Le « moment Minsky » de Chrystia Freeland

Si la ministre des Finances du Canada n’agit pas dès maintenant, la crise climatique aura de graves conséquences sur la stabilité du système financier du pays. L’autoréglementation de ce secteur, qu’elle privilégie, est une avenue perdante, dit notre collaboratrice Caroline Brouillette.

Patrick Doyle / La Presse Canadienne / rawpixel / Freepik / montage : L’actualité

L’auteure est directrice des politiques nationales du Réseau action climat Canada.

En économie, on appelle un « moment Minsky » le point de bascule où la spéculation atteint un niveau insoutenable, entraînant un effondrement rapide du marché. C’est le moment où les attentes des investisseurs s’ajustent soudainement, provoquant des ventes d’actifs en catastrophe, une réévaluation généralisée du risque et donc des coûts d’emprunt plus élevés. En d’autres mots, c’est le moment où les bulles financières éclatent.

Il y a 10 ans, l’équipe de Carbon Tracker — un groupe de réflexion financier indépendant — a publié un rapport précurseur qui énonçait pour la première fois le concept de « bulle du carbone ». Cette expression — à ne pas confondre avec la bourse du carbone — désigne l’excédent de réserves d’énergies fossiles détenu par les entreprises pétrolières et gazières, que celles-ci ne pourront pas utiliser en raison des cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre. 

Les sociétés propriétaires de ces réserves, et leurs actionnaires, se retrouveront ainsi avec des actifs surévalués. Les attentes quant aux revenus à tirer dans l’avenir de ces actifs s’évaporeront lorsque les États adopteront des politiques adaptées aux objectifs de l’Accord de Paris. Une vente précipitée de ces actifs comporterait un risque accru qui pourrait mener à une déstabilisation des marchés financiers mondiaux.

Carbon Tracker a mis à jour ce rapport récemment : ce sont maintenant plus de 1 000 milliards de dollars américains d’actifs pétroliers et gaziers qui pourraient perdre toute valeur en raison de l’action politique pour limiter la hausse de la température à 1,5 °C et de l’augmentation des sources d’énergie de substitution. Près de 600 milliards de ces actifs sont listés par des entreprises cotées en Bourse, et concentrés dans les centres financiers de New York, Moscou, Londres et… Toronto.

Effectivement, les banques canadiennes sont fortement exposées à cette bulle du carbone : la Banque Royale et la Banque Scotia sont parmi les 10 institutions financières qui détiennent le plus d’actifs fossiles au monde, alors que TD, la Banque de Montréal et la CIBC se retrouvent dans les 20 premiers rangs. En 2020, elles ont collectivement augmenté de 70 % leur financement fossile, par l’entremise de prêts, de souscriptions ou d’investissements dans des entreprises du secteur et des projets d’infrastructures pétrolières ou gazières, gonflant ainsi la bulle du carbone. 

Depuis la signature de l’Accord de Paris, les banques canadiennes ont prêté 694 milliards de dollars canadiens et investi 125 milliards — des sommes alarmantes — dans le charbon, le pétrole et le gaz. En contraste, en 2007-2008, la perte liée à l’éclatement de la bulle du papier commercial avait été de 5 milliards au Canada.

Il y a là de quoi inquiéter la ministre des Finances du Canada, Chrystia Freeland.

Or, le Canada bouge lentement sur la réglementation du secteur financier. Il y a quelques semaines, le gouvernement a donné à son Conseil d’action en matière de finance durable le mandat de le conseiller sur l’application des divulgations climatiques obligatoires à l’ensemble de l’économie canadienne, et d’élaborer une stratégie d’affectation des capitaux compatible avec l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre du Canada pour 2030, et avec la carboneutralité en 2050. 

Toutefois, ce conseil, responsable de livrer les composantes importantes d’une réglementation financière qui devrait aligner le secteur sur les obligations climatiques du Canada, est constitué exclusivement… de représentants du domaine financier ! La délégation de responsabilité du ministère des Finances à ce groupe d’experts est inquiétante. En l’absence d’expertise climatique indépendante, le secteur s’autoréglementera et continuera de ne pas prendre la transition énergétique au sérieux, ce qui fera enfler encore davantage la bulle du carbone.

Pendant ce temps, aux États-Unis, la Securities and Exchange Commission (SEC) a proposé en mars la divulgation obligatoire des émissions de gaz à effet de serre que les entreprises américaines cotées en Bourse créent — sur tout le cycle de vie des biens qu’elles mettent en marché, ce qui inclut les émissions liées à la consommation de leurs produits. Elles devraient également faire rapport sur le risque climatique de leurs activités. En plus du risque dit « physique » entraîné par l’augmentation de la température, c’est-à-dire l’impact des événements météorologiques extrêmes plus fréquents, des sécheresses et de la montée du niveau de la mer, les entreprises devraient déclarer leur risque de « transition », soit la probabilité que certains de leurs actifs se retrouvent inexploitables, car incompatibles avec l’action climatique, et élaborer un plan qui leur permettrait d’atteindre les objectifs climatiques.

L’Union européenne, quant à elle, va plus loin : elle est parvenue, à la mi-juin, à un accord sur une directive au sujet de la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (Corporate Sustainability Reporting Directive, ou CSRD). En plus de considérer les risques climatiques pour leurs propres actifs, les entreprises devront aussi faire rapport sur la menace que leurs actifs font peser sur la planète et les gens. 

Le Canada aurait intérêt à apprendre de ces exemples. Ici, c’est une multitude d’organismes qui réglementent le système financier, dont le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) et les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (dont, pour le Québec, l’Autorité des marchés financiers). Pour dégonfler progressivement la bulle du carbone, il faudra bâtir un cadre réglementaire où chacun devra utiliser tous les outils à sa disposition.

La transparence est une première étape pour éviter que les actifs fossiles ne soient surévalués. 

La divulgation obligatoire de tous les risques climatiques devrait être réglementée pour les banques et les entreprises, mais aussi pour les caisses de retraite fédérales et les institutions qui fournissent du financement public, comme Exportation et développement Canada et la Banque de développement du Canada. Et ces organismes devraient être tenus d’adopter des plans climatiques alignés sur la limitation de la hausse de la température à 1,5 °C. Ces plans forceraient les institutions à montrer comment elles réduisent leur contribution à la bulle du carbone. 

Comme les actifs fossiles représentent un risque financier important et croissant, le gouvernement devrait également augmenter les normes liées aux fonds propres des banques qui possèdent des actifs fossiles, afin de s’assurer qu’elles maintiennent des fonds suffisants par rapport à leur exposition au risque, et donc de protéger la stabilité du système financier. Pour empêcher que les rapports financiers des institutions versent dans l’écoblanchiment, il faudrait aussi adopter une définition rigoureuse de ce qui peut être commercialisé en tant que produit de finance durable.

***

Voilà un programme chargé pour la ministre des Finances. Dans son livre Plutocrats, publié en 2012, Freeland louangeait la prudence réglementaire du Canada en 2008, qu’elle mettait en contraste avec la mentalité de troupeau de Wall Street et de la City de Londres à l’aube de la crise financière. Cette même prudence est de mise face à la réelle possibilité d’un « moment Minsky » climatique. Car plus les gouvernements traînent la patte, plus les mesures qu’ils devront prendre dans l’avenir seront draconiennes, et plus les conséquences sur la stabilité financière seront grandes, ce que confirme un projet-pilote de la Banque du Canada et du Bureau du surintendant des institutions financières. 

La meilleure façon d’éviter un tel moment, où les risques de transition se cristallisent très soudainement et ont des répercussions sur l’économie au grand complet, c’est de planifier cette transition de manière proactive par des politiques publiques visant le secteur financier.

Il y a là une occasion en or pour la vice-première ministre de prendre position sur les changements climatiques. Alors qu’elle a démontré qu’elle était incroyablement compétente sur plusieurs tableaux, voilà un sujet crucial pour l’avenir du pays sur lequel on voudrait entendre sa vision. Et c’est un enjeu pour lequel il serait stratégique de sa part d’utiliser ses pouvoirs actuels aux finances pour se démarquer de son concurrent dans la prochaine course à la direction du Parti libéral, selon les rumeurs : Mark Carney, qui a été gouverneur de la banque centrale du Canada, puis de celle du Royaume-Uni.

Pour la petite histoire : l’idée d’un « moment Minsky » climatique a été évoquée pour la première fois en 2015 par… nul autre que Mark Carney.

L’auteure remercie Julie Segal, gestionnaire de programme sénior sur la finance climatique à Environmental Defence.

Les commentaires sont fermés.

Je n’avais pas vu le crise climatique sous cet angle. Merci de nous le présenter très clairement. J’en parle à mon entourage. Et à mon conseiller financier…

Est-ce que ce texte a été envoyé à tous les membres des gouvernements , fédéral et provinciaux! C’est extrêmement inquiétant!

Étant donné le caractère considéré comme cyclique de l’économie mondiale, nombre d’économistes et d’analystes financiers conjecturent qu’il se profile une crise financière majeure qui plombe l’économie mondiale pour longtemps.

Si la valorisation de toutes choses peut revêtir un caractère spéculatif, la diversification de l’économie est telle qu’il est difficile d’établir précisément la manière dont se comportera l’économie dans dix ans, dans vingt ans et plus encore sur des termes beaucoup plus longs.

La question pertinente de savoir si les actifs des compagnies qui œuvrent dans les énergies fossiles sont sur-évalués ou au prix du marché est plutôt difficile à trancher. Les analystes eux-mêmes ne s’entendent pas sur la valeur des pertes qui pourraient être encourues.

Or, les pertes ou les profits sont calculés sur le prix obtenu au moment de la vente de l’actif. Les compagnies pétrolières (entre autre) constituent des réserves de longue date, ce qui valorise leurs réserves, c’est intrinsèquement le prix de vente des produits vendus aux consommateurs et non spécifiquement le rapport : réserves énergétiques/énergie consommée.

En somme, pour qu’une bulle carbone puisse réellement exister, il faudrait que le prix de vente des produits fossiles s’effondre. Pour qu’un tel effondrement se produise, il faudrait qu’on ne consomme pratiquement plus d’énergies fossiles. Pour se faire, il faudrait encore réviser le concept de la « carbo-neutralité ».

Dans une période de transition comme celle que nous vivons, il y a progressivement un transfert de valeurs. L’une des questions est de savoir à quel rythme ce transfert de valeur s’effectue. Ce qui est facteur de crise, ce sont principalement les distorsions qui existent entre la valeur réelle d’un actif et la valeur à laquelle il est transigé.

À cet effet, il y a plus à craindre avec la valeur des monnaies qui pourraient s’effondrer à tout moment, quand la somme des liquidités l’emporte sur la somme de la valeur des produits et services réellement échangés.

Ce sont ces écarts qui justifient en partie cette tendance actuelle à générer l’inflation. Tout est dans l’art de la répartition.

…il faudrait qu’on ne consomme pratiquement plus d’énergie fossile…

Vous avez raison, alors commençons par où c’est facile de couper le fossile en se concentrant sur les solutions.

Commençons par le bon bout du problème:
– cuisinons à la plaque à induction, en plus d’être propre, d’être plus performante et ne pas polluer, c’est beaucoup moins cher que le gaz méthane
– climatisons notre résidence par la thermopompe électrique, pour nous chauffer ou pour nous rafraîchir,
– transportons-nous par la mobilité électrique. Avec les innovations actuelles, la conduite autonome est déjà 9 fois plus sécuritaire que l’humain. Par le VE nous nous dirigeons non seulement à l’élimination de l’auto solo, mais à l’auto sans conducteur (Robotaxi et TaaS qui sera beaucoup plus sécuritaire que l’humain). Imaginons le plaisir de se déplacer, sans rage au volant, sans conducteur endormi ou distrait ni en état d’ébriété.
– exigeons que les centrales électriques nous fournissent de l’électricité propre par les énergies de flux comme le vent, le soleil, la mer. Ces énergies qui n’ont jamais cessé depuis des milliards d’années, qui sont gratuites, qui appartiennent à tout le monde, qui ne demandent qu’à être captées et accumulées.
L’énergie éolienne est déjà 4 fois moins chère que le fossile: https://cleantechnica.com/2022/07/17/uk-offshore-wind-costs-4-times-less-than-gas-fired-thermal-generation
– exigeons que les mines et les raffineries nous fournissent des produits durables sans polluer. Un baril de pétrole qui disparaît chaque seconde qu’il est brûlé ou chaque kilomètre parcouru, ça s’appelle un gaspillage d’énergie orgiaque et irresponsable. Nous sommes loin d’un produit durable. J’appelle ça de l’intermittence en continu, interrompue par des guerres de pipelines et de tueries. Ce pétrole doit être utilisé en pétrochimie pour faire des produits durables avec une pollution ponctuelle, mais contrôlable. Comment peut-on contrôler la pollution quand elle se retrouve aux mains de milliards de conducteurs de char à boucane.

Un déversement d’énergie solaire, ça s’appelle une belle journée, et pas besoin de faire la guerre.

Ce gouvernement ne fait que parlé, parlé et parlé de l’environnement spécialement durant les élection. Ils disent ce que le monde aiment entendre. Ce gouvernement ne pense pas au futur, juste regarder les 6 dernier budget comment voulez vous qu’ils pense a l’environnement. Nos pauvre enfants vont devoir subir les catastrophe naturel tout en payant les grosse intérêts sur des déficit de ce gouvernement irresponsable. Aucun cousin pour les catastrophe naturel pour nos enfants.

Quelle Gouvernement a investit 14 milliards pour un pipeline de pétrole??? Jamais un gouvernement n’as autant investit dans l’énergie fossile.
Quel est le montant d’arbre sur le 2 milliard promis de planter jusqu’à date???. Personne ne le sais.
Ce gouvernement qui est au pouvoir depuis 6 ans ne fais que parlé d’environnement.

Penser qu’un jour les entreprises pétrolières ou gazières laisseraient inexploitées leurs réserves d’énergies fossiles pour la simple raison que certains États adopteraient des politiques de réduction d’émissions de CO2 afin de se conformer aux Accords de Paris est bien là le fantasme d’un écolo!
Mais ça n’arrivera pas.
Bien sûr ces réserves fossiles ne sont pas inépuisables. Et il faudra bien un jour que d’autres formes d’énergies prennent la relève. Mais ce ne sera pas avant au moins deux ou trois siècles, une fois que nous aurons épuisé toutes les réserves qui seront encore exploitables économiquement.
D’ici là, toutes les formes d’énergie vont coexister, tant et aussi longtemps qu’elles seront disponibles au meilleur coût, pour un usage donné. N’en déplaise au GIEC, il faut ignorer ses appels insensés à cesser d’exploiter ou d’explorer de nouvelles sources d’hydrocarbure. Même si les États-Unis et le Canada appliquaient ces directives à la lettre, croyez-vous vraiment que la Russie, la Chine, l’Inde, l’Arabie, le Venezuela, l’Afrique, etc. — pour qui cette énergie est parfois une question de vie ou de mort — respecteraient ces consignes et accepteraient tout bêtement de rester en panne sèche sur des réserves d’énergie fossile qui dormiraient sous leurs pieds ? Croyez-vous vraiment qu’il ne se développera pas en contrepartie à l’échelle planétaire un vaste marché noir de l’or noir ?
En fait, même le Canada n’appliquera pas ces directives. Il n’est pas nécessaire d’aller bien loin pour s’en convaincre. Madame Brouillette se souviendra peut-être qu’au début avril, — il y a à peine cent jours — le Secrétaire général des Nations Unies lui-même, l’ineffable Antonio Guteres, y allait de ses dernières exhortations : « Investir dans de nouvelles infrastructures de combustibles fossiles, disait-il, est une folie morale et économique. » Deux jours plus tard, notre écologiste en chef au Canada, le non moins ineffable Steven Guilbeault, poussait « la folie morale et économique » jusqu’à donner son aval au pompage d’un MILLIARD de barils de pétrole au large de Terre-Neuve…
Et il y a deux jours à peine (!), à l’encontre du respect des sanctions internationales contre la Russie, notre valeureux Canada acceptait de remettre à celle-ci six turbines du gazoduc Nord Stream qui étaient en réparation ici, pour lui permettre d’exporter davantage de gaz vers l’Allemagne, et donc d’émettre davantage de GES. Tout en renflouant son fonds de guerre contre l’Ukraine.
Il ne faut pas se départir trop vite des énergies fossiles. Les énergies dites « alternatives » comme l’éolien et le solaire ne pourront se substituer aux énergies fossiles que si on peut concevoir des réservoirs ou batteries comparables en efficacité aux réservoirs hydroélectriques qui permettraient d’obtenir l’énergie au besoin. Ces énergies ont en effet le grave défaut d’être intermittentes, en plus d’occuper un vaste territoire qui serait plus utile à l’agriculture, à l’environnement ou à la villégiature plutôt qu’à bêtement produire de l’énergie.
Pour fonctionner, l’économie mondiale a besoin d’une énorme quantité de joules. Et la source la moins coûteuse aujourd’hui de ces joules — mise à part l’hydroélectricité québécoise — se trouve dans les hydrocarbures. L’activité économique d’un pays est directement reliée à la quantité de CO2 qu’il émet. En 2010, pour chaque millier de dollars de PNB, il s’émettait partout dans le monde — autant par les pays pauvres que riches — environ 600 kg de CO2. Aucun pays n’est en voie présentement de réduire substantiellement ce ratio. Ce serait toujours possible, mais à très fort coût, autant environnemental que financier.
Dans son livre The Rational Optimist, Matt Ridley donne l’exemple (à la page 343) de ce que ça donnerait pour un pays « moyennement riche » comme l’Angleterre de remplacer les énergies fossiles par des énergies « alternatives ». Les hydrocarbures fournissent présentement 106 des 125 kWh/jour/personnes qui permet aux Anglais de profiter de leur niveau de vie. Comment l’Angleterre pourrait-elle profiter du même niveau de vie sans recourir aux énergies fossiles ?
Supposons qu’un vaste et coûteux plan national d’isolation des maisons, d’incinération des déchets, d’échangeurs d’air, etc. permettrait d’enlever 25 kWh des 125 kWh/j/p requis, il resterait encore à trouver 100 kWh/j/p d’énergie non fossile.
Divisons ce nombre par quatre et demandons aux énergies « alternatives » de fournir
• a) 25 kWh/j/p du nucléaire (qui est aussi une énergie fossile, soit dit en passant, mais qui n’émet pas de CO2),
• b) 25 kWh/j/p de l’éolien,
• c) 25 kWh/j/p du solaire
• d) et 25 kWh/j/p qui proviendrait du biocarburant, du bois, des marées et de l’hydraulique.
De quoi aurait l’air l’Angleterre dans ces conditions ?
• a) Il y aurait 60 centrales nucléaires réparties le long des côtes.
• b) Les parcs éoliens couvriraient 10% de tout le territoire (ou une grande partie de la mer).
• c) Les panneaux solaires couvriraient une superficie de 7000 km2 (soit 5% du territoire).
• d) La culture des biocarburants couvrirait 18 fois la superficie du Grand Londres (soit 27000 km2 ou 20% du territoire).
• e) Il faudrait boiser 20% du territoire avec des arbres à croissance rapide.
• f) Des usines marémotrices s’étendraient sur des centaines de kilomètres le long des côtes.
• g) Il faudrait enfin 25 fois plus de barrages hydroélectriques sur les rivières qu’il y en a aujourd’hui.
Cette perspective n’est guère réjouissante : le pays entier aurait l’air d’une immense centrale électrique, avec des éoliennes et des pylônes dans les campagnes un peu partout, des convois de camions transportant du bois sur les routes, etc. Les coupures de courant seraient fréquentes : imaginons une froide nuit d’hiver, quand la demande de chauffage est à son pic et que les éoliennes ne tournent plus faute de vent et que les centrales solaires sont au point mort, faute de soleil.
Alimenter le monde en énergie « alternative » de cette façon est le moyen le plus sûr de gâcher l’environnement. Bien sûr, les mines de charbon, les puits de pétrole, l’exploitation des sables bitumineux et des gaz de schistes, etc. gâchent aussi l’environnement. Mais comparée aux énergies « alternatives », l’empreinte environnementale que laissent les énergies fossiles est étonnamment faible par rapport à la quantité d’énergie qu’elles fournissent.
Alain Bonnier,
Docteur en physique