Faut-il avoir peur des militants milliardaires?

Selon l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques, les attaques d’activistes menées contre des entreprises cotées en Bourse sont passées de 27 en 2000, à 320 en 2014.

(Photo: AP/Richard Drew)
L’investisseur activiste Bill Ackman (Photo: AP/Richard Drew)

Hors des milieux économiques, le nom de Bill Ackman ne dit généralement pas grand-chose. Pourtant, l’homme d’affaires américain, qui vient de débarquer au conseil d’administration de la pharmaceutique québécoise Valeant, est derrière plusieurs transactions importantes.

En 2012, il avait orchestré un coup de force au conseil d’administration du Canadien Pacifique pour déloger le PDG et réorienter la stratégie du CP vers le transport de pétrole. La valeur de l’action avait quadruplé par la suite.

Deux ans plus tard, le fonds d’investissement dirigé par Ackman, Pershing Square, a participé au rachat de Tim Hortons par Burger King, et à la manoeuvre d’évitement fiscal qui a suivi. Le siège social de la nouvelle entité a été transféré au Canada pour économiser des dizaines de millions de dollars en impôts.

Ackman fait partie de ce qu’on appelle les investisseurs activistes. Il s’agit d’investisseurs qui acquièrent les actions d’une entreprise, avant de forcer des changements, par exemple en s’attaquant à la composition du conseil d’administration ou de la direction.

Ils peuvent aussi mener une guerre de résolutions lors de l’assemblée des actionnaires. Le but reste le même: prendre le contrôle de l’entreprise, quitte à en miner le cours de l’action momentanément, pour éventuellement en propulser le rendement.

Dans bien des cas, l’objectif véritable est de rendre l’entreprise attrayante à un éventuel rachat. Les changements passent par une restructuration et des suppressions d’emplois. Pour ce faire, ces investisseurs ont nécessairement analysé en profondeur l’entreprise et la manière de la restructurer pour en tirer profit.

Une stratégie très payante, mais qui a aussi ses risques: Ackman a perdu sur papier un milliard de dollars dans l’effondrement boursier de Valeant, dont il détient 9 % des parts.

L’entreprise, qui a multiplié les acquisitions au cours des dernières années, est soupçonnée de manipulations comptables. Sous enquête, elle a annoncé des pertes de 336 millions de dollars américains au dernier trimestre, en plus de revoir ses prévisions à la baisse pour la publication de ses prochains résultats, qui se font attendre.

Voilà pourquoi l’arrivée d’Ackman au conseil d’administration, ainsi que de son vice-président chez Pershing, Steve Fraidin, est révélatrice. Déjà, il promet de jouer un rôle de premier plan pour trouver un remplaçant au PDG Michael Pearson, qui a démissionné après une absence de deux mois pour cause de maladie. Et d’influencer encore davantage les orientations de l’entreprise.

Accélération d’activisme à Wall Street

Outre Ackman, d’autres activistes ont fait les manchettes. Carl Icahn, par exemple, avait forcé eBay à se scinder en deux pour que PayPal, son service de paiement, entre en bourse. Il a aussi forcé Apple à verser des dividendes à ses actionnaires l’an dernier, ce qu’elle n’avait jamais fait.

En 2012, Dan Loeb, par l’entremise du fonds Third Point, avait organisé un putsch à la tête de Yahoo! pour y placer Marissa Mayer. Jeudi, c’était au tour du fonds Starboard Value de passer à l’offensive contre Yahoo!, en exigeant le remplacement de tout son conseil d’administration… y compris de Marissa Mayer.

Starboard avait aussi fait pression sur AOL, l’an dernier, pour qu’elle accepte d’être achetée par Verizon. Pendant ce temps, l’investisseur Nelson Peltz obtenait la tête de la PDG de DuPont après un conflit ouvert.

L’influence des investisseurs activistes, qui possèdent des centaines de milliards sur les marchés par le biais de leurs fonds, est en forte croissance.

Selon l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques, les attaques d’activistes menées contre des entreprises cotées en Bourse sont passées de 27 en 2000, à 320 en 2014. Des entreprises tentent de contrer leurs attaques, par exemple en limitant le droit de vote aux actionnaires qui détiennent leurs actions depuis au moins un an.

Inquiète, Wall Street prépare même un «code de bonne pratiques de gouvernance» pour contrer leurs coups de force, avec l’aide du patron de la banque JPMorgan Chase.

Il reste que l’attrait de l’activisme financier est palpable. Bon nombre des entrepreneurs vedettes de la relève sont passés par Pershing Squares et autres fonds d’investisssement du même type, selon les plus récents palmarès «30 de moins de 30 ans» du magazine Forbes.

Les principaux intéressés, eux, se présentent plutôt comme la voix oubliée des actionnaires dans les conseils d’administrations, habitués à la cooptation, qu’ils forcent à rendre des comptes au bénéfice de tous les actionnaires.

Il reste que l’objectif est avant tout mercantile. Au point où l’an dernier, le Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires (MÉDAC) a tenu à se dissocier de ces activistes, très loin du militantisme entrepreneurial dont il se réclame, estimant qu’il fallait «distinguer les dauphins des requins».

Le MÉDAC rappelait que ces activistes n’acquièrent généralement les actions d’une entreprise que sur une courte période, le temps que leur valeur grimpe et qu’ils puissent les revendre à profit.

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Quoique le fonds d’investissement spéculatif (hedge fund) Pershing Square Capital Management dirigé par monsieur Ackman se soit (sous toutes réserves) porté acquéreur d’un peu plus de 10% de la valeur de la nouvelles entité Tim Hortons-Burger King, il n’en reste pas moins que l’achat et le contrôle de ces compagnies a été piloté par le fonds d’investissement 3G Capital qui bat pavillon américain et brésilien.

D’ailleurs Pershing Square Capital Management reste extrêmement discret sur cette transaction et ce qu’il détient n’est à ma connaissance par vraiment d’ordre public pour le moment….

Rappelons pour mémoire que les « hedge funds » et autres « fonds vautours » qui spéculent sur les dettes, ont été partie prenante de la débâcle économique et boursière de 2008, laquelle n’est toujours pas entièrement résorbée.

Il n’en reste pas moins que dans ce holding, Tim Horton’s et Burger King restent deux entités distinctes cotées en bourse séparément et avec deux sièges séparés : l’un a Oakville (Ontario) et l’autre à Miami (Florida). Le fait que Tim Hortons soit passé sous contrôle de 3G Capital en 2014 après Burger King passé sous son contrôle en 2010 aura permis la création d’une nouvelle entité elle aussi distincte : « Restaurant Brands International » qui quant à elle est effectivement actuellement domiciliée à Oakville.

Cette entité a pour fin de développer les activités de Tim Hortons et de Burger King, tout comme d’autres marques de commerce à l’international (donc hors États-Unis et Canada). La stratégie de 3G Capital étant principalement axée sur des réseaux de marchands franchisés à hauteur de 95% de cette entité.

Selon le Globe and Mail, un des aspect qui était recherché dans ce rapprochement avec Tim Hortons ce n’était pas tant le fait de positionner un de ses « nouveaux sièges sociaux » au Canada mais plus de prendre le contrôle du siège social de Tim Hortons au Royaume-Unis qui représenterait pour les activités internationales du groupe un réel avantage fiscal.

Finalement on peut noter sur le sujet que ces montages servent essentiellement la stratégie globale de 3G Capital qui souhaite sur divers produits ciblés tels que Heinz ou AB Imbev (bière) ou Lojas Americanas (Blockbuster et Wal-Mart au Brésil notamment), prendre le contrôle du monde entier… tout bonnement.

— En résumé : Bill Ackman et quelques autres seraient si on comprend bien ce texte, l’équivalent dans la vraie vie de ce qu’est au cinéma Gordon Gekko dans les films emblématiques D’Oliver Stone : Wall Street & Wall Street 2. — « Greed is good », he said !

Comme quoi dans certains domaines, la réalité est somme toute très susceptible de dépasser la fiction. Et ma foi oui ! Cela peut faire peur quand on y regarde assez bien….

La cupidité est-elle directement proportionnelle à l’épaisseur du portefeuille?
Je n’ai pas l’habitude de souhaiter du mal à mon prochain, mais parfois… un bon cancer des testicules!!!