Si tout se passe comme prévu, l’oléoduc Trans Mountain acheminera dès 2022 près de 600 000 barils de pétrole brut quotidiennement de l’Alberta vers le terminal maritime de Burnaby, en Colombie-Britannique. Chaque jour, ce sont près de 13 % de la production canadienne de pétrole (selon les chiffres de 2018) qui prendront ainsi la direction des marchés internationaux.
Si la discorde politique autour de la question est évidente, une chose est certaine : le débat sur le pipeline n’est pas un débat sur un pipeline. Ce tuyau, racheté par le gouvernement Trudeau à l’entreprise Kinder Morgan en 2018 pour 4,5 milliards de dollars, a plutôt joué le rôle d’un test de Rorschach sur lequel les défenseurs et les opposants au projet — dont je fais partie — ont projeté leur vision du monde.
Or, si les deux camps se plaisent à dépeindre la posture de leurs adversaires comme absurde et indéfendable, le fait est que chaque position sur le pipeline trouve une forme de cohérence dans un contexte plus large. Pour le meilleur et pour le pire, les scénarios élaborés par l’Agence internationale de l’énergie (AIE) permettent à chacun de justifier sa position.
Le camp propipeline met ainsi de l’avant une vision conservatrice de l’évolution du monde, où dominent les intérêts économiques et le laissez-faire. Cette vision reflète la réalité actuelle et repose sur le scénario de base (Stated Policies) de l’AIE, qui prévoit une hausse de la demande et de la production de pétrole au moins jusqu’en 2040.
Production mondiale de pétrole par région

Ces projections se fondent sur les politiques publiques actuellement annoncées et elles envisagent une demande de pétrole qui continue de croître pour encore au moins 20 ans. Le camp favorable à Trans Mountain considère qu’il serait insensé que le Canada n’obtienne pas sa part du gâteau. D’ailleurs, le Canada n’est pas seul à faire ce calcul, plusieurs autres pays font de même.
Dans ce contexte, la construction d’un nouveau pipeline permettra simultanément d’accroître les exportations canadiennes et d’éliminer le « rabais canadien », qui coûte actuellement plusieurs millions de dollars au pays chaque jour. Le pétrole canadien, déjà moins cher parce que de moins bonne qualité, est par ailleurs difficile à exporter parce que la capacité de transport est saturée. Cette situation fait en sorte que le Canada n’a qu’un seul acheteur, les États-Unis, qui peut acheter le pétrole canadien à rabais.
Il existe une minorité significative d’Albertains pour qui les changements climatiques ne constituent pas un enjeu important. Pour plusieurs autres, la question climatique est pertinente, mais elle devra vraisemblablement se résoudre à long terme, et principalement par le biais d’une réduction globale, progressive et naturelle de la demande, surtout en vertu de mécanismes de marché. Autrement dit : la menace climatique existe, mais le Canada ne devrait pas s’autopénaliser économiquement en refusant de suivre la tendance mondiale actuelle.
Une opposition parfaitement cohérente
La position anti-pipeline repose sur des bases très différentes. Elle est alimentée par une vision idéaliste, plus interventionniste, et par une préoccupation dominante pour l’écologie et la crise climatique. Les opposants au pipeline s’appuient sur le second scénario de l’AIE — celui du développement durable — qui envisage une réduction importante de la demande et de la production de pétrole au cours des 20 prochaines années.
Le scénario du développement durable n’est pas représentatif de la tendance mondiale actuelle. Pour se réaliser, cette hypothèse exige en effet une transformation majeure du marché mondial de l’énergie, qui passe par un ensemble de développements : innovations technologiques, révision des incitatifs économiques, divulgation des impacts climatiques et étiquetage correspondant des produits et services, mesures de soutien à la transition juste, etc.
Dans ce contexte, l’opposition au pipeline et à une augmentation de la production est parfaitement cohérente. Elle constitue simplement une facette d’un ensemble de mesures qui devraient être mises en place par tous les pays, le plus rapidement possible. L’augmentation de la production de pétrole favoriserait une chute des prix, et donc une hausse de la consommation qui ralentirait la transition nécessaire. Elle accentuerait la dépendance économique du Canada envers les énergies fossiles. Il serait absurde, notamment au plan économique, d’investir des milliards pour accroître notre production de pétrole alors même qu’on cherche activement à en réduire la demande.
Intérêt économique contre idéalisme
Envisagées dans leur contexte plus large, il est donc possible d’entrevoir la cohérence des positions pro et anti pipeline. Les implications sont toutefois différentes pour chaque camp.
Le scénario de base de l’AIE, qui reflète la réalité actuelle, n’est pas compatible avec l’objectif de l’Accord de Paris d’une hausse de température « bien en dessous de 2 °C » au-dessus des niveaux préindustriels. Accepter ce scénario du business as usual, et l’évoquer pour justifier une hausse des exportations de pétrole, représente une forme d’abdication de responsabilité envers la planète, au profit de l’intérêt économique national à court et moyen terme. C’est le fardeau que doit porter le camp propipeline.
Les opposants n’ont pas la partie facile pour autant. Jugée à l’aune de la réalité contemporaine, leur position peut sembler idéaliste, voire utopique. Elle repose sur l’espoir que les pays effectueront, rapidement, les virages nécessaires pour infléchir la trajectoire climatique actuelle, même quand ces changements heurtent leur intérêt économique immédiat. Ce scénario est loin d’être garanti. Pour être cohérent, le camp anti-pipeline doit également mettre de l’avant un ensemble de mesures qui risquent de bouleverser le statu quo et susciter des résistances à l’échelle globale. Ce ne sera pas une mince affaire.
Au lendemain de l’élection du 21 octobre dernier, Ottawa a déclaré que la construction du pipeline n’était pas négociable avec les partis d’opposition. Jusqu’à preuve du contraire, le dossier est donc clos. L’enjeu sous-jacent, lui, demeure toutefois entier.
Les Québécois sont-ils réellement contre le pipeline et contre l’oléoduc ou on entend que ceux qui crient le plus forts. Ces tuyaux sont plus sécuritaires que les trains.
Et si les provinces de l’Ouest sortaient leur pétrole par la Baie d’Hudson. Le Manitoba a un accès vers la Baie d’Hudson. Moins de permission à demander ou à imposer de force. Penser faire l’unité canadienne autour des intérêts des multinationales du pétrole est une aberration. Ils veulent être indépendants, faudrait qu’ils pensent en indépendants.
Ceci n’est pas un pipeline, c’est une représentation de l’ultime irresponsabilité
M. J.Lussier vous nous présentez encore ce faux dilemme de la croissance vs l’écologie.
Ça c’est le crédo de l’industrie du fossile.
Vous réfléchissez comme un capitaine de véhicule terrestre, je vous invite à réfléchir comme un capitaine de navire ou d’avion;
quand il y a un obstacle sur la route, le capitaine d’avion ne peut pas arrêter il change de cap ou il prend de la hauteur comme dirait Bertrand Picard et en gardant la même vitesse ou même en accélérant.
Le capitaine du Titanic avait la même attitude que nos capitaines d’industrie fossile aujourd’hui, en accélérant vers l’obstacle et en refusant de changer de cap.
Ce n’est pas étonnant que les jeunes sortent de l’école, ils ne peuvent pas comprendre l’incohérence des ministres de l’énergie ni de l’environnement qui ne voient pas les opportunités illimités que nous avons en changeant de cap vers les énergies renouvelables.
Les politiciens devraient porter des vêtements qui affichent leurs commanditaires pour savoir qui les possèdent comme les sportifs.
Comme nous avons des lobbyistes du pétrole au pouvoir (J.Kenney, S.Moe, D.Ford, B.Hyggs) qui font de la fausse représentation en feignant représenter le peuple,
un changement de cap exigerait de changer ceux qui sont aux commandes, et cessez de foncer vers l’obstacle en coupant les subventions au fossile.
Comme individu je ne peux pas faire grand chose. Il appartient aux différents gouvernements de prendre le leadership. Par exemple : développer un nouveau code de la construction forçant tous les architectes et constructeurs de nouvelles constructions à ne produire que des bâtiments tout électrique, en installant sur tous les toits des panneaux solaires, et à ne plus prendre d’asphalte pour les lieux de stationnements. Interdire tous véhicules à essence à compter de telle ou telle date sur tout le territoire canadien. Développer un corridor pour les lignes de haute tensions sur tout le territoire canadien et interdire la production d’électricité par le charbon ou autres polluants. Il demeure que rien ne peut être accompli sans les gouvernements.
Facile d’être « idéaliste » en politique, quand on n’a pas à souffrir directement des conséquences de nos suggestions. Solution : que les idéalistes fassent des propositions aux Albertains pour amortir le choc d’une sortie du pétrole, et qu’ils mettent la main au portefeuille pour les aider à financer une transition énergétique qu’ils estiment propre. À moins que ça, l’idéalisme sans sacrifice est comme le chinook, de l’air chaud qui ne règle rien.
M. J. Pasquero
Tout a été dit sur les propositions et solutions depuis les années 70, et les solutions d’énergies renouvelables fonctionnent et la croissance continue dans le bon sens (voir: https://ecotechquebec.com, IRENA.ORG), mais les pétroleux n’écoutent pas et font plutôt obstacle aux solutions en colportant de la FUD (peur, incertitude et doute) sur les énergies renouvelables pour éviter de nuire au statu quo lucratif pour les initiés et les milliardaires du Texas.
La transition vers les énergies renouvelables et la mobilité électrique n’est que du bonheur, le choc de la sortie du pétrole est pour ceux qui veulent rester dans ce mode rétro de l’économie, pas pour ceux qui se tournent vers les énergies du futur.
Cher monsieur Grant,
Désolé, vous n’avez pas saisi le sens de mon intervention, vous répondez à côté. Il ne s’agit pas de défendre les « pétroleux » comme vous dites, mais de présenter aux populations affectées un plan de transition réaliste qui ne chamboulera pas leurs économies et leurs vies, ce qui suppose que tous les donneurs de leçons qui ne seront pas touchés par ces conséquences soient eux aussi touchés par des sacrifices, et mettent la main au portefeuille pour les aider. C’est le cas pour les Albertains. Il suffit de s’intéresser à leur point de vue pour comprendre la complexité du problème. Leur province vit d’exportations, dont 80% sont liées aux hydrocarbures. Et vous voudriez qu’ils acceptent de se faire hara kiri rien que pour satisfaire vos aspirations de Québécois lointain, trop chanceux d’avoir son eau et son Hydro-Québec soi-disant tout propre sous la main grâce à un don de la nature. Pour mieux comprendre, imaginons une seconde que les Albertains, pour une raison écologique quelconque, soient d’accord pour que le Québec ferme définitivement Hydro-Québec et laissent les Québécois se débrouiller avec ça. Nous sommes face à des choix politiques ici, pas dans l’absolu d’un monde idéal. Un Alberta ruiné bénéficierait lui aussi de la péréquation, aux dépens du Québec qui en vit depuis des générations. Conclusion : Ne restons pas dans l’incantation. L’application des grands principes doit toujours tenir compte de leurs conséquences pour les populations, et s’accompagner de plans réalistes de transition; sinon, soit ils sont inapplicables, soit ils ne restent que du vent, des poussées de chinook en quelque sorte.
Désolé, vous n’avez pas saisi le sens de mon intervention, vous répondez à côté. Il ne s’agit pas de défendre les « pétroleux » comme vous dites, mais de présenter aux populations affectées un plan de transition réaliste qui ne chamboulera pas leurs économies et leurs vies, ce qui suppose que tous les donneurs de leçons qui ne seront pas touchés par ces conséquences soient eux aussi touchés par des sacrifices, et mettent la main au portefeuille pour les aider. C’est le cas pour les Albertains. Il suffit de s’intéresser à leur point de vue pour comprendre la complexité du problème. Leur province vit d’exportations, dont 80% sont liées aux hydrocarbures. Et vous voudriez qu’ils acceptent de se faire hara kiri rien que pour satisfaire vos aspirations de Québécois lointain, trop chanceux d’avoir son eau et son Hydro-Québec soi-disant tout propre sous la main grâce à un don de la nature. Pour mieux comprendre, imaginons une seconde que les Albertains, pour une raison écologique quelconque, soient d’accord pour que le Québec ferme définitivement Hydro-Québec et laissent les Québécois se débrouiller avec ça (nos amis albertains parlent d’hypocrisie à notre sujet). Nous sommes face à des choix politiques ici, pas dans l’absolu d’un monde idéal. Un Alberta ruiné bénéficierait lui aussi de la péréquation, aux dépens du Québec qui en vit depuis des générations. Conclusion : Ne restons pas dans l’incantation. L’application des grands principes doit toujours tenir compte de leurs conséquences pour les populations, et s’accompagner de plans réalistes de transition; sinon, soit ils sont inapplicables, soit ils ne restent que du vent, des poussées de chinook en quelque sorte.
Cher M. Pasquero
Mais leur économies et leurs vies sont déjà ‘chamboulées’ comme vous dites, par leur mauvaise gestion d’énergie (comparé à la Norvège) et d’avoir tout misé sur le bitume et persiste à croire que l’or noir leur réserve encore de beaux jours malgré que le déclin approche de plus en plus vite, malgré les subventions très généreuses du fédéral au pétroleux.
Comme au QC il a fallu se résigner à garder l’amiante sous terre et passer à autres chose (personne n’est venu à la défense du QC), comme le QC a due se résigner à se départir du C-Série par manque de support du fédéral et personne du ROC n’est monté sur les barricades pour défendre cette industrie de haute technologie du QC qui appartient maintenant à Airbus, l’AB devra garder le bitume sous terre et passer à un autre modèle économique qui ne détruit pas avant d’empirer la situation.
Nous ne donnons pas ‘de leçon’, nous ne faisons que protéger notre énergie et cette énergie nous appartient pcq le QC s’est pris en main avec l’aide financière des É.U. et non pas du ROC et en dépit du fait que le ROC traitait de communisme ce projet de HQ dans le passé.
La péréquation c’est notre argent qui nous revient, vous esquivez trop facilement ce que le QC donne au fédéral, si nous donnons 50 milliards et que nous recevons 8 à 9 milliards il ne faut pas creuser trop loin pour savoir comment notre argent peut servir à subventionner le bitume et à l’achat de pipeline à coup de milliards.
Quand vous divisez la péréquation par le nombre de citoyens du QC on se rend compte que le montant par citoyen est encore un des plus faible,
en plus le QC est une des provinces qui contribue le plus aux revenus de pétrole d’AB pcq nous sommes près de 2 fois plus nombreux, alors le QC consomme plus de pétrole AB que les albertains eux même.
Pour M. Jean Pasquero
https://www.ledevoir.com/opinion/libre-opinion/567361/federalisme-petrolier?utm_source=infolettre-2019-11-20&utm_medium=email&utm_campaign=infolettre-quotidienne