Les budgets provincial et fédéral déposés le printemps dernier contenaient chacun des projections pour les déficits à venir dans les finances des deux ordres de gouvernement. À Québec, le ministre des Finances, Eric Girard, a estimé que son manque à gagner budgétaire serait de 4,6 milliards de dollars en 2022-2023, puis diminuerait pour finalement disparaître en 2027-2028. À Ottawa, son homologue Chrystia Freeland a prévu elle aussi une série de déficits décroissants. Ils passeraient de 43 milliards en 2022-2023 à 14 milliards en 2027-2028.
Les partis d’opposition dans les deux Parlements et la presse financière ont crié au scandale face à cette répétition de budgets à l’encre rouge. Ces réactions indignées relevaient parfois de la partisanerie, de l’idéologie ou d’un penchant médiatique pour la mauvaise nouvelle. Reconnaissons cependant que bien des gens sont honnêtement inquiets de voir les déficits budgétaires successifs accroître sans fin la dette publique. On a notamment à l’esprit les graves conséquences que l’emballement de la dette en Grèce a eues sur l’économie et l’emploi de ce pays depuis 2008. Et on peut être frustré de voir les gouvernements permettre à leurs dépenses d’excéder constamment leurs revenus, ce qui est interdit aux simples citoyens que nous sommes.
Sauf qu’avant de crier au loup, on doit savoir mesurer correctement le déficit d’un État. Il est essentiel que la différence calculée tienne compte de toutes les dépenses et de tous les revenus de l’année courante. Au Québec, pour arriver à ce déficit total, il faut procéder en deux étapes. Dans une première, on retient le déficit courant avant, et non après, la provision consacrée aux imprévus (comme une catastrophe naturelle), le versement destiné au Fonds des générations et l’utilisation de la réserve de stabilisation (qui sert à parer aux baisses de revenus inattendues), puisque aucun de ces trois éléments n’est une dépense. La provision pour éventualités est une épargne de précaution, le versement au Fonds est un placement, et l’utilisation de la réserve est reconnue comme un artifice comptable inutile. Dans une seconde étape, on ajoute aux dépenses courantes les dépenses en capital consacrées aux immobilisations. Le résultat de ces deux opérations est le déficit total, conforme à la définition employée par le Fonds monétaire international.
Le graphique de gauche montre que le déficit total du Québec ainsi calculé a été de 7,1 milliards de dollars en 2022-2023, puis qu’il doit diminuer graduellement jusqu’à 1,3 milliard en 2027-2028. Ces déficits doivent faire augmenter la dette de 206,8 milliards en mars 2023 à 227 milliards en mars 2028. La dette est dite nette parce qu’elle soustrait les actifs financiers, comme celui du Fonds des générations, du total des passifs.

Au niveau fédéral, l’application des mêmes principes comptables produit une suite de déficits qui diminuent de 48 milliards en 2022-2023 à 14,6 milliards en 2027-2028. La dette nette accumulée passe de cette façon de 1 291 milliards en mars 2023 à 1 433,4 milliards en mars 2028.
Une fois estimée la dette gouvernementale, il faut évaluer quel fardeau elle impose à la capacité réelle de la société de payer les intérêts et de rembourser, à l’échéance, les emprunts effectués. L’indicateur le plus répandu est le rapport entre la dette nette et le PIB potentiel. Celui-ci estime ce que l’économie peut produire lorsqu’elle fonctionne à plein régime, sans récession ni expansion débridée. Les deux graphiques présentent les rapports dette/PIB ainsi calculés à partir des projections de nos deux ministres des Finances pour les années 2022-2023 à 2027-2028.
Les chiffres ne mentent pas. On constate qu’à Québec comme à Ottawa, la dette nette engendrée par les déficits budgétaires annoncés baisse continuellement en proportion du PIB de mars 2023 à mars 2028, malgré tous ces déficits. La diminution est plus lente au départ parce que les deux ministres ont voulu soutenir l’économie pendant le ralentissement de 2023. On comprend que le rapport dette/PIB peut diminuer quand même, il suffit que ce déficit ne fasse pas augmenter la dette plus vite que le revenu de la nation (le PIB).
Il n’y a pas l’ombre d’un scandale budgétaire là.
Il faudra surveiller dans quelle mesure les budgets futurs confirmeront ces prévisions ou s’en écarteront, selon la conjoncture économique et les nouvelles mesures budgétaires qui seront adoptées en cours de route. Reste que cette suite de déficits budgétaires n’est rien pour texter à sa fille.
Cette chronique a été publiée dans le numéro de septembre 2023 de L’actualité.
N’oublions pas que le déficit public n’est jamais qu’une forme d’impôt différé.
Le déficit public dans la théorie keynésienne constitue une réponse pratique à la baisse de la demande sur le marché. Plutôt que d’avoir une baisse des revenus fiscaux – conséquence de cette baisse de la demande -, l’État emprunte des fonds pour maintenir ses services. En même temps, le déficit permet de ne pas augmenter les impôts, donne l’opportunité aux ménages de dépenser un peu plus d’argent (relance et effet multiplicateur) ou constituer des épargnes en vue de de dépenses futures.
Le déficit contribue à relancer l’économie, l’État est bénéficiaire de l’accroissement des revenus générés (hausse du PIB : voir graphique de monsieur Fortin), permet de faire face à tout le moins à la gestion de la dette, maintenir les services et éviter d’augmenter significativement les taux des impôts et des taxes.
Mais dans la pratique est-ce bien cela qui se produit ?
Actuellement, par le simple jeu de l’inflation, les collectivités locales (provinciales et fédérales) voient leurs revenus s’accroitre, elles ne devraient pas avoir théoriquement besoin de générer d’importants déficits publics, pourtant le déficit reste élevé et les sommes allouées ne répondent pas aux besoins croissants dans plusieurs domaines.
Encore maintenant, il n’y a malgré l’inflation et les taux d’intérêts élevés pas ou peu de fléchissement de la demande. Ainsi l’État est-il doublement gagnant pour ses entrées d’argent par la demande soutenue et par l’augmentation des prix.
Alors, je pense que nous pouvons humainement nous poser la question quant au bienfondé de produire des déficits, quand ces montants prélevés ne servent concrètement à rien. Le ratio dette-PIB n’en sera que plus encore décroissant si nous n’en produisions pas.
J’aimerais préciser que je ne suis absolument pas contre les déficits. Je souhaiterais seulement mieux comprendre à quoi ils servent réellement.
― N’oublions pas qu’un impôt différé, c’est ce que nous devrons faire payer aux générations futures pour qu’elles puissent encore fonctionner… ou dysfonctionner. Ce principe d’accroissement de la dette pratiquement sans fin est assez récent dans l’histoire de l’humanité. Il prend effet aux lendemains de la « Grande dépression » suite au crash boursier de 1929. Est-ce que ces conceptions seront encore d’actualité dans un siècle prochain ?
La problématique est le manque de structure, le bateau se laisse porter par les vagues, le vent sans avoir de but. En cours de route il fait des achats incompréhensibles, offre des subventions de milliards (non plus de millions et à des organismes parfois virtuels, ex. Unis).
L’opposition ne pose pas de questions, attend son tour….
Si les dépenses faisaient parti d’un plan, qu’il y avait une progression compréhensible, ce serait rassurant mais je ne vois pas où on s’en va.
Les chiffres ne mentent peut-être pas, mais quand on constate qu’ils émanent des ministres eux-mêmes, on nous permettra de douter de leur validité. D’autant plus que les sources historiques du PIB démontrent que c’est une mesure commandée par Roosevelt à ses fonctionnaires pour démontrer que tout n’était pas noir durant la Grande Crise. On se garde une petite gêne envers ce que les politiciens commandent à leur bureaucratie, et on jette un coup d’oeil vers ce qu’en pense le Directeur parlementaire du budget à Ottawa, par exemple. Un historique de la mesure dans laquelle ces prévisions budgétaires jovialistes résistent à l’analyse après-coup aurait été utile, également.
Pourquoi doit on faire payé nos enfants pour nos gâteries. Un gouvernement responsable pense a l’autre génération. Comme on le sait toutes le climat change de plus en plus ce qui veut dire que dans 20-30 ans l’autre génération vas dépensez beaucoup ,beaucoup pour contrer les changement climatique mais nous les politicien que nous avons élue et réélut nous leur laissons les grosse intérêts de notre dettes en plus. Les personnes qui appuis c’est gros déficit sur le dos de l’autre génération futur sont égoïstes et sans cœurs. Très facile de géré un pays si on se fou de l’autre génération.
Je pense que vous exagérez grandement. À qui les générations futures vont-elles payer la dette (si jamais elles la paie) ? Réponse elles vont la payer aux générations futures. Le problème sera alors que certains vont payer et que d’autres vont recevoir (ceux qui ont hérité des obligations d’épargne de leurs parents, à titre d’exemple). La situation sera alors la même que celle d’aujourd’hui : il y en a qui paient et donc qui reçoivent. Bref, le problème avec la dette publique vient du fait qu’elle est intra-générationnelle et non inter-générationnelle.