Décidément, le bitcoin, poussé par la flambée de sa valeur en début d’année, jouit d’un engouement comme jamais auparavant. En février, le constructeur automobile Tesla a annoncé son intention d’accepter cette cryptomonnaie comme moyen de paiement pour l’achat de ses véhicules, et s’est procuré pour 1,5 milliard de dollars américains de bitcoins. Et la Bourse de Toronto, toujours en février, a été la première dans le monde à inscrire un fonds d’investissement fondé sur le bitcoin, Purpose Investments. La banque américaine JPMorgan Chase a par ailleurs, dans une note, suggéré aux investisseurs de placer jusqu’à 1 % de leur portefeuille dans les cryptomonnaies.
Cette sortie de l’ombre a cependant un important revers : elle ne fera qu’empirer le désastre environnemental qu’entraîne le bitcoin.
Le bitcoin est une merveille d’ingénierie logicielle : même sans entité qui le contrôle et sans serveur central pour surveiller les transactions, il est conçu de façon à ce que n’importe qui puisse le miner (ajouter de la puissance de calcul au réseau en échange de cryptomonnaie), pour assurer sa sécurité et son bon fonctionnement.
C’est là que réside la faille : plus le bitcoin gagne en popularité, plus le minage devient complexe et plus la cryptomonnaie consomme de l’énergie (ce qui amène beaucoup d’entreprises de minage à tenter de s’établir chez nous, afin de profiter de l’électricité verte et des tarifs préférentiels d’Hydro-Québec). Une seule transaction bitcoin requiert actuellement autant d’énergie que 700 000 transactions Visa, selon Digiconomist, un site qui analyse la consommation énergétique des cryptomonnaies. En 2021, le minage du bitcoin exigera autant d’énergie que la consommation annuelle de pays comme le Chili ou les Pays-Bas, d’après différentes estimations.
Les environnementalistes décrient le bitcoin depuis quelques années maintenant. Et à moins de remplacer toutes les centrales au charbon dans le monde par des sources d’énergies renouvelables, verdir cette cryptomonnaie sera impossible.
Il existe toutefois une autre option : adopter des cryptomonnaies moins énergivores. Certaines polluent en effet moins que le bitcoin, parce qu’elles utilisent un système de validation par « preuve d’enjeu » plutôt que par « preuve de travail ». Ce mécanisme n’est pas basé sur la puissance de calcul brute, mais sur le fait que la vérification des transactions est assurée par des participants de confiance.
En ce moment, il y a un peu plus de 300 cryptomonnaies avec système par preuve d’enjeu, dont la valeur atteint en tout 190 milliards de dollars (contre 1 075 milliards pour le bitcoin). La principale est le cardano, mais l’ethereum — la cryptomonnaie la plus importante après le bitcoin — a aussi entamé une transition, prévue depuis sa création, vers la preuve d’enjeu.
Au nom des investissements responsables, les institutions financières pourraient accepter seulement les cryptomonnaies « vertes », tout comme les entreprises qui les acceptent comme mode de paiement. Même chose pour celles qui adoptent la chaîne de blocs — la technologie à la base du bitcoin —, laquelle peut être utilisée dans la traçabilité des aliments, par exemple.
Les cryptomonnaies sont sans doute là pour de bon. Reste à choisir les bonnes.
Cet article a été publié dans le numéro de mai 2021 de L’actualité.
Félicitations pour un article qui devrait faire figure d’exemple en terme de vulgarisation ! Je le partage avec plaisir. Ça me donne (un peu) d’espoir face à cette horreur environnemental que sont les cryptomonnaies basés sur la preuve de travail dont nous n’avons absolument pas besoin. Et je ne parle de de l’évasion fiscale, des transactions louches, du blanchissement etc…