Cessez de tirer sur Bill Morneau

Aux Communes, l’opposition conservatrice critique constamment le ministre des Finances, le traitant d’« irresponsable ». Ce qualificatif est pourtant injustifié.

Photo : Daphné Caron pour L’actualité

Comment va la santé financière du gouvernement fédéral au Canada ? S’est-elle améliorée ou détériorée depuis 25 ans ? Comment le Canada se compare-t-il aux États-Unis ? Que nous réserve l’avenir ?

Le graphique ci-dessous donne les réponses. Il montre comment a évolué le pourcentage des revenus budgétaires que les gouvernements du Canada et des États-Unis ont consacré au paiement des intérêts sur leur dette chaque année de 1995 à 2018. Plus faible est ce pourcentage, plus confortable est leur situation financière, et meilleure est la confiance des prêteurs dans leur capacité d’honorer leurs engagements financiers.

Le phénomène marquant, depuis 1995, est que le poids des charges d’intérêts dans le budget a considérablement diminué dans les deux pays, mais que l’allégement a été plus prononcé au Canada qu’aux États-Unis. Aux États-Unis, les charges ont glissé de 25 % des revenus en 1995 à 16 % en 2018 ; au Canada, elles sont parties de plus haut, à 35 %, mais sont descendues deux fois plus bas, à 8 %.

Pour diverses raisons (guerres, inflation, récessions, expansion des services), la dette fédérale et les taux d’intérêt sur les emprunts avaient fortement augmenté des années 1960 aux années 1990, et plus encore au Canada qu’aux États-Unis. Comme on le voit, en 1995, le service de la dette avait fini par absorber le quart des revenus budgétaires à Washington et plus du tiers à Ottawa.

Depuis lors, la situation a bien changé. Les taux d’intérêt ont fortement diminué partout dans le monde. Au Canada, Jean Chrétien et Paul Martin ont, de plus, transformé les déficits fédéraux en surplus. Stephen Harper a cherché à maintenir cette orientation, bien qu’il ait dû absorber une suite de déficits pendant et après la récession de 2008-2009. Au net, de 1996 à 2015, la dette canadienne n’a augmenté que de 48 milliards de dollars.

Aux États-Unis, des surplus sont d’abord apparus sous Clinton, mais les budgets se sont ensuite enfoncés dans les déficits sous Bush (guerres et allégements fiscaux) et Obama (récession de 2008-2009 et séquelles). En 20 ans, les soldes budgétaires ont fait grossir la dette américaine de 8 400 milliards, soit 175 fois plus que les 48 milliards ajoutés à la dette canadienne.

Ces évolutions expliquent qu’en 2015 le service de la dette soit descendu à 8,6 % des revenus budgétaires à Ottawa, mais qu’il soit resté à 13 % à Washington.

Depuis 2016, le gouvernement Trudeau a réduit les impôts, augmenté les prestations pour enfants et accéléré les investissements dans les infrastructures. Néanmoins, les trois budgets du ministre des Finances, Bill Morneau, ont pu stabiliser les charges d’intérêts autour de 8 % des revenus budgétaires.

Comment cela a-t-il été possible alors que ces trois budgets Morneau ont été déficitaires ? C’est que, bien que les déficits aient fait augmenter la dette, et donc les intérêts à payer, la croissance des revenus budgétaires (résultant de la fiscalité applicable au PIB) a été encore plus rapide. En 2015, les 25,4 milliards payés par Ottawa en intérêts sur la dette équivalaient à 8,6 % des revenus, qui étaient de 295 milliards, alors qu’en 2018 il est prévu que les 26,3 milliards du service de la dette absorberont 8,1 % des revenus, estimés à 323 milliards. Le poids des intérêts dans le budget aura donc (légèrement) diminué.

Que nous réserve l’avenir ? Au Canada, le taux d’intérêt moyen sur la dette fédérale portant intérêts avoisine actuellement les 2,5 %. Les taux d’intérêt sont en augmentation sur les marchés, mais la plupart des analystes sont d’avis que la remontée sera modérée et aura un effet limité sur les charges d’intérêts qu’Ottawa devra assumer. Celles-ci pourraient passer de 8 % des revenus budgétaires aujourd’hui à 9 % dans cinq ans. Rien là pour crier au loup.

L’opposition conservatrice aux Communes ne cesse de traiter le ministre Bill Morneau d’« irresponsable ». Absolument rien ne justifie ce qualificatif. Le graphique montre que ses trois budgets ont simplement confirmé la stabilité financière retrouvée sous Martin et Harper. De plus, rien ne permet de douter de la viabilité financière future du gouvernement. S’il y a une inquiétude pour l’avenir, elle concerne plutôt l’évolution aux États-Unis. Les énormes réductions d’impôt que le Congrès vient d’adopter devraient faire remonter le poids des intérêts à payer dans le budget fédéral bien au-delà des 16 % de 2018. À surveiller.

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Bravo Monsieur Fortin ! Votre présente chronique nous aide à bien comprendre ce phénomène complexe que sont les budgets et finances d’un pays pour qui n’a aucune formation en sciences économiques. Vous remettez ainsi les pendules à l’heure, car les critiques répétées de l’opposition conservatrice peuvent faire croire à la population qu’on est dirigé par un gouvernement inconséquent pour qui les finances publiques ne sont pas importantes, ce qui n’est pas le cas.

Tant mieux pour le Canada.

Par contre, que penser de l’endettement des ménages canadiens. Y a-t-il une relation entre cet endettement et la santé (ou maladie) financière des familles canadiennes et le PIB du pays?
Est-ce que les gouvernements federaux successifs en ont fait assez pour la population afin de répartir les bénéfices de cette santé financière du Canada?

« Y a-t-il une relation entre cet endettement (…) et le PIB du pays ? »

La relation est directe, puisque le PIB est formé en partie des revenus et des dépenses des ménages. Lorsque les ménages empruntent pour consommer, ils augmentent le PIB. Lorsqu’ils décident d’épargner pour rembourser leur endettement, ils consomment moins et font diminuer le PIB.

Un petit détail: le coût moyen de la dette étant de 2,5%, une simple hausse de ce coût à 3,5% aura pour effet d’augmenter le déboursé annuel en intérêt ( en $ )de 40%, et ce sans entrées fiscales additionnelles . M. Fortin a une propension favorable à l’endettement public quasi légendaire, favorisant les déficits budgétaires perpétuels. Il est plus keynésien que Keynes lui-même

Comme les gouvernements sont les principaux emprunteurs dans le monde, les taux d’intérêts vont rester sous contrôle…
De plus, beaucoup de propriétaires de liquidités de pays moins démocratiques (en autre) voient dans l’Europe et l’Amérique du Nord un refuge sécuritaire à leurs épargnes.
Pour eux, les obligations gouvernementales demeurent un des investissements les plus sécuritaires.
Ces deux conditions font que l’offre de liquidité pour les gouvernements est plus grande que la demande et pour longtemps.
Enfin, lorsque l’on traite d’emprunts gouvernementaux, il ne faut pas faire l’erreur de les comparer à des emprunts personnels. Dans un cas l’emprunteur est immortel… ce qui le mets dans la même condition que jeune adulte qui souhaite bâtir son avenir.
Ce qui doit nous intéresser, c’est la richesse ou la valeur que nos gouvernements créent en empruntant à 2,5%.
Selon moi, ils devraient pouvoir facilement créer des facilités qui rapportent entre 5 et 10%.
Un exemple : Le Québec devrait emprunter x milliards pour doter tous les résidents sur son territoire d’un accès internet à haute vitesse. Cet investissement provoquerait un haut rendement à moyen terme, similaire ou supérieur à celui qui a été fait dans notre réseau électrique.
C’est ici que l’État performe mieux que le privé et ce pour deux raisons :
1- son coût d’emprunt est plus faible ;
2- le rendement attendu est moins à court terme.
Qu’en dites-vous ?

Vos mathématiques sont grossières. L’augmentation de 1 % du taux d’intérêt toucherait seulement les nouveaux emprunts. Seulement une petite partie des charges d’intérêt serait affectée et ce serait loin de votre 40 %.

Monsieur Pierre Fortin a toujours été pour endettement des gouvernements alors s’est normal qu’il pense comme cela il ne pense pas a long terme. C’est de valeur que le gouvernement de Trudeau aussi ne pense pas a long terme. Pourquoi pas équilibrer le budget quand l’économie vas super bien. S’est prouvé que il y as de plus en plus de personne qui vont allé a leur retraite ( Bien mérité après avoir travaillé 40 ans + ) Les coût des hôpitaux vont augmenter. Beaucoup moins de monde pour payé les impôts et taxe pour supporter l’état. En plus ont vas payé encore plus d’intérêt de la dette des gouvernement irresponsable précédent. C’est vrai le gouvernement Féderal n’est pas aussi près de problème du peuple, il vont juste coupé dans les transfert au province, c’est les province qui vont dealer avec le problèmes des hôpitaux, l’éducation, la santé, les routes,…. Et le monde ne suive pas la politique alors facile coupé au province.