L’économie, le déficit, les militaires et les provinces : voici les quatre mots clefs du budget que présentera jeudi le ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty.
Contrairement à d’autres budgets, il n’y a guère de suspense. L’économie est au ralenti, mais c’est pire dans la plupart des pays industrialisés. Le déficit reste élevé, mais le Canada n’est aucunement menacé de perdre sa précieuse cote AAA. Tout semble sous contrôle et le gouvernement est très bon pour communiquer ce message aux marchés financiers internationaux. C’est un non-événement à quelques détails près.
La performance de l’économie canadienne est la pierre angulaire de l’exercice budgétaire. C’est mécanique : une croissance plus solide que prévu va générer des recettes plus élevées alors qu’une économie plus faible va remplir les coffres plus lentement.
Or, les prévisions des experts sont modestes pour 2013 avec le recul prévu du marché immobilier et des investissements dans les ressources. Chose certaine, la croissance économique n’assurera pas à elle seule l’élimination du déficit fédéral. Il faudra couper dans les dépenses pour passer d’un déficit prévu de 26 milliards de dollars pour l’exercice 2012-2013 à l’équilibre budgétaire en 2015-2016, juste à temps pour les prochaines élections. À Ottawa aussi, le déficit zéro est un impératif politique.
Et si l’économie se portait plus mal que prévu ? Ce scénario est plausible et la réponse gouvernementale est trouvée d’avance. Le gouvernement coupera alors un peu dans ses dépenses, réduira davantage le nombre de fonctionnaires et négociera farouchement avec les provinces. Tout sauf hausser les taxes ou les impôts, car c’est contraire à sa religion. Il pourrait toutefois mettre fin à quelques échappatoires fiscales qui profitent aux mieux nantis.
Où couper ?
Première cible : les contrats de la défense. C’est «la ville de Montréal» du gouvernement fédéral. C’est lourd, compliqué, pas gérable et ça coûte cher. Le pire de tous les mondes : des contrats publics de milliards de dollars sont accordés par un ministère (Travaux publics) pour les besoins d’un autre (Défense) à un nombre restreint de joueurs pour des appareils d’une technicité sans pareil et en constante évolution qui doivent être construits au Canada, à moins d’exception.
La construction de deux navires ? Il manque 2,6 milliards pour les construire. Les avions F-35 ? Des dépassements de coûts, des délais, des performances sous les attentes, un imbroglio international. Il semble que tous les grands projets d’équipement de l’armée canadienne tournent au vaudeville. Jim Flaherty en a assez de faire rire de lui et je parie pour de grandes coupes de ce côté.
Il faudra d’autres coupures. Les provinces paieront-elles une partie de l’addition ? C’est le mystère qui entoure ce budget.
Ce que l’on sait, c’est qu’Ottawa va déposer une refonte profonde des programmes de formation de la main-d’oeuvre. Le gouvernement fédéral trouve que les provinces utilisent mal les fonds fédéraux en offrant des programmes trop généraux qui ne répondent pas aux besoins de l’entreprise privée. Malgré les milliards dépensés, trop de postes restent vacants parce qu’on ne trouve pas de personnel qualifié. Ottawa veut donc récupérer un peu plus de la moitié des fonds pour les verser directement aux travailleurs à la recherche d’une qualification particulière. Les provinces n’aimeront pas ça.
Ottawa reconduira aussi son plan d’infrastructure d’environ 4,5 milliards par année. Les villes seront contentes.
Ce budget sera peut-être le dernier de Jim Flaherty. Il sera prudent, mais animé par deux grands objectifs : plus de déficit en 2015 et pas de hausse de taxes avant les élections du 19 octobre 2015.