Il faut sauver le monde… si c’est rentable

Comment s’y retrouver entre ceux qui affirment que la transition verte aura un coût excessif, ceux qui prétendent qu’elle sera source de richesse, et ceux qui considèrent qu’elle aura un coût, mais que nous avons l’obligation morale de l’assumer ?

Des jeunes marchant durant la manifestation pour le climat à Montréal le 27 septembre 2019. Photo : Graham Hughes /Le Presse canadienne

Le 23 décembre dernier, alors que son pays était aux prises avec des feux de forêt catastrophiques, et accélérés par les changements climatiques, le premier ministre australien, Scott Morrison, a rejeté la demande de certains de ses concitoyens qui l’imploraient de réduire les exportations de charbon. « Nous n’allons pas nous engager à respecter des cibles de réduction irresponsables, qui coûteront des emplois et nuiront à notre économie », a-t-il déclaré.

Le premier ministre Morrison affirme ne pas douter de la réalité des changements climatiques. Le problème, c’est qu’on lui demande de poser des gestes qui coûtent cher.

Ailleurs dans le monde, incluant au Québec et au Canada, on trouve des gouvernements et des groupes qui tiennent un discours contraire, qu’on pourrait résumer par « L’économie verte, c’est payant ! » Cette proposition est simultanément opposée et identique à celle de Scott Morrison. Opposée parce que, plutôt que de présenter la transition verte comme coûteuse, on la présente comme source de profit. Identique parce que, dans les deux cas, on justifie le changement (ou non) en fonction d’un critère d’enrichissement économique.

Il existe également une autre voie. Celle-ci a été bien résumée dans un texte de Stephen Jarislowsky, grand investisseur à la retraite, paru la semaine dernière dans The Gazette. Pour lui, la transition écologique de notre époque relève avant tout de l’impératif moral. Nos actions — et celles des gouvernements, surtout — devraient faire fi des lobbys et du racolage électoraliste, et se fonder sur une vision éthique. Il faudra faire des « sacrifices » et modifier nos habitudes. Jarislowsky n’est pas le seul investisseur à tenir un tel discours, qui le rapproche davantage de Greta Thunberg que des politiciens et gens d’affaires qui prônent l’enrichissement vert.

Comment s’y retrouver entre ceux qui affirment que la transition verte aura un coût excessif, ceux qui prétendent qu’elle sera source de richesse, et ceux qui considèrent qu’elle aura un coût, mais que nous avons l’obligation morale de l’assumer ?

Les trois positions ne sont pas toujours mutuellement exclusives. Toutes les juridictions et toutes les entreprises ne sont pas égales devant la transition climatique : certaines sont mieux placées que d’autres pour tirer leur épingle du jeu. Il est donc possible que des évolutions soient payantes pour certains et coûteuses pour d’autres.

Le Québec, avec son hydroélectricité abondante, est ainsi bien positionné pour « s’enrichir » dans le contexte d’une transition où la demande d’énergie propre dépassera celle des énergies fossiles. La réalité est évidemment différente en Alberta et en Australie. La même logique vaut pour l’investissement privé : au cours des dernières années, certains actionnaires d’entreprises d’énergie solaire ont obtenu d’excellents résultats alors que les propriétaires de compagnies pétrolières faisaient du surplace.

Dans la transition vers une économie sobre en carbone, il y aura des gagnants et des perdants. Cela dit, en attendant que le découplage tant espéré se matérialise, la réduction de notre empreinte écologique risque d’impliquer plus de soustractions que d’additions : moins de voitures, moins d’avions, moins de croisières, moins de viande rouge, moins de développement immobilier, moins de consommation, et possiblement moins de croissance.

Une deuxième remarque concerne la nature même de « l’économie verte » dont tout le monde souhaite apparemment l’avènement. Dans les milieux économiques et politiques traditionnels, on insiste souvent sur le premier terme de l’expression : on cherche d’abord à encourager l’activité économique, quitte à tourner les coins ronds sur les aspects verts. Chez les militants écologistes, c’est parfois l’inverse : on cherche d’abord à préserver les écosystèmes naturels, quitte à escamoter les enjeux économiques.

Mais le véritable défi de « l’économie verte » consiste précisément à réconcilier ses deux composantes : modifier le système actuel pour qu’il respecte rigoureusement les limites de la planète, tout en structurant les échanges socioéconomiques de façon logique, équitable et efficace. Le résultat donnera peut-être un système fort différent de celui d’aujourd’hui. Même dans ce système alternatif, par contre, les entreprises (publiques, sociales ou privées) devront ordonner leurs activités pour éviter d’être déficitaires. En ce sens, il n’est pas faux de dire que l’économie verte sera « rentable », même si les paramètres de cette rentabilité pourront être différents de ceux existant à l’heure actuelle, et impliquer certains « sacrifices ».

Il est donc vrai qu’une économie sobre en carbone pourra présenter un potentiel d’enrichissement, parce que certains produits et services seront plus recherchés. Il est aussi vrai que, peu importe la forme qu’elle prendra, une future économie durable devra structurer les rapports économiques en fonction d’un critère de rentabilité.

On aurait toutefois tort de conditionner les changements systémiques nécessaires à la seule démonstration de leur avantage financier. Or c’est exactement ce que fait la rhétorique, répandue, voulant que les comportements écologiquement durables soient « plus profitables ».

Il faut comprendre qu’à partir du moment où on accepte d’assujettir la transition verte à un critère de profitabilité accrue, la logique économique devient déterminante. L’argument se résume alors à ceci : il faut sauver la planète, mais seulement si c’est plus payant que le statu quo. Si on parvient à démontrer que les pratiques durables engendrent plus de richesse, elles seront adoptées. Si toutefois la démonstration n’est pas suffisamment convaincante — et les sceptiques sont nombreux —, les changements ne se feront pas.

La perspective économique est évidemment très importante, ne serait-ce qu’en raison de son potentiel de capter l’attention et d’induire certains changements motivés par l’intérêt personnel. Cela dit, face à la tentation de conditionner les évolutions nécessaires à leur rentabilité, il faut rappeler que la « transformation socioéconomique » demandée par les scientifiques et l’ONU ne repose pas fondamentalement sur une logique d’enrichissement financier. Autrement dit, l’objectif essentiel ne consiste pas à améliorer le profil rendement-risque de nos investissements, mais bien à préserver les écosystèmes sur lesquels repose la civilisation telle que nous la connaissons. Il faudra procéder avec intelligence et pragmatisme, mais des « sacrifices » importants seront probablement de mise.

Les décideurs de notre époque — et les populations qui les appuient — sont ainsi placés devant un choix difficile : continuer de proposer une vision étroitement nationale et affairiste de leurs responsabilités, ou accepter de transcender leurs intérêts politiques et économiques immédiats, et travailler pour la suite du monde.

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Excellent article. Faire les bons choix ne doit pas être dans le but de s’enrichir!

Réjean Cloutier

Mais l’OCDE a déjà montré que le statu quo coûtera beaucoup plus que la transition.

Il s’agit de changer de cap ou prendre de l’altitude et non pas de décroissance. Le Titanic n’a pas changé de cap.

Seuls ceux qui profitent du statu quo et sont confortables avec l’idée qu’on peut s’enrichir au détriments des autres colportent l’idée de décroissance avec la transition et ils ont une armée de marchands de doute pour nous le rappeler dans les médias.

C’est un faux dilemme qui nous fait perdre du temps.

D’abord les énergies renouvelables sont parfaitement capables de suffire à toute la demande énergétique mondiale, pcq elles sont illimitées, GRATUITES et appartiennent à tout le monde.
Les plantes l’ont compris et utilisent 4 fois plus d’énergie que toute l’humanité entière, soyons plus brillant que les piments, quand même.
Le défi des énergies renouvelables est de gérer l’abondance et les surplus et non pas l’intermittence comme les marchands de doute aimeraient bien nous faire croire.

La difficulté de la transition est l’entrave que l’industrie du fossile met au travers de ceux qui ont les solutions du futur, soit par la désinformation colportée à coup de milliards par les Koch et la clique de marchands de doute et des média menteurs

Votre article revient souvent sur le mot ‘sacrifice’ mais que faudrait-il ‘sacrifier’ pour cesser de pourrir l’air qu’on respire, de cesser de contaminer l’eau qu’on boit, de cesser d’intoxiquer l’humus qui nourrit, de cesser la disparition de notre faune et flore?

Il y a tellement de dégâts qui ont été causés par cette économie de destruction basée sur le baril de pétrole que les sources de profits pour nous sortir de ce trou toxique sont illimités et tout le monde y gagne.

Pourquoi rappeler, avec un petit air paternaliste, aux entreprises vertes l’aspect de la rentabilité comme s’il y allait de soi que de ne pas se soucier de l’écologie était un gage de rentabilité?

Laissons tout simplement l’économie verte s’installer comme toute autre entreprise sans entrave avec les mêmes règles que celles qui profitent à l’économie sale.

Au lieu de se battre, pour éliminer le mal il ne s’agit que de faire le bien.

Mais l’OCDE a déjà montré que le statu quo coûtera beaucoup plus que la transition.

Il s’agit de changer de cap ou prendre de l’altitude et non pas de décroissance. Le Titanic n’a pas changé de cap.

Seuls ceux qui profitent du statu quo et sont confortables avec l’idée qu’on peut s’enrichir au détriments des autres colportent l’idée de décroissance avec la transition et ils ont une armée de marchands de doute pour nous le rappeler dans les médias.

C’est un faux dilemme qui nous fait perdre du temps.

D’abord les énergies renouvelables sont parfaitement capables de suffire à toute la demande énergétique mondiale, pcq elles sont illimitées, GRATUITES et appartiennent à tout le monde.
Les plantes l’ont compris et utilisent 4 fois plus d’énergie que toute l’humanité entière, soyons plus brillant que les piments, quand même.

Le défi des énergies renouvelables est de gérer l’abondance et les surplus et non pas l’intermittence comme les marchands de doute aimeraient bien nous faire croire.

La difficulté de la transition est l’entrave que l’industrie du fossile met au travers de ceux qui ont les solutions du futur, soit par la désinformation colportée à coup de milliards par les Koch et la clique de marchands de doute et des média menteurs

Votre article revient souvent sur le mot ‘sacrifice’ mais que faudrait-il ‘sacrifier’ pour cesser de pourrir l’air qu’on respire, de cesser de contaminer l’eau qu’on boit, de cesser d’intoxiquer l’humus qui nourrit, de cesser la disparition de notre faune et flore?

Il y a tellement de dégâts qui ont été causés par cette économie de destruction basée sur le baril de pétrole que les sources de profits pour sortir de ce trou toxique sont illimités et tout le monde y gagne.

Pourquoi rappeler, avec un petit air paternaliste, aux entreprises vertes l’aspect de la rentabilité comme s’il y allait de soi que de ne pas se soucier de l’écologie était un gage de rentabilité?

Laissons tout simplement l’économie verte s’installer comme toute autre entreprise sans entrave avec les mêmes règles que celles qui profitent à l’économie sale.

Au lieu de se battre, pour éliminer le mal il ne s’agit que de faire le bien.

Mais l’OCDE a déjà montré que le statu quo coûtera beaucoup plus que la transition.

Il s’agit de changer de cap ou prendre de l’altitude et non pas de décroissance. Le Titanic n’a pas changé de cap.

Seuls ceux qui profitent du statu quo et sont confortables avec l’idée qu’on peut s’enrichir au détriments des autres colportent l’idée de décroissance avec la transition et ils ont une armée de marchands de doute pour nous le rappeler dans les médias.

C’est un faux dilemme qui nous fait perdre du temps.

D’abord les énergies renouvelables sont parfaitement capables de suffire à toute la demande énergétique mondiale, pcq elles sont illimitées, GRATUITES et appartiennent à tout le monde.
Les plantes l’ont compris et utilisent 4 fois plus d’énergie que toute l’humanité entière, soyons plus brillant que les piments, quand même.

Le défi des énergies renouvelables est de gérer l’abondance et les surplus et non pas l’intermittence comme les marchands de doute aimeraient bien nous faire croire.

La difficulté de la transition est l’entrave que l’industrie du fossile met au travers de ceux qui ont les solutions du futur, soit par la désinformation colportée à coup de milliards par les Koch et la clique de marchands de doute et les média complices.

Votre article revient souvent sur le mot ‘sacrifice’ mais que faudrait-il ‘sacrifier’ pour cesser de pourrir l’air qu’on respire, de cesser de contaminer l’eau qu’on boit, de cesser d’intoxiquer l’humus qui nourrit, de cesser la disparition de notre faune et flore?

Il y a tellement de dégâts qui ont été causés par cette économie de destruction basée sur le baril de pétrole que les sources de profits pour sortir de ce trou toxique sont illimités et tout le monde y gagne.

Pourquoi rappeler, avec un petit air paternaliste, aux entreprises vertes l’aspect de la rentabilité comme s’il y allait de soi que de ne pas se soucier de l’écologie était un gage de rentabilité?

Laissons tout simplement l’économie verte s’installer comme toute autre entreprise sans entrave avec les mêmes règles que celles qui profitent à l’économie sale.

Au lieu de se battre, pour éliminer le mal il ne s’agit que de faire le bien.

Votre article M. J. Lussier semble à première vue respecter une diligence journalistique raisonnable, en projetant les deux côtés de la médaille, mais plus on s’enfonce dans votre texte, plus on se rend compte que ce sont les arguments de l’IAE et rien de l’IRENA.

« …dans la transition vers une économie sobre en carbone, il y aura des gagnants et des perdants… »
Mais c’est déjà le cas avec le statu quo, et en attendant seuls les initiés et les milliardaires du Texas se gavent de la pompe à fric.
Ce que la transition énergétique fera surgir c’est que tout le monde y gagnera pcq les énergies renouvelables sont gratuites, illimitées et appartiennent à tout le monde.

« …la réduction de notre empreinte écologique risque d’impliquer plus de soustractions que d’additions :,,, »
Non, ça c’est le crédo de la IAE (un repère de lobbyistes du pétrole peint en vert qui ne voit l’énergie qu’au travers le prisme du baril de pétrole) qui veut nous faire croire qu’on a pas le choix pour encore plusieurs décennies et ça fait bien leur affaire. La seule place que l’IEA laisse aux énergies renouvelables est celle que l’industrie du fossile veut bien lui céder, comme si c’était incontournable.

«…mais le véritable défi de « l’économie verte » consiste précisément à réconcilier ses deux composantes : modifier le système actuel pour qu’il respecte rigoureusement les limites de la planète, tout en structurant les échanges socioéconomiques de façon logique, équitable et efficace…»
Encore une fois l’IEA fair reposer le fardeau de la transition que sur le dos de l’économie verte, ce qui prouve encore une fois de plus que l’industrie du fossile est composé d’experts en irresponsabilité: ce n’est pas de notre faute si on détruit tout sur notre passage c’est l’économie qui est comme ça, comme si c’était une loi de la nature. Autrement dit, silence on tue.

«…une future économie durable devra structurer les rapports économiques en fonction d’un critère de rentabilité…. »
Pourquoi rappeler, avec un petit air paternaliste, aux entreprises vertes l’aspect de la rentabilité comme s’il y allait de soi que de ne pas se soucier de l’écologie était un gage de rentabilité?

«…Si on parvient à démontrer que les pratiques durables engendrent plus de richesse, elles seront adoptées… » 
Mais c’est déjà démontré et tout à été dit, mais quand on a des lobbyistes du pétrole qui nous gouvernent maintenant et bien il sont payés pour ne pas comprendre.
Il faudrait que nos politiciens portent des veste avec les commanditaires affichés pour qu’on sache qui les possèdent comme les sportifs.

«…mais des « sacrifices » importants…bla bla bla »
encore des sacrifices, pour qui?

« … mais des « sacrifices » importants seront probablement de mise. » (J. Lussier)

Sauf les États-Unis, les pays les plus pollueurs sont la Chine et l’Inde. Des pays qui cherchent à sortir de leur misère, et c’est à leurs habitants parmi les plus pauvres qu’on devrait demander des sacrifices ?

Ce n’est pas parce que certains veulent passer à une « économie verte » que le système capitaliste – dont le fondement est l’accumulation du capital (de la richesse) – va disparaître. L’auteur nous parle d’économie, mais c’est un sujet qu’il maîtrise mal.