Et si les Québécois étaient imposés et taxés comme les autres Canadiens ?

Si le gouvernement du Québec appliquait la même structure fiscale que l’Alberta, ses revenus chuteraient de… 44 % !

Crédit : Feodora Chiosea / Getty Images / Montage L'actualité

Le Québec est l’une des provinces où le fardeau fiscal est le plus lourd au Canada. Ce n’est pas nouveau. Les taxes et l’impôt plus élevés permettent de financer des services que les autres Canadiens nous envient souvent, comme les services de garde abordables (lorsqu’il y a de la place dans le réseau !) ou un congé parental plus généreux. Mais à quel point l’écart est-il important entre le Québec et les autres provinces ?

Si le gouvernement du Québec prélevait le même montant annuellement auprès de ses citoyens que celui de l’Alberta ou de l’Ontario, à quoi rassembleraient les finances publiques ? De quelle somme se priverait le gouvernement ? Combien y en aurait-il de plus dans les poches des contribuables ?

Une nouvelle étude de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke répond à ces questions. Et les conclusions sont assez spectaculaires. Même moi, qui scrute la politique canadienne depuis 17 ans, je suis resté surpris.

Dans leur étude Comment se compare le fardeau fiscal des Québécois dans une perspective canadienne ?, Julie S. Gosselin et Luc Godbout ont analysé le fardeau fiscal des contribuables québécois comparativement à celui qui leur serait imposé si, au lieu de leur appliquer la structure d’impôts et de transferts aux particuliers en vigueur au Québec, ils avaient été soumis à celle des autres provinces canadiennes.

Les chercheurs ont calculé la ponction des gouvernements en matière d’impôt sur le revenu, de taxes à la consommation et de cotisations sociales — entre autres, la contribution au Régime de rentes du Québec. Ils ont également tenu compte des prestations versées par le gouvernement aux particuliers, comme les crédits d’impôt remboursables et les allocations familiales.

L’écart dans les prélèvements est gigantesque.

Par exemple, l’Alberta va chercher annuellement 28,8 milliards de dollars de moins dans les poches de ses contribuables que le Québec — 11,8 milliards de moins en impôt et 17 milliards de moins en taxes et cotisations ! C’est 20,8 milliards de moins pour la Colombie-Britannique, 15,8 milliards pour la Saskatchewan et 13,3 milliards pour notre voisin ontarien.

Impôt sur le revenu Taxes et cotisations sociales Écart total brut Crédits et allocations familiales Écart total net
Alberta 11 805 17 030 28 835 – 5 870 22 965
Colombie-Britannique 11 020 9 743 20 763 – 6 158 14 605
Saskatchewan 8 969 6 797 15 766 – 5 395 10 371
Ontario 9 058 4 277 13 335 – 3 120 10 215
Manitoba 1 216 8 106 9 322 – 3 203 6 119
Nouveau-Brunswick 3 349 3 101 6 450 – 4 116 2 334
Nouvelle-Écosse 452 3 533 3 985 – 5 753 – 1 768
Terre-Neuve-et-Labrador 2 407 481 2 888 – 5 337 – 2 449
Île-du-Prince-Édouard 1 370 1 127 2 497 – 6 077 – 3 580

En millions de dollars canadiens. (Source : calculs de Julie S. Gosselin et Luc Godbout à partir de données de la BD-MSPS v. 28.0)

L’écart avec l’Alberta est plus prononcé parce que la province pétrolière ne perçoit aucune taxe de vente sur son territoire : pas d’équivalent de la TVQ.

Luc Godbout n’a pas été surpris par la frugalité du gouvernement albertain, dont le faible taux d’imposition est bien connu, mais avoue avoir été étonné par l’écart avec la Colombie-Britannique. « Cette province passe un peu inaperçue, mais la différence avec le Québec est considérable », dit-il en entrevue.

Le gouvernement libéral de Jean Charest a choisi d’augmenter la TVQ lorsque le gouvernement Harper a baissé la TPS de deux points, il y a quelques années. Or, les autres provinces n’ont pas emboîté le pas au Québec pour combler cette différence, ce qui explique en partie l’écart important dans la colonne des taxes à la consommation — les taxes sur l’essence y sont aussi pour quelque chose. Les cotisations sociales sont également plus élevées d’environ 1,1 milliard de dollars par année au Québec par rapport aux autres provinces, en raison des prélèvements plus imposants du Régime de rentes du Québec et du Régime québécois d’assurance parentale.

Par contre, le Québec est plus généreux que toutes les autres provinces envers ses citoyens en matière de crédits d’impôt remboursables et d’allocations familiales. Cette largesse contribue à diminuer l’écart net avec le reste du Canada, mais ne l’élimine pas, loin de là, sauf pour trois provinces de l’Atlantique.

Cette redistribution plus abondante permet toutefois de réduire plus qu’ailleurs les inégalités sociales. « Ces crédits et les allocations familiales plus généreuses vont davantage aux ménages à plus faibles revenus, explique Julie S. Gosselin. Nous avons pris l’année 2019 comme référence pour faciliter la comparaison, mais si nous avions pris 2020, avec l’allocation familiale qui a encore été bonifiée au Québec, la différence sur ce plan avec les autres provinces aurait probablement été encore plus importante. »

Pris autrement, si le gouvernement du Québec appliquait la même structure fiscale que l’Alberta, ses revenus chuteraient de… 44 % ! Si Québec prélevait et redistribuait comme la Colombie-Britannique, cela représenterait 27,9 % moins de recettes dans ses coffres. À l’autre bout du spectre, si Québec agissait comme l’Île-du-Prince-Édouard, il engrangerait 6,8 % plus de revenus que présentement.

L’écart avec l’Ontario, province voisine en concurrence avec le Québec, demeure important à 19,5 %.

Depuis 10 ans, soit entre 2010 et 2019, l’écart entre le Québec et les autres provinces est à peu près stable, sauf avec la Colombie-Britannique, où il s’est agrandi.

Les auteurs de l’étude soulignent qu’il faut garder à l’esprit que le gouvernement du Québec ne pourrait offrir le même panier de services à sa population en percevant 44 % moins de revenus, comme c’est le cas en Alberta, par exemple. On a déjà mentionné les services de garde et les congés parentaux, mais on peut ajouter l’assurance médicaments, des droits de scolarité plus bas, des cycles de fertilité gratuits et ainsi de suite.

Il y a quelques années, j’ai eu un choc lors d’un séjour hivernal en Alberta. Les rues de Calgary et d’Edmonton, même très passantes, ne sont que peu déneigées ! Sans un bon quatre roues motrices (ce qui n’était pas mon cas), une balade sous une fine neige se transforme en aventure. Pas beaucoup de taxes et impôt, mais pas beaucoup de services non plus, m’a alors dit un ami qui vit là-bas. En effet. Question de choix.

« Il est difficile de concevoir une diminution du fardeau fiscal des ménages québécois tout en continuant de bénéficier de ce plus large panier de services publics », écrivent d’ailleurs Julie S. Gosselin et Luc Godbout dans la conclusion de leur étude. « Dans le contexte de la crise de la COVID et de ses répercussions sur les finances publiques, l’écart de fardeau fiscal existant explique peut-être en partie la réticence du gouvernement du Québec à accroître ses revenus. »

N’empêche que l’écart entre le Québec et certaines provinces est impressionnant. Fiscalement parlant, ce sont presque deux mondes parallèles. Il aurait été intéressant de comparer certains cas précis entre les territoires. Entre autres, calculer l’économie que pourrait représenter pour une famille de quatre ou pour un individu qui habite seul le fait de vivre en Alberta ou en Colombie-Britannique, plutôt qu’au Québec. Nous pourrions être surpris, puisque les familles de la classe moyenne, par exemple, sont bien traitées au Québec.

Cette comparaison sera pour un autre jour, me dit Luc Godbout, qui avec son équipe ne cesse d’étoffer ses analyses pour avoir le portrait le plus clair possible de la situation du Québec par rapport à ailleurs dans le monde.

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il y a aussi le fait qu’au Québec les gouvernements libéral et la CAQ ont largement aidé leurs amis avec des subventions et prêts sans garantie comme Bombardier et l’ancienne antité de Power-corporation de Desmarais
La Presse qui est maintenant financée par les contribuables mais appartient à un bon ami de Legault

C’est bien connu qu’au Québec tous les avantages coutent beaucoup plus cher. Par exemple les syndicats de la fonction publique, les villes, les fonctionnaires, la santé, l’école presque gratuit, les profs, etc. Tout ça coûte un bras a toute la population du Québec.

Le gouvernement péquiste n’est pas en reste pour avoir largement aidé leurs amis avec des subventions, entre autres, le Centre Vidéotron et la Cimenterie de Port Daniel.

Surprenant que ne fassiez aucune référence aux coùts pour se loger. Ce n’est pas un service public, quoique le contrôle des loyers locatifs soit en partie assumé par l’Etat. Mais c’est une dépense dont la comparaison est très importante si l’on fait référence comme vous le faites à ce qu’il reste dans la poche des Québécois après impôt!

Bien d’accord qu’une comparaison qui ne prend pas en compte les différences relatives au coût de la vie, comme le coût du logement, mais il en existe sûrement d’autres, ne fournit pas un portrait complet. Ce fait n’est pas souligné clairement dès le début de l’article, ce qui devrait être le cas, à mon avis.

Il faut effectivement avoir des scénarios pour prendre en compte toutes les variables. Le coût de la vie avec famille de 4, célibataire, etc.
Le coût d’électricité est beaucoup plus faible au QC, les assurances automobiles avec la SAAQ aussi, coût du logement plus faible, revenu au Québec plus faible. Sinon le portrait n’est pas complet et les comparaisons deviennent plus difficiles. Les prestations de services ne sont pas de même niveau également. Mais il reste néanmoins qu’il y’ a des améliorations importantes à faire des systèmes globaux du système étatique qui peuvent être améliorés pour pour augmenter l’efficience des services et diminuer les coûts pour le payeurs de taxes.

Je ne sais pas d’où vous tenez vos chiffres mais je viens de déménager de la CB au QC pour des raisons familiales et le coût de l’électricité est un peu moins élevé qu’en CB mais il faut dire que le climat là-bas faisait que je payais beaucoup moins pour ma facutre de BC Hydro. En contrepartie, le réseau est moins stable et les pannes d’électricité étaient férquentes. L’assurance automobile est moins chère en CB, en tout cas pour moi pour le même véhicule et si on ajoute le coût des permis de conduire et de l’immatriculation alors comme je suis un aîné et que là-bas on nous dorlotait, les coûts étaient beaucoup moindres qu’au QC. Le coût du logement en CB est moins cher qu’ici dans bien des régions et on ne peut limiter les comparaisons entre Vancouver et Montréal, la CB c’est plus gros que juste Vancouver. Quant aux services, ça dépend pour qui. Le déneigement dans le sud de la CB est atroce mais c’est surtout en raison du climat. Le QC dépense énormément pour les jeunes la CB moins. Mais, grosso modo, les services là-bas sont comparables mais coûtent beaucoup moins cher.

Vous passez vous silence le fait que l’allègement du fardeau fiscal de plusieurs autres provinces, dont l’Alberta et l’Ontario, est obtenu à l’aide d’importants déficits récurrents. Un jour ou l’autre, les contribuables de ces provinces devront passer à la caisse. Il est dommage que l’ ‘étude de Julie S. Gosselin et de Luc Godbout donne la perception que le Québec est mal géré.

Comme les Québécois sont passés à la Caisse quand le PLQ a assaini les finances publiques .. et la CAQ qui était bien contente de prendre le pouvoir avec des coffres bien garnis.

Comme je l’écris dans le message à M. Hallé, je viens de déménager de la CB où j’ai habité et travaillé ces dernières vingt années, au QC pour des raisons familiales. Le choc est brutal ici quand vient le temps de payer nos impôts et la marge a été énorme. Au QC les services sont axés sur les jeunes familles à peu près exclusivement mais ça ne justifie pas un tel écart. La CB par contre reconnaît la valeur des aînés et nous avions plusieurs avantages. Par exemple un permis de conduire pour un aîné coûtait 25 $ pour plusieurs années.

Quant à l’impôt foncier (les taxes municipales) les aînés ont des réductions substancielles qu’on ne retrouve pas ici. Par exemple, un compte de taxe de 2 500 $ pouvait tomber à 1 000 $ si on habitait la maison et étions en zone rurale. Il y a aussi des réductions sur les traversiers de BC Ferries pour les aînés résidents de la province. Quant au coût de la vie en général nous avons été très surpris de voir qu’il était à peu près équivalent ici car dans les années passées, quand nous venions au QC, nous remarquions que l’épicerie et les choses usuelles étaient alors moins chères qu’en CB. Les infrastructures routières sont moins développées en CB mais mieux entretenues en général. Par exemple, quand on a construit le nouveau pont Portmann à Vancouver pour le rendre à 10 voies + 2 voies de secours pour 2093 m de longueur sur le fleuve Fraser il y a quelques années, il a été complété dans le temps et inauguré un peu avant ce qui avait été prévu; on ne peut pas en dire autant du pont Samuel de Champlain…

Personnellement, je crois que les enveloppes brunes et les « bénéfices » que s’accordent les politiciens et leurs amis comptent pour beaucoup dans l’écart car il est si grand que les services ici ne peuvent le représenter seuls. Il faudrait faire le ménage dans les dépenses d’infrastructures, c’est peut-être là où le bât blesse le plus.

La question qui tue: « Comment un Québec séparé s’en serait-il sorti sans le soutien fédéral pendant la pandémie en cours??

La question qui tue: « Comment un Québec séparé s’en serait-il sorti sans le soutien fédéral pendant la pandémie en cours??

La réponse n’a rien de meurtrier et très simple. En supposant que le Québec ait eu sa propre monnaie et sa banque centrale comme le Canada, il aurait fait comme lui, en ayant recours au crédit avec l’aide de sa banque centrale.

La crédibilité d’une banque centrale met des années , parfois des décennies, avant d’être obtenue.
Elle est basée sur la confiance des agents économiques que la banque centrale saura faire face aux chocs économiques avec une politique monétaire appropriée.
Une banque centrale pour le Québec? On est loin de la coupe aux lèvres..

Avec une union monétaire, comme en Europe la banque centrale aurait simplement prêté au Quebec, comme la banque centrale européenne le fait pour les nombreux pays membres de l’union. Cette pratique monétaire se nomme « l’assouplissement quantitatif » et elle est nien connue des économistes.

La comparaison pour une famille de 4 ou un individu peut se faire par la charge fiscale nette. Luc Godbout et Suzanne St-Cerny ont démontré un avantage pour les familles à revunu moyen et en bas de la moyenne et un désavantage pour les personnes seules, notamment celle qui ont des revenus supérieurs à la moyenne.

Pauline Marois gagne son pari et remporte un gouvernement majoritaire en 2014.. En 2018 elle déclenche une élection référendaire et le « Oui » l’emporte.. Début 2020 une pandémie met à mal l’économie mondiale.
En pleine turbulence avec une Banque Nationale canadienne en décote qu’en aurait-il été de « l’assouplissement incitatif »?

Pour défendre les généreux programmes sociaux destinés aux familles, et les impôts élevés qui viennent avec, on nous dit souvent que l’impact sur l’économie est positif car ils augmentent le taux de participation des femmes au marché de l’emploi. Passons sur le fait que la démonstration est difficile à faire (est-ce le seul facteur qui explique ce taux?) mais je note que, au début des années 2000, lors de l’implantation de ces programmes, le Québec était légèrement sous la moyenne nationale quant au revenu disponible par habitant. Or, aujourd’hui, il est en queue de peloton avec l’Ile-du-Prince-Édouard. Par ailleurs, il faudrait se demander dans quelle mesure le fait d’avoir un taux d’impôt sur le revenu aussi élevé influence-t-il le faible nombre d’heures passées au travail et le fait de prendre sa retraite plus tôt qu’ailleurs. La légendaire joie de vivre des Québécois qu’on nous sert comme explication, c’est un peu réducteur et caricatural.

Est-ce que les chercheurs ont comparé le Québec avec l’Ontario ? Car comparer le Québec et l’Alberta est discutable. On peut plus aisément comparer les deux plus grosses provinces. 13% de moins de prélèvements fiscales, c’est déjà beaucoup!