Faillite : les hausses de taux d’intérêt font des victimes collatérales

Les stratégies macroéconomiques de la Banque du Canada restent sourdes et aveugles aux tragédies qu’elles provoquent chez des familles très prudentes financièrement malgré tout, mais juste victimes des mauvaises circonstances.

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«Ne réponds pas ! » Je me souviens encore du reproche teinté d’effroi quand j’ai décroché le téléphone. Ma mère m’avait pourtant dit de laisser sonner si on appelait. Mais dans ma tête d’enfant de cinq ans, répondre était un jeu.

Mes parents étaient en processus de faillite. Ils se doutaient que c’étaient les créanciers qui appelaient, et ne voulaient pas à nouveau affronter les menaces, les sommations, les accusations.

C’était le milieu des années 1980 et la récession des années précédentes avait fait mal aux commerces comme celui de mes parents. Quelques mois plus tard, nous quittions la maison pour un appartement plus modeste. Nous nous embarquions pour des années de privation. Et de honte : aux yeux d’une grande partie de la société, on ne vaut que ce qu’on a. La misère financière allait enchaîner ma mère pour le reste de sa vie.

En cette année 2023, par la faute de l’inflation, des hausses répétitives des taux d’intérêt et d’une probable récession, des milliers de familles vivront la même chose. Les syndics prévoient une augmentation des faillites au cours des mois à venir. Déjà en novembre dernier, le Bureau du surintendant des faillites du Canada mentionnait que le nombre de dossiers d’insolvabilité avait augmenté de 16,3 % par rapport au même mois l’année précédente chez les consommateurs, et de 58,3 % chez les entreprises.

Les données sur l’endettement sont angoissantes : la dette des ménages en proportion du revenu disponible atteignait 181,7 % l’an passé, selon Statistique Canada. En d’autres termes, les Canadiens doivent en moyenne 1,82 $ pour chaque dollar qu’ils gagnent.

En décembre, l’agence Equifax évaluait la dette hors hypothèque moyenne à 21 183 $, soit le niveau le plus élevé depuis le printemps 2020. De fait, cet endettement a augmenté sensiblement à la même vitesse que l’inflation.

Puis, le mois dernier, le cabinet comptable MNP rapportait que 45 % des Canadiens se retrouvent avec moins de 200 $ dans leur compte à la fin du mois, flirtant avec l’insolvabilité. Le quart des habitants (26 %) ne paient que le minimum sur le solde de leur carte de crédit.

Les décisions de la Banque du Canada viennent assombrir davantage le tableau. La plus récente hausse des taux d’intérêt, qui se fera sentir autant dans les paiements hypothécaires des propriétaires que dans les loyers des locataires, rend la possible récession plutôt probable.

Néanmoins, l’économiste principal de la Banque Nationale, Stéfane Marion, ne croit pas que toute cette souffrance appréhendée soit nécessaire, puisque l’inflation s’apaise déjà.

« On essaie d’équilibrer les risques », disait en octobre le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem. « On ne veut pas trop augmenter les taux d’intérêt et trop ralentir l’économie. Mais il n’y a pas de manière facile de restaurer la stabilité des prix. »

Les principes sont clairs, mais une telle analyse macro de l’économie ignore la violence de ses effets. Elle expose aussi le besoin de revoir le mandat de la Banque du Canada. La banque centrale se borne à viser une fourchette d’inflation — quitte à précipiter un pays en récession. Son objectif secondaire, un niveau d’emploi durable maximal, est largement mis de côté.

Personnellement, la faillite de mes parents a profondément influencé ma relation avec l’argent. Il faut avoir connu la dèche pour comprendre comment la peur de l’endettement peut nous tétaniser.

J’ai commencé à travailler dès 15 ans, souvent à temps plein malgré l’école. J’ai épargné. Le cégep et l’université, c’est moi qui les ai payés. J’ai acheté ma première voiture, essentielle pour le travail… par Interac. Mes amis disaient que j’étais un écureuil.

Dès que j’ai compris un peu le principe, je me suis mis à investir — d’abord dans des produits financiers garantis. Pas dans l’espoir de devenir riche, je n’ai jamais eu cette ambition. Mais pour être en sécurité advenant une catastrophe.

J’ai acheté ma première maison très tôt pour être sûr d’avoir un toit au-dessus de la tête. Toujours, me mettre en sécurité. J’avais un peu la fierté de me construire un petit patrimoine en dépit de l’historique familial.

J’ai travaillé partout, tout le temps, parce que la terreur de me retrouver sans le sou n’a jamais disparu. Ce qui m’a parfois mené à accepter des postes pour les avantages financiers plutôt que de tenter des avenues passionnantes, mais plus risquées. Je n’aurais jamais eu les nerfs pour être entrepreneur.

Au final, j’ai apprivoisé ma hantise, mais elle reste tapie. C’est dire comment l’économie, vue comme lointaine et théorique, peut nous fabriquer et nous soumettre.

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Pauvre petit pit. De 80 à 84 ce fut la catastrophe totale. Les usines fermaient à « tour de bras », les GV – y compris du Québec – étaient dans les dettes par « dessus la tête », le secteur primaire – mines, aciéries, foresteries – fermaient leurs productions et même des villes entières (Scheffervile, Gagnon, Murdochville, etc.). Des villes autrefois très prospères comme Sept-Îles, Shawinigan, Trois-Rivières, etc. perdaient plus de 25% de leur population… Des quartiers entiers étaient rasés à Shawinigan, Grand-mère, etc. – C’était libre court aux « pépines en folies »… Et furieuses les folies.
Pour mettre l’odieux encore plus odieux, le GV-F a changé les règles de l’assurance-chômage pour rendre plus difficile d’en obtenir, abaisser les temps-semaines de prestations tout en faisant son contraire pour en obtenir. Le GV-Q fit de même pour l’obtention des prestations de dernier recours (le BS)… Les bureaucrates du BS y étaient très très pointillés… Même la construction était pratiquement « morte », et de nouvelles règles d’avoir fait 900 heures l’année d’avant étaient obligatoire (les heures) pour conserver sa carte de qualification…
Et vous osez faire des pleures sur votre nombril.

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Je trouve votre commentaire inapproprié. Ce n’est pas parce que d’autres ont vécu pire que les difficultés de l’auteur et de sa famille ne sont pas réelles.

Je comprends l’utilité de cette comparaison avec les années ’80 pour illustrer vos propos et la détresse que peuvent ressentir les gens maintenant à risque à cause de la hausse des taux d’intérêt, mais la conjoncture est loin d’être la même.

Oui, il y a les problèmes d’offre et de chaîne d’approvisionnement, mais depuis plus d’une dizaine d’années les gens se sont habitués à avoir le beurre et l’argent du beurre en tirant avantage des taux d’intérêt maintenus au plancher. Le crédit facile et le sentiment de sécurité financière dans une économie en constante croissance a poussé les gens à vivre au-dessus de leur moyen réel.

La Banque du Canada fait, en effet, un travail discutable et son mandat devrait effectivement être révisé, à l’instar de ce que d’autres pays on fait. Elle est en mode réactionnaire puisqu’elle n’a pas su voir apparaître les indices qui nous ont menés à ce qu’on vit en ce moment, l’obligeant à agir d’une manière qui nous semble démesurée dans un court laps de temps. Mais il fallait tout de même calmer le jeu et freiner la demande causée par l’accès facile au crédit.

Je souhaite sincèrement que tous ces gens qui sont maintenant en difficulté financière puisse s’en sortir et comprendre ce qui les a menés au bord de la tragédie afin que leur histoire ne se répète pas. Peut-être faudrait-il aussi parler plus souvent de ces tristes histoires et apprendre de celles-ci afin que d’autres n’aient pas à apprendre « à la dure » et puisse mieux planifier les imprévus.

Parce que si la hausse des taux d’intérêt et l’incohérence des actions du gouvernement face à notre situation financière sont frustrantes, il reste que c’est hors de notre contrôle. Nous n’avons de contrôle que sur nos propres dépenses et comportements. Penser et agir en prévision des mauvaises surprises que la vie nous réserve est notre seule garantie pour nous éviter l’insécurité financière.

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Lorsque Monsieur Trudeau dépensait sans compté et a faite un déficit de 360 milliard juste en 2021 les économistes disaient que attention l’inflation vas être gros dans quelques année. La moyenne mondiale par pays du G-7 durant la pandémie était de 7-8 % du PIB en cout. Monsieur Trudeau a dépensé 19% du Pib au Canada. Il s’est servit de la pandémie au début pour acheter des votes mais heureusement plusieurs on vue sont jeu et ça pas fonctionné pour ses élection durant la pandémie qui ont servit a rien sauf une autre dépense p.c.q. sont mandat était supposer finir en 2024.
C’EST L’HISTOIRE QUI SE REPETE durant les Année Pierre Eliot Trudeau qui dépensait sans compté l’inflation dans les année 1979 a 1983 étaient catastrophique. dans les 12-13% par année. sans compté les taux d’intérêts très élevé au environ de 18-20 % pour asseyez de baisser l’inflation. Trudeau père avait faites la mêmes chose que sont fils s’associer a un partit de extrême gauche pour rester au pouvoir.
Un gouvernement responsable pensent a plus tard pour le pays et l’ensembles de la population et non pas a lui mêmes pour rester au pouvoir. C’est facile gouverné quand on se fou du futur.
On nous dit que s’est la faute de le guerre en Ukraine pour faire détourné l’attention ailleurs. Le Canada a son pétrole et son blé. Est ce que le Canada importe tant de milliard de l’Ukraine?
Des guerres il y en as tout le temps eu. Avant Ukraine il y a eu L’Afghanistan, Syrie, Irak,.. juste depuis les 20 dernières année.

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