L’OCDE et le G20 travaillent à établir d’ici fin 2020 un nouvel accord mondial pour taxer plus efficacement les multinationales, y compris les entreprises numériques. Ces dernières paient un taux effectif d’impôt oscillant entre 0 % et 5 %, contrairement à environ 20 % pour les sociétés traditionnelles, explique Lyne Latulippe, professeure titulaire à l’Université de Sherbrooke et chercheuse principale à la Chaire en fiscalité et en finances publiques. Coauteure d’un cahier de recherche sur la question, elle fait le point sur les solutions envisagées.
Quels défis fiscaux pose l’économie numérique ?
Dans le système fiscal actuel, les multinationales ne sont imposées que sur les ventes faites dans le pays où se trouve leur siège social — et non sur leurs ventes à l’étranger. De plus, elles peuvent transférer des profits dans leurs unités établies dans les pays où les taux d’imposition sont faibles. Au final, elles diminuent donc beaucoup leur charge fiscale. Cette problématique est exacerbée dans le cas des multinationales numériques, dont les ventes se font sur le Web, donc partout et nulle part à la fois. C’est pourquoi l’OCDE, gardienne du système fiscal mondial, travaille depuis 2012 à élaborer des solutions.
Quelles sont les options étudiées par l’OCDE ?
La première serait de permettre l’imposition sur la base de la destination des ventes. Ainsi, les pays pourraient imposer une multinationale — numérique ou pas — sur les ventes effectuées sur leur territoire, même si celle-ci est établie ailleurs. Autrement dit, l’imposition serait basée sur la localisation du consommateur, peu importe où il se trouve. L’autre avenue, qui réformerait complètement le système fiscal international, serait d’imposer le revenu mondial consolidé des multinationales, qui serait alors attribué aux divers pays selon une formule de répartition.
Quels défis viendraient avec la mise en place de ces réformes ?
On peut se demander quelle serait la coopération entre les pays, qui sont tous en concurrence pour engranger le plus de revenus fiscaux possible. Répartir des revenus d’imposition de multinationales de façon équitable entre des pays aux réalités économiques fort différentes ne serait pas non plus une mince tâche, mais ça vaut la peine d’explorer cette idée.
Cet article a été publié dans le numéro de novembre 2019 de L’actualité.
A-t-on envisagé de financer l’ONU avec ces impôts ?
À des problèmes mondiaux, des solutions mondiales… Quels seraient les principaux obstacles?
J’imagine que notre monde est encore trop divisé en pays et blocs économiques pour envisager une telle solution. Mais ne serait-ce pas la solution à long terme?