La mémoire de l’industrie automobile

Isaac Instruments s’est rapidement imposé dans l’industrie automobile grâce à une technologie qui enregistre et traite en temps réel les informations relatives au comportement d’un véhicule et de son conducteur.

 

Photo: Christopher Furlong/Getty Images
Photo: Christopher Furlong/Getty Images

C’est la passion pour la course automobile qui a mené Jacques De Larochellière à créer en 1993 avec son ami d’enfance, David Brillon, une entreprise dont le chiffre d’affaires oscille maintenant entre «cinq et 10 millions» de dollars.

Au début des années 1990, Jacques De Larochellière partage ses temps libres entre la course automobile en karting et son atelier personnel. Ingénieur mécanique , il passe ses soirées et ses week-ends à peaufiner sa technologie.

Ce système de télémétrie doté de logiciels, d’enregistreurs, de capteurs et de modules de communication permet de recueillir et de traiter les données relatives au comportement d’un véhicule et de son conducteur. «Il y a 20 ans, personne n’avait encore intégré un instrument qui permettait de mesurer et d’enregistrer les accélérations, les freinages, les virages, voir les impacts», dit-il.

Les deux fondateurs baptisent leur entreprise du prénom du père de la mécanique classique: Isaac Newton. Il s’agit là d’un clin d’oeil à la formule mathématique mesurant l’accélération (F=ma) qu’a développé le célèbre physicien britannique.

La technologie de la jeune entreprise sert d’abord à recueillir et à traiter les données de véhicules de course en vue d’augmenter leurs performances. Le secteur se révèle rapidement limité. «Nous avons compris que les coureurs automobiles étaient en fait des »faux riches ». Dans l’histoire d’Isaac, 100% des mauvaises créances viennent de coureurs automobiles», confie-t-il.

Cinq ans après sa création, la petite entreprise de Chambly exécute donc un virage à 180 degrés. Elle change de nom – passant de Isaac Motorsports à Isaac Instruments – et réoriente ses activités vers l’évaluation des performances de véhicules routiers.

Après un premier contrat avec Hydro-Québec pour tester une vingtaine de véhicules électriques, Isaac cogne à la porte des grands constructeurs désireux d’évaluer la résistance de leurs produits. Comment un véhicule réagit sur des routes asphaltées ou de gravier, par exemple? Quelles pièces s’usent plus rapidement et pour quelles raisons? «Les manufacturiers veulent s’assurer que leurs véhicules répondent à certains standards avant d’entrer dans la phase de production à grande échelle», explique-t-il.

La stratégie rapporte. Les usines nord-américaines des plus grands noms de l’industrie – General Motors (GM), Ford, Chrysler, Honda, Toyota, John Deer et Caterpillar – se tournent vers sa technologie pour tester leurs prototypes et leurs véhicules de préproduction. Les manufacturiers peuvent ainsi améliorer la performance de leurs véhicules. «Ils récoltent plus d’informations que jamais en évaluant moins de véhicules qu’ils le faisaient auparavant», résume-t-il.

La crise et ses opportunités

En 2009, la crise ébranle les grands constructeurs automobiles. En Amérique du Nord, GM et Chrysler évitent la faillite de peu alors que la production mondiale de Toyota chute de 21%. «Les budgets de recherche et développement ont été parmi les premiers coupés», dit Jacques De Larochellière.

Le coup est difficile à encaisser pour l’entreprise, car les essais sur les prototypes et les nouveaux véhicules représentent alors jusqu’à 75% de ses revenus. «Ça s’est écrasé d’une façon spectaculaire. À l’automne 2008, j’avais trois soumissions sur mon bureau. En quelques semaines tout a changé. Mes clients m’ont appelé pour me dire: »On n’a plus une cenne et on a perdu la moitié de nos employés».

Parallèlement, des entreprises québécoises de transport et de distribution, comme Transport Robert et Transwest, appréhendent une forte diminution de leurs volumes d’affaires. . «Ils se sont dit: est-ce que nous devrons immobiliser des camions et congédier du monde ou nous ajuster pour devenir plus concurrentiels? Ils ont choisi la deuxième option», raconte Jacques De Lalarochellière.

Ces entreprises croient qu’Isaac leur permettra de rendre leurs flottes plus efficaces, améliorant la performance des camions et en identifiant les routes les plus rentables. «Entre le pire et le meilleur des conducteurs, les coûts varient de 30%», dit-il.

Isaac développe aussi les secteurs des transports de personnes et des véhicules d’urgence. Tous les autocars d’Orléans Express sont aujourd’hui munis d’un système et le nombre de compagnies d’autobus scolaires et de véhicules d’urgence qui s’y intéressent ne cesse de croître. «Dans le cas du transport de personnes, elles veulent s’assurer que leurs conducteurs respectent les vitesses dans les zones scolaires ou ne reculent jamais dans une cour d’école. Pour les véhicules d’urgence, c’est différent: le système est surtout utile pour reconstituer la séquence d’événements ayant mené à un accident.»

Cinq ans après avoir défriché ces nouveaux marchés, ils représentent déjà près de 75% de son chiffre d’affaires. «Ça a explosé! Notre chiffre d’affaires est cinq à six fois plus élevé aujourd’hui», indique Jacques De Larochelière. En 2012, les manufacturiers chinois et américains de véhicules ont représenté chacun 15% de notre chiffre d’affaires et presque 70% de nos revenus actuels proviennent des transporteurs québécois.» Après le Québec, Jacques De Larochelière songe maintenant à entrer sur le marché américain des transporteurs.

Isaac Instruments ne compte pas délaisser les essais de véhicules pour autant. «On reste collé là, parce que nous ne voulons pas laisser la place et ces connaissances à quelqu’un d’autre», dit Jacques De Larochellière. Les connaissances accumulées au fils des ans permettent à l’entreprise de garder une longueur d’avance sur ses concurrents.

Une position stratégique qui devrait assurer la pole position à Isaac Instruments, espère Jacques De Larochellière.