
Lorsque l’autobus 80 s’arrête au coin de l’avenue du Parc et de la rue Sherbrooke le matin, une bonne dizaine d’usagers en descendent et entrent aussitôt au Pikolo. Le petit café indépendant au décor industriel est déjà bondé. Derrière le comptoir, les baristas préparent méticuleusement les espressos, les latte, mais aussi les cafés filtre, faits un à un.
Dans cet établissement « de la troisième vague » du café, la propriétaire, Marie-Ève Laroche, traite les grains torréfiés comme du grand vin. La jeune femme au bonnet de laine blanche pèse la quantité de café moulu et de liquide infusé, tout comme elle scrute la qualité de l’eau, puis la température lors de l’extraction.
Pendant la première vague, les consommateurs ne cherchaient que leur dose de caféine. Ils ont ensuite découvert les joies de l’espresso à l’italienne avec la deuxième. Aujourd’hui, pour les fins palais, les saveurs du nectar brun rappellent parfois le bleuet, l’écorce d’orange ou encore la fraise.
Depuis quelques années, des dizaines de commerces comme le Pikolo voient le jour à Montréal, mais aussi à Québec et en banlieue. En matière de caféine, ce n’est pourtant pas l’offre qui manque autour du petit estaminet. À deux pas, on trouve un Tim Hortons, un Starbucks, un Second Cup, un Presse Café, un Java U et un Café Dépôt. « Si j’ouvrais un nouveau café, je le ferais à côté d’un autre Starbucks, dit fièrement Marie-Ève Laroche. Ça me permet d’offrir un bien meilleur café au même prix que la concurrence. On a traversé une ère de standardisation et je remarque que les gens ont besoin d’authenticité et de chaleur. »
Il y a huit ans, suivant la vague venant de l’Ouest américain, Jean-François Leduc ouvrait Caffè in Gamba, premier établissement du genre à Montréal. Le jeune entrepreneur, dont la barbe est taillée avec la même finesse que celle avec laquelle il traite ses produits, est un vrai geek du café. Chaque année, il voyage pour rencontrer personnellement les fermiers qui produisent la plupart des grains qu’il propose, de la Bolivie jusqu’au Kenya. Il est aussi derrière Café Saint-Henri, premier microtorréfacteur de la troisième vague au Québec.
Jean-François Leduc possède maintenant quatre cafés à Montréal et il projette d’en ouvrir d’autres à Québec et à Gatineau. « Le modèle de Van Houtte ou de Second Cup a mal vieilli, croit-il. Ça ne rend plus justice à tout le plaisir qu’on peut avoir en dégustant un café. Je veux développer un modèle d’entreprise qui va rendre le café haut de gamme accessible au plus grand nombre. »
Cet ancien avocat en droit international espère élargir son réseau sans sacrifier la qualité ni son rapport avec les clients. « C’est un gros défi, dit le torréfacteur. Il me faut de quatre à six mois pour former un barista. Le café est encore plus complexe que le vin. Un grand bordeaux, tu l’ouvres et tu le dégustes. Un bon café, en plus de le torréfier, tu dois l’infuser. Ça multiplie les possibilités. »
Dans l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie, à deux pas de la Plaza Saint-Hubert, Philippe Beaudin, propriétaire du café Fixe, est l’un des nombreux caféinomanes qu’a contaminés Jean-François Leduc. « Je travaillais comme coursier à vélo et je m’arrêtais souvent chez in Gamba », dit-il en nettoyant sa grande machine italienne, qui vaut aussi cher qu’une voiture. « Je dépensais 200 dollars par mois en espressos. Quand j’ai ouvert mon café, c’était normal pour moi de servir les meilleurs produits. La “troisième vague”, c’est à la mode en ce moment, mais surtout, c’est bon ! Une fois que tu l’essaies, tu ne peux plus revenir en arrière. »
Simon, est-ce que cela fait longtemps que vous avez écrit votre article? Il y a quelques sources qui ont changé depuis…