liskeard à Rouyn-Noranda. Il fonde Abitibi & Co. à l’automne 2014.
« Notre but n’est pas de vendre des canots à tout prix, mais d’inspirer les gens et de les inciter à profiter du plein air », résume Jean-Daniel Petit, 29 ans, actionnaire et directeur du marketing. Il souhaite élaborer un discours plus jeune, basé sur le plein air et le développement durable, dans le but d’atteindre les nouvelles générations.
Pour chaque embarcation vendue, Abitibi & Co. s’engage à retirer des rivières québécoises l’équivalent d’un gros sac-poubelle de déchets lors de corvées de nettoyage avec des bénévoles. L’entreprise fait aussi des démarches en vue d’obtenir la certification B Corp, qui atteste son sérieux sur le plan environnemental.
« L’absence de nos produits sur le marché a créé une rareté, ce qui facilite le redémarrage », affirme Guillaume Leblanc, qui souhaite faire passer sa production de 500 à 1 000 embarcations l’an prochain.
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Kayak Distribution
La délocalisation comme modèle d’affaires
Prix : de 500 $ à 5 000 $
Employés : 15
Siège social : Saint-Hubert
Après le rachat des faillites de Riot, en 2008, et de Boréal Design, en 2012, le propriétaire de Kayak Distribution a choisi, en gestionnaire rationnel, de délocaliser la fabrication de ses produits haut de gamme en Chine et en Estonie, ce qui a réduit ses coûts de 30 % à 50 %.
Cette nouvelle a attristé nombre de pagayeurs québécois. Mais Marc Pelland est fier d’avoir remis ces marques sur le chemin de la rentabilité, tout en conservant au Québec l’expertise en recherche et développement, en vente et en conception. Son entreprise emploie une quinzaine de personnes dans ses locaux, à Saint-Hubert.
« C’est sûr qu’on aurait aimé continuer de fabriquer les kayaks ici, mais il y a peu de gens qui sont prêts à payer plus cher pour un produit fait au Canada », dit à regret l’entrepreneur, qui exporte près de 70 % de sa production dans une trentaine de pays. Avec des coûts moins élevés, l’entreprise résiste mieux aux soubresauts du marché et dispose de plus de liquidités pour l’innovation.
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Des artisans se démarquent

Canots Nor-West
Spécialité : canots en cèdre de 14 à 26 pi (4,25 à 8 m)
Marché : communautés autochtones du nord du Canada, qui prisent les grands canots pour leur capacité de chargement
Production annuelle : 150
Prix : canot de 16 pi (4,9 m), 3 000 $
Siège social : Prévost
Quessy rames et avirons
Spécialités : pagaies, rames et avirons en bois
Marché : Canada, États-Unis, Europe
Production annuelle : 50 000
Prix : de 19 $ à 159 $
Siège social : Shawinigan
Canot Grand-Mère
Spécialités : canots et chaloupes en fibre de verre
Marché : Canada, États-Unis
Production annuelle : 300
Prix : à partir de 699 $
Siège social : Shawinigan
Les Canots Portage
Spécialité : canots en fibre de verre
Marché : Canada
Production annuelle : 200
Prix : de 660 $ à 1 800 $
Siège social : Shawinigan
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Pagaie, aviron ou rame ?
Le terme « pagayer » est employé à toutes les sauces pour décrire le mode de propulsion d’une embarcation. Mais on s’entend généralement sur la terminologie suivante.
En canot, on utilise un aviron, qui n’a qu’une pale. Et on avironne.
En kayak, on se sert d’une pagaie double, qui a une pale à chaque extrémité. On pagaye ou on pagaie.
Sur une chaloupe, ce sont des rames que l’on fixe à un tolet. Et on rame.
Je suis toujours surpris de voir que si peu de gens s’intéressent au canotage et à la pratique du kayak. Ça ne coûte pas cher, ça ne pollue pas et c’est un exercice extraordinaire, lequel permet en même temps d’apprécier la nature. C’est la même chose avec la voile. Les anglophones pratiquent la voile depuis très longtemps. Les Québécois ne pensent qu’à la navigation de plaisance motorisée : une petite bière et le moteur au bout. Dommage que les mentalités ne changent pas plus vite que ça. La planète ne peut plus attendre…