On dirait que les médias n’ont d’yeux que pour les difficultés, bien réelles, éprouvées par les femmes dans l’immédiat (discrimination, iniquité salariale, agressions, voire féminicides). Néanmoins, il est instructif de regarder au-delà et d’essayer de comprendre le bouleversement spectaculaire de leur condition depuis 100 ans. Ça peut aider à poser les bonnes questions pour l’avenir.
Le tableau ci-dessous fait ressortir les trois changements les plus marquants depuis 70 ans au Québec. Les familles ont moins d’enfants à élever et plus de grands-parents à soutenir, et les femmes sont maintenant omniprésentes sur le marché du travail. Les avancées scientifiques ont joué un rôle primordial dans cette triple révolution. La santé publique et la pilule contraceptive ont permis aux femmes de faire mieux correspondre le nombre d’enfants qu’elles ont au nombre qu’elles voulaient effectivement avoir. En moyenne, les jeunes femmes avaient 4,0 enfants au milieu du baby-boom, dans les années 1947-1960 ; depuis 40 ans, ça oscille autour de 1,6 enfant. L’hygiène, les antibiotiques et la médecine curative ont par ailleurs allongé la vie des grands-parents. En 1949, ceux qui atteignaient l’âge de 65 ans pouvaient envisager de vivre jusqu’à 79 ans ; aujourd’hui, ils se rendent en moyenne jusqu’à 87 ans.

L’intégration des femmes dans la population active est allée de pair avec la baisse de la natalité. Elle a été grandement favorisée par les changements technologiques. Dans les foyers, l’eau courante, les toilettes intérieures, le téléphone, la laveuse et la sécheuse, l’aspirateur, le réfrigérateur, la cuisinière, le lave-vaisselle, le four à micro-ondes et les plats surgelés ont considérablement allégé le travail domestique. Ils ont offert la possibilité d’un meilleur partage des tâches au sein du couple. Dans l’économie, l’expansion accélérée de l’industrie des services, où les cerveaux importent plus que les bras, a ouvert toute grande la porte à la main-d’œuvre féminine scolarisée. En 2019, parmi les 25 à 54 ans, 87 % des femmes participaient au marché du travail ; elles étaient seulement 22 %, soit quatre fois moins nombreuses, en 1949.
Les congés parentaux plus étendus et les garderies éducatives à tarif modique ont aidé à propulser le taux d’activité des femmes québécoises de 74 % il y a 25 ans à 87 % aujourd’hui. Ils ont aussi contribué à une hausse notable de leur salaire en inscrivant leur carrière dans la continuité. Ils les ont dégagées du cheminement tortueux d’autrefois, marqué par des ruptures d’emploi et des retards dans les promotions et les salaires après chaque nouvelle naissance. Mes collègues Marie Connolly, Marie Mélanie Fontaine et Catherine Haeck, de l’UQAM, ont estimé que la politique familiale du Québec avait pu effacer ainsi 80 % du recul salarial qui suivait anciennement une naissance. Cette évolution récente est d’une grande importance, parce qu’elle permet aux femmes d’envisager le lien qui les rattache à l’emploi comme étant porteur d’une vraie carrière et non d’un simple revenu d’appoint dans le foyer.
Il reste un dernier obstacle à franchir, sur lequel les chercheurs ont commencé à se pencher, soit l’inflexibilité de l’horaire de travail du conjoint. Des économistes comme la professeure Claudia Goldin, de l’Université Harvard, ont attiré l’attention sur le fait que nombre d’emplois sont plus payants lorsque le travail est long (de 8 h à 19 h !), mouvementé, imprévisible, et qu’il absorbe souvent des soirées et des fins de semaine entières. Or, ce sont surtout les hommes qui accaparent ces emplois à horaire variable. Ils assurent une permanence pour le bureau pendant que leurs conjointes font de même pour la garderie, l’école ou le CHSLD. Même si elles sont aussi scolarisées (et souvent plus) que leurs conjoints, elles doivent se contenter d’emplois à horaire fixe moins bien rémunérés qui leur permettent de rester disponibles pour leurs enfants et leurs parents. Cela peut aussi expliquer leur réticence à accepter des postes de cadre supérieure à horaire long et variable.
Le salaire horaire des femmes a crû plus rapidement que celui des hommes depuis 30 ans. Mais il est encore de 10 % à 15 % plus faible. Une partie de cet écart qui reste est sans doute attribuable aux horaires fixes et moins payants des femmes, qui empêchent la conciliation complète du travail et de la famille. Peut-être qu’en maintenant un plus grand nombre d’hommes plus souvent à la maison, l’expansion récente du télétravail va commencer à adoucir la contrainte. Ce serait au moins un début.
Cette chronique a été publiée dans le numéro de janvier-février 2022 de L’actualité.
Les déficiences du réseau des garderies constituent un obstacle important à l’arrivée et à la rétention des jeunes femmes sur le marché du travail. Nous le constatons ces jours-ci avec les grèves dans les CPE. Et il y a toujours un manque de places même quand tout « va bien ».
Les familles ont le choix : que l’un des parents reste à la maison, souvent la femme, ou vivre dans l’insécurité constante concernant la garderie. Les grands-parents n’habitent pas toujours à proximité et parfois, ils sont encore sur le marché du travail.
Il est urgent que le gouvernement complète le réseau et assure des salaires adéquats pour que les jeunes mères puissent s’y fier.
L’avancement social des femmes (émancipation, travail hors de la maison, équité, égalité, etc) est inversement proportionnel à la diminution de la population québécoise francophone. Tout une réussite. Au lieu d’encourager les femmes à faire des enfants par des programmes valorisants et attrayants, on a choisi de les sortir, non pas de la maison, mais de leur mission première qui est de faire des enfants en nombre suffisant pour assurer la survie de l’espèce (i.e. plus de 2 enfants). Les féministes pures et dures vont me traiter de phallocrate, misogyne et tous ces beaux qualificatifs, je m’en foute, mais elles ne peuvent nier le fait que ce ne sont pas les hommes qui sont faits pour enfanter. Même les LGBT n’y peuvent rien.
Il doit certainement y avoir un moyen d’assurer les deux situations; la croissance de l’espèce et l’indépendance matérielle des femmes.
Ne pas vouloir revenir en arrière de façon intelligente est une condamnation à notre disparition en tant que peuple et à notre remplacement par autre chose qui ne sera certainement pas mieux. On s’en reparlera en ¨anglais ou en arabe¨ dans trente ou quarante ans.