Groupe Boutique Néron
Classement au palmarès des Leaders de la croissance : 1re
Activité : Fabrique et vend des bijoux
Nombre d’employés en 2012 : 70
Chiffre d’affaires en 2012 : 9,9 millions
Croissance 2007-2012 : 3 138 %
Quand la comédienne et chanteuse Caroline Néron présente ses créations lors de défilés de mode ou qu’elle donne des conférences dans les chambres de commerce pour raconter son histoire, les spectateurs l’applaudissent. Pourtant, il y a neuf ans, elle avait beau être connue pour ses rôles à la télé, avoir un certain sens du style et un joli minois, elle était rarement prise au sérieux par les détaillants de mode et d’accessoires à qui elle quémandait de la place sur leurs étagères pour vendre ses colliers. « Aux yeux des gens, j’étais la petite chanteuse et actrice qui s’improvisait entrepreneure », laisse tomber Caroline Néron, rencontrée dans son atelier du quartier Griffintown, dans le sud-ouest de Montréal, où s’affairent 40 employés.

La blonde actrice de 40 ans a bâti une véritable PME du bijou, qui compte au total 149 employés (en incluant les emplois à temps partiel). Son chiffre d’affaires a augmenté de 3 138 % de 2007 à 2012, ce qui place Groupe Boutique Néron en tête des Leaders de la croissance de L’actualité.
La présidente n’entretient pas d’amertume. « Le fait que les gens n’y croyaient pas au début m’a plutôt motivée à continuer, dit-elle. Je suis rendue ailleurs et je ne me sens en concurrence avec personne. J’ai toujours été au bout de mes rêves et de ce que je voulais faire, malgré l’opinion des autres. Je crois à mes convictions et je me considère en quelque sorte comme une visionnaire. »
Le jour de notre rencontre, elle avait l’air bohème dans une robe longue aux couleurs chaudes et au décolleté plongeant. Derrière ce style de femme fatale se cache une femme d’affaires, qui carbure à l’instinct plutôt qu’aux colonnes de chiffres. « On a tendance à penser que les artistes sont de mauvais gestionnaires, mais le simple fait d’être connus veut dire qu’on a sollicité des gens. Faire sa place, c’est de la business ! »
Ses bijoux sont aujourd’hui vendus dans plus de 72 points de vente. Mais c’est la décision d’ouvrir ses propres boutiques qui a propulsé Caroline Néron au sommet.
Elle a installé son premier kiosque au Carrefour Laval en 2009 et, en un mois à peine, ses ventes au mètre carré surpassaient celles des autres commerçants d’accessoires et de bijoux de ce centre commercial de la Rive-Nord. Enceinte jusqu’aux oreilles, elle décide d’ouvrir trois autres kiosques, toujours en 2009, deux semaines avant d’accoucher. Le succès est tel qu’entre deux pauses pour allaiter sa fille, elle assemble des bijoux sur la table de cuisine de son appartement et appelle sa mère, Claudette, en renfort !
Caroline Néron est née à Boucherville. Ses parents, Richard et Claudette Néron, dirigent une société de courtage immobilier. Sa sœur, Nathalie, est aussi agente immobilière. Rien ne laissait présager que l’aînée allait un jour devenir elle-même entrepreneure : « Dès l’âge de cinq ans, je me voyais jouer avec des acteurs américains et français et devenir une artiste à l’échelle mondiale ! »
Elle décroche un premier rôle au petit écran dans la série Scoop, en 1995, et connaît un premier succès en jouant la mannequin Stella Trudel dans Diva, rôle qu’elle reprend ensuite dans Tribu.com, série qui se déroule dans le milieu de la publicité. Elle tente aussi une incursion dans le monde de la chanson et lancera trois albums, dont le deuxième, Reprogrammée, connaît un échec retentissant. Elle veut alors s’affranchir des producteurs et créer son propre emploi. Elle ne sait pas encore que ce sera dans le domaine des bijoux, mais elle a un besoin farouche d’indépendance.
Lors d’une virée de magasinage à Las Vegas avec son conjoint de l’époque, le producteur Richard Speer, elle a l’idée de lancer sa propre gamme de bijoux. Elle signe un premier contrat avec Les Ailes de la mode et, peu de temps après, réussit à convaincre une trentaine de bijoutiers de différentes régions du Québec de vendre ses produits.
En 2005, victime d’un accident de moto qui la laisse passablement amochée, elle se pointe en fauteuil roulant chez Peter Simons, président de la célèbre maison du même nom, pour lui présenter sa collection. Il accepte sur-le-champ de la prendre. « Je n’ai jamais su s’il l’avait fait par pitié ou parce qu’il aimait vraiment ce que je faisais, dit-elle à la blague, mais ç’a été le début d’une belle collaboration ! »
L’audace de Caroline Néron ne passe pas inaperçue dans le milieu des affaires. « C’est une pure entrepreneure », commente Marcel Côté, candidat à la mairie de Montréal et ex-président de la société de consultation Secor. C’est un ami à lui et client, Paul Delage Roberge, fondateur des Ailes de la mode, qui lui présente Caroline Néron, en 2007.
À peine sa première collection était-elle offerte chez ce détaillant que la jeune femme rêvait d’un succès international. Grâce à ses contacts, Marcel Côté l’aide à entrer aux Galeries Lafayette, à Paris.
L’expérience s’est soldée par un échec. Après quelques mois, Caroline Néron remballe tout et revient au Québec. Elle perd 100 000 dollars dans l’aventure. « J’ai toujours cru que rien n’arrive pour rien et qu’il y a quelque chose à apprendre de nos échecs », dit-elle.
C’est à ce moment qu’elle décide d’ouvrir ses propres boutiques et de délocaliser la majeure partie de sa production en Chine.
Ses produits, à base des célèbres cristaux Swarovski, ne sont pas pour autant à la portée de toutes les bourses. Le prix des bijoux vendus par Caroline Néron va de 25 dollars pour une paire de boucles d’oreilles à 1 600 dollars pour un bijou à diamants, tandis que celui des montres varie entre 245 et 500 dollars. Pour 2013, elle vise un chiffre d’affaires de 15 millions de dollars.
Caroline Néron voudrait lancer aussi une gamme de sacs à main. À l’automne 2012, elle a rouvert un bureau à Paris, rue de la Paix. Elle compte une dizaine de points de vente en France, dont quatre à Saint-Tropez, sur la Côte d’Azur. « Je veux ouvrir des boutiques à l’international et j’aimerais rendre mes défilés de mode aussi réputés que ceux de Victoria’s Secret. »
Ses projets de conquérir le monde paraissent aujourd’hui beaucoup moins farfelus, mais ce n’est pas gagné d’avance, prévient Marcel Côté. « Son nom n’est pas connu ailleurs comme il l’est ici, alors il faudra qu’elle développe davantage son produit. Mais elle le sait et c’est une fille qui apprend très vite… »
J’ai savouré votre article et je voudrais vous dire combien j’ai apprécié le fait qu’une femme puisse exceller dans ce monde dirigé par les hommes.
J’avoue que je n’ai pas apprécié le quatrième paragraphe, particulièrement, la phrase qui dit qu’elle avait l’air bohème avec une robe longue aux couleurs chaudes et au décolleté plongeant. Quand les hommes donnent des entretiens pour un article, on ne parle jamais de leurs vêtements. Y a-t-il des attentes différentes placées sur les femmes? Si oui, comment pouvons-nous lutter pour l’égalité de représentation? Selon moi, il est temps d’avoir une femme entrepreneuse d’une industrie non axée sur la mode. Néanmoins, Caroline Néron est un bon début pour les tremplins d’égalité entre les sexes. J’espère qu’il y aura plus d’articles qui valorisent les femmes dans vos prochains numéros.