
Quelques mois à peine après son arrivée en poste, le 18 juin 2012, le patron du CRTC s’est opposé à l’achat, par BCE, des chaînes de radio et de télévision d’Astral, pour un coût de 3,38 milliards de dollars. « Cette transaction aurait donné un immense pouvoir commercial à l’une des plus grandes entreprises canadiennes de médias », a justifié Jean-Pierre Blais.
Dans un discours prononcé en novembre devant un auditoire du Centre pour la défense de l’intérêt public, le président du CRTC disait vouloir que les services de communications essentiels soient accessibles à tous, qu’ils soient offerts par une variété de fournisseurs pour que « règne une saine concurrence » et que les prix soient « raisonnables ». Et par consommateurs, il entend les particuliers, bien sûr, mais aussi les entreprises qui utilisent ces services.
Du côté des utilisateurs, on se réjouit. « Nous n’avons pas été si surpris que cela [NDLR : de la décision dans le dossier d’achat d’Astral], dit Sophy Lambert-Racine, de l’Union des consommateurs. Durant toute l’audience, on a senti un changement de ton, une plus grande écoute de la part du CRTC à l’égard des intérêts des consommateurs. »
Jean-Pierre Blais a été choisi par le bureau du premier ministre Harper, rappelle Richard Paradis, président du Groupe CIC et chargé de cours en politiques de communication à l’Université de Montréal. « Les conservateurs voulaient quelqu’un qui avait les mêmes préoccupations qu’eux à propos [des intérêts] des consommateurs », dit-il.
Richard Paradis a déjà travaillé au CRTC et il en connaît bien le nouveau président, qu’il a côtoyé au cours de sa carrière. « Avec lui, c’est une nouvelle ère qui s’amorce », assure-t-il.
Une des premières décisions de Jean-Pierre Blais aura été de créer un nouveau poste au CRTC, celui de dirigeant principal de la consommation. Il y a nommé Barbara Motzney, ancienne directrice générale pour la politique du droit d’auteur au fédéral, qui verra à ce que « les intérêts des consommateurs soient au cœur du processus décisionnel ».
Ces dernières décennies, note Marc-François Bernier, professeur de communication à l’Université d’Ottawa, le CRTC a avalisé presque sans condition tout ce que l’industrie proposait et qui servait ses intérêts commerciaux. On a ainsi assisté à l’achat de TVA par Québecor, de Citytv par Rogers et de CTV par BCE.
Le refus du premier projet BCE-Astral est-il le symptôme d’un réel changement de cap ? « C’est peut-être un premier indicateur, mais il faudra voir les prochaines décisions », dit Marc-François Bernier.
En février, des consultations publiques se tiennent dans le but d’établir un code de conduite pour les fournisseurs de services cellulaires, code qui verra notamment à rendre plus compréhensibles les contrats ou encore à prévenir les utilisateurs de l’ajout de frais lorsque leurs forfaits sont épuisés ou qu’ils sont en itinérance. Le CRTC devra aussi se pencher à nouveau sur le cas BCE-Astral, puisque BCE a déposé un projet de fusion amendé. Et il devra décider si Radio-Canada pourra vendre de la publicité à la radio pour compenser les coupes faites dans son budget par Ottawa. Pour Marc-François Bernier, ce sera un bon test. « Est-ce que le CRTC va prendre le parti des consommateurs, qui ne réclament pas le retour de la publicité à la radio, ou céder à la demande de la direction ? »
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En voyage à l’étranger, les Canadiens paient deux fois plus cher (2,68 $ US) pour envoyer une photo par message texte que la moyenne des pays de l’OCDE (1,34 $ US). Les Britanniques ne payaient que 34 ¢ US et les Américains 1,50 $ US, selon une étude de l’OCDE de 2011.