Comment expliquez-vous un tel engouement pour le service au volant ?
Ça répond aux attentes des gens. Ils veulent un accès facile et rapide aux produits. C’est justement ce que leur apportent le service au volant et la collecte en bordure de rue [la version « service au volant » du commerce de détail]. Et c’est payant pour les commerçants : aux États-Unis, la chaîne de grande distribution Target a noté que ses clients dépensaient jusqu’à 25 % de plus avec la collecte en bordure de rue qu’avec l’achat en ligne.
Au Canada, Starbucks est en train de fermer 300 cafés situés en centre-ville pour en créer d’autres en périphérie des villes, entièrement destinés au service au volant. Cette stratégie d’affaires est-elle forcément gagnante ?
Les cafés dotés d’un service au volant ont généré plus de la moitié des ventes nettes de Starbucks aux États-Unis lors du dernier trimestre, et les commandes en ligne — qui peuvent être récupérées en voiture —, le quart des transactions. Il est donc évident qu’il y a là un fort potentiel de croissance.
L’avenir appartient-il donc au service au volant ?
La pandémie a changé les choses de façon permanente, il n’y a pas de retour en arrière possible. Le service au volant existait bien avant et il existera après, mais il sera encore plus fort : 53 % des consommateurs nord-américains disent que la pandémie a changé leurs habitudes de consommation « pour de bon », et 40 % de ceux qui ont choisi le ramassage en magasin affirment vouloir continuer de privilégier cette option, selon une étude de la plateforme de commerce en ligne Shopify menée en juin.
Comment alors fidéliser sa clientèle si elle ne fait que passer en coup de vent ?
On n’a plus nécessairement besoin d’un espace physique pour nouer des liens avec ses clients et les cultiver. De nos jours, il convient d’utiliser tous les canaux de communication possibles pour avoir un bon contact avec chacun de ses clients et faire vivre sa marque. Je dirais même qu’il est devenu plus important d’intégrer subtilement sa marque à des communautés de consommateurs existantes que de chercher à déplacer ces communautés-là dans un lieu physique, celui de ses boutiques !
Alors, adieu le magasinage en centre-ville ?
Non. Si les grandes chaînes délaissent les centres-villes, ça laisse la place aux petits commerçants locaux. Par exemple, on peut imaginer l’apparition de nouveaux types de boutiques : des commerces éphémères créés le temps d’une opération de marketing en ligne, ou encore des magasins d’exposition sur rendez-vous permettant d’essayer des produits en toute sécurité.
Cet article a été publié dans le numéro d’avril 2021 de L’actualité.
Le hic, c’est que si les entreprises décident massivement de s’établir en périphérie et de se doter d’un service au volant, elles vont ainsi aggraver les problèmes posés par l’étalement urbain et la pollution automobile. Rien de très réjouissant, selon moi…