
« Il y a deux sujets chauds au Québec : le crucifix de l’Assemblée nationale et le pont Champlain. Je suggère que l’on prenne le crucifix et qu’on le mette sur le pont pour rassurer ses usagers. »
Voilà l’une des blagues racontées par Michael Sabia, PDG de la Caisse de dépôt et placement du Québec, le 29 janvier dernier, lors de la remise des Prix d’excellence Caisse de dépôt et placement du Québec — Bank of America Merrill Lynch en journalisme économique et financier.
Michael Sabia a des talents cachés d’humoriste, mais je soupçonne qu’il pense souvent au pont Champlain ces jours-ci. La décision du gouvernement fédéral de faire construire le nouveau pont en partenariat public-privé (PPP) crée en effet une occasion d’affaires en or pour la Caisse de dépôt.
La Caisse a investi plus de 6 milliards de dollars dans des chantiers d’infrastructures aux quatre coins du monde et elle aimerait bien trouver des projets intéressants au Québec, d’autant qu’elle compte augmenter les investissements de ce type à 10 milliards au cours des prochaines années. Elle a déjà investi 408 millions de dollars en 2011 dans les obligations émises par le consortium chargé de la construction du nouveau Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), placement qui lui procure un rendement annuel garanti de 6,7 % sur presque 40 ans. C’est du bonbon pour les cotisants, étant donné que le marché obligataire rapporte généralement peu et que le marché boursier est de plus en plus risqué.
Il n’y a pas que les gestionnaires de caisses de retraite qui aiment les PPP. L’endettement public et les sommes immenses qu’il faut consacrer à la réfection ou à la construction des infrastructures mettent davantage en lumière leurs vertus. « Mais le gouvernement doit faire la démonstration qu’il est dans l’intérêt public de fonctionner ainsi », insiste Vincent Joli-Cœur, vice-président du conseil d’administration de Banque Nationale Marchés financiers et membre du conseil d’administration de l’Institut pour le partenariat public-privé.
Les PPP ont mauvaise réputation au Québec, car on les a assimilés à une privatisation des services publics, à des coûts de construction plus élevés et, dans le cas des ponts et autoroutes, au péage pour les usagers. Vincent Joli-Cœur leur trouve beaucoup de qualités et veut rouvrir le débat sur leur pertinence. « Les PPP ne sont pas une panacée, mais ils sont performants dans le cas d’un projet complexe qui nécessite une expertise internationale et un entretien à long terme de l’ouvrage construit », dit-il.
Vincent Joli-Cœur donne pour exemple le gouvernement socialiste français, qui vient de conclure un contrat de PPP pour la construction d’un lien ferroviaire direct entre le centre de Paris et l’aéroport Charles-de-Gaulle. À Ottawa, on a attribué un contrat à prix fixe de 2,1 milliards de dollars à un consortium international pour la mise en place d’un train léger sur rail, ce qui comprend la construction d’un tunnel de trois kilomètres sous le centre-ville.
C’est avec cet exemple en tête qu’il tente d’intéresser Québec et les autorités municipales à un PPP pour le système léger sur rail prévu sur le nouveau pont ainsi que pour le projet de navette entre le centre-ville et l’aéroport Trudeau. « Le transport collectif et l’électrification des transports sont les priorités du gouvernement, et un contrat de PPP est la meilleure façon de les réaliser .»
Vincent Joli-Cœur croit que ces projets pourraient être financés en partie grâce au potentiel immobilier et commercial des gares. Le transporteur public serait l’exploitant du service, mais il pourrait céder des concessions à un promoteur chargé de mettre les terrains en valeur.
Voilà une autre affaire pouvant intéresser la Caisse de dépôt, qui détient l’un des 10 plus grands actifs immobiliers au monde et qui voue un vif intérêt aux projets de revitalisation et de densification urbaine. Et pourquoi pas un PPP avec la Caisse de dépôt… dans le rôle du secteur privé ?
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Le parachèvement de l’autoroute 30, au sud de Montréal — un contrat de PPP —, a été réalisé dans les coûts et délais prévus, et ce, malgré la construction de deux ponts (un sur le Saint-Laurent et l’autre sur la Voie maritime).
Je suis d’accord pour une utilisation sensée des PPP. Mais PPP n’est pas la seule question brûlante. C’est quand ,où et dans quel contexte il peut s’appliquer. Par exemple, dans le cas du pont Champlain, PPP est souhaitable avec péage pour décourager son utilisation et diminuer la pollution sauf, justement, pour l’aspect « train léger » qui devrait être financé par un financement public SANS PÉAGE, justement pour encourager son utilisation et faire un usage sensé des surplus d’électricité dont on ne sait quoi faire. À ne pas oublier le stationnement incitatif gratuit entièrement financé par le public!
Jacques Bédard