Fondation Lucie et André Chagnon

Un demi-milliard pour les jeunes !

La promotion de saines habitudes de vie ? Non seulement Donald Gingras y croit, mais il en est un modèle vivant. « À force d’en parler, j’ai perdu 30 livres ! » dit-il.

Directeur général du centre communautaire le Patro Laval, dans la Basse-Ville de Québec, Donald Gingras est également responsable d’un des 95 « regroupements » de Québec en forme, organisme sans but lucratif créé par la Fondation Lucie et André Chagnon. Depuis 2003, le Regroupement Basse-Ville – qui comprend notamment quatre écoles primaires et trois organismes communautaires du quartier Saint-Sauveur – a permis à des centaines de jeunes de ce secteur défavorisé de pratiquer différents sports et de se sensibiliser à l’alimentation santé.

« Les répercussions sont palpables, dit Donald Gingras. Bien sûr, les ados ne sont pas tous devenus sveltes du jour au lendemain et certains mangent encore de la poutine. Mais ils reçoivent quotidiennement des messages positifs sur l’importance d’acquérir de meilleures habitudes de vie. Et sont, du coup, plus motivés à l’école. »

Le « regroupement » est la structure de base établie par la Fondation Chagnon pour mettre en place ses actions concrètes, sur le terrain. Il rassemble différents organismes (écoles, garderies, CLSC, organismes communautaires…) qui travaillent suivant un plan d’action bien défini, ponctué par des évaluations régulières. En misant sur la prévention et le travail à long terme.

Aux yeux d’André Chagnon, 81 ans, qui préside toujours le conseil de sa fondation familiale, ce modèle est le plus efficace pour briser le cycle de la pauvreté – la mission première de la Fondation Chagnon. D’autant qu’il a convaincu le gouvernement
québécois de s’engager à ses côtés. En 2007, le Fonds pour la promotion des saines habitudes de vie a ainsi été créé par Québec ; il touche quelque 350 000 enfants de 0 à 17 ans grâce à des programmes comme « Mon école à pied, à vélo ! ». Le gouvernement s’apprête à lancer deux autres fonds qui permettront de déployer à une plus grande échelle les programmes lancés par la Fondation : l’un visant le développement global de l’enfant (de la conception à cinq ans), afin de favoriser son entrée à l’école, l’autre pour le soutien aux proches aidants des aînés. Un investissement total d’un milliard de dollars sur 10 ans (les fonds proviennent pour moitié du gouvernement, pour moitié de la Fondation), dont le quart ira à des campagnes nationales de promotion, le reste étant distribué aux regroupements actifs sur le terrain.

Une manne ? Pas de l’avis de tous. Dans les milieux communautaire et syndical, de plus en plus de voix s’élèvent contre ces « PPP sociaux » ou « partenariats publics-philanthropiques ». Réjean Parent, président de la Centrale des syndicats du Québec, déplore ainsi que le gouvernement « refile ses responsabilités au privé » et « préfère s’appuyer sur la générosité de mécènes milliardaires ». Quant au Conseil de la famille et de l’enfance, il émet de sérieuses réserves sur ce nouveau type de partenariat, s’inquiétant notamment du contrôle que le gouvernement pourra, ou non, y exercer.

L’aîné des fils Chagnon, Claude, 55 ans, président et chef de l’exploitation de la Fondation, est déçu par cette controverse. Il est toutefois convaincu que l’Assemblée nationale approuvera la création du nouveau fonds pour le développement des jeunes enfants cet automne. Et espère qu’il en ira rapidement de même du fonds pour les proches aidants des aînés. Selon lui, la nouvelle philanthropie engagée à la Chagnon a de beaux jours devant elle : « Le Québec n’en est qu’à ses débuts en la matière. Mais le temps où les fondations se contentaient de recevoir des demandes et de signer des chèques est révolu. »