
La frontière terrestre vers les États-Unis est franchie chaque année à 47 millions de reprises par des Canadiens, et 15 millions de traversées sont effectuées par des Américains en sens inverse.
Comment désengorger la frontière ? En avion, le problème s’est estompé depuis que plusieurs aéroports permettent de passer les douanes avant de quitter le pays, comme la zone américaine de l’aéroport Trudeau. L’aéroport Jean-Lesage, à Québec, aura la sienne l’an prochain.
À la frontière terrestre, c’est plus complexe. Le programme Nexus, qui s’adresse tant aux voyageurs canadiens qu’américains, devait résoudre l’attente. Vous payez 50 dollars, l’Agence des services frontaliers fait une enquête sur vous, et si vous vous en tirez bien, vous pourrez partir plus rapidement… en échange de vos données biométriques, comme la reconnaissance de l’iris. Mais l’attrait pour Nexus a vite plafonné.
Ottawa veut donc s’inspirer du système de prédédouanement des aéroports. Un projet-pilote sera mis en place dans les gares ferroviaires de Vancouver et de Montréal et devrait être élargi aux gares d’autocars, puis aux autoroutes.
C’est ici que ça devient plus complexe. Être «dédouané» avant d’arriver à la frontière n’est pas une mince tâche. Et si des mesures plus simples étaient envisagées ?
L’exemple à suivre ne vient pourtant pas de l’endroit le plus recommandable. La frontière entre Ciudad Juárez, au Mexique, et El Paso, aux États-Unis, est l’une des plus surveillées au monde. Elle est dépeinte dans le film Sicario, de Denis Villeneuve.
Le mur de barbelés, d’une longueur de 120 km avant le 11 septembre, en fait maintenant plus d’un millier. De quoi faire rêver Donald Trump. Le nombre de gardes est passé de 8 000 à 20 000, en plus de l’installation de capteurs de toutes sortes. L’objectif est évidemment de combattre le trafic de drogue à la frontière, qui a entraîné des milliers de morts au cours des dernières années.
Mais pour les 13 millions de voitures qui la traversent de façon légitime chaque année, l’attente devenait interminable, puisque contrairement aux gardes, le nombre d’agents frontaliers n’a pas changé. Idem pour les 865 000 camions de marchandises et les 7,1 millions de piétons.
Un projet-pilote a été instauré, le programme 560, financé par une hausse minime des péages autoroutiers dans la région. Des agents supplémentaires ont été embauchés pour une tâche simple : inspecter les véhicules pendant qu’ils poireautent en file. Et ainsi accélérer leur passage. Depuis, les temps d’attente ont baissé considérablement. Et ce n’est pas qu’une question de confort : chaque année, il passe par El Paso pour 90 milliards de dollars de biens.
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Selon une étude du Congrès, l’économie américaine perd 116 millions de dollars pour chaque minute de retard dans les couloirs d’inspection de la frontière sud. Ce qui représente des milliards de dollars et des milliers d’emplois.
Parce que chaque dollar investi est multiplié dans le commerce interfrontalier, il y aura lieu de songer à un programme 560 pour les points d’engorgement de la frontière canado-américaine. Il suffit de rappeler que 2,5 millions de camions de marchandises franchissent chaque année la frontière entre Détroit et Windsor.
Dans les aéroports américains, le nombre d’agents frontaliers est passé de 47 000 à environ 42 500 en trois ans. À l’inverse, le nombre de passagers a grimpé de 643 millions à 700 millions.
Pourquoi moins d’agents ? L’administration américaine espérait 25 millions d’adhérents à son programme PreCheck, qui englobe d’ailleurs Nexus. C’est un échec. À peine 9,3 millions d’Américains s’y sont inscrits.
Non seulement PreCheck coûte 85 dollars américains et n’est pas présent dans tous les aéroports, mais selon un récent sondage, le quart des voyageurs américains n’en ont jamais entendu parler !
Entre-temps, 6 800 clients d’American Airlines ont raté leur vol pendant la semaine de relâche de mars… pour cause de retard à la sécurité.