Le problème avec la réforme du Régime de rentes du Québec

En s’entêtant à réparer ce qui n’est pas brisé, le ministre des Finances, Eric Girard, envisage-t-il secrètement une réforme plus large ?

Nathan Denette / La Presse Canadienne / montage : L’actualité

Rarement aura-t-on vu un projet faire autant l’unanimité contre lui. Du Conseil du patronat aux syndicats, en passant par les trois partis d’opposition, à peu près tout le monde s’élève contre la réforme du Régime de rentes du Québec (RRQ).

Pourtant, envers et contre tous, le ministre des Finances, Eric Girard, semble déterminé à aller de l’avant. Il croyait même que la proposition passerait comme du beurre dans la poêle. Un exemple des biais qui grèvent un gouvernement en super-majorité.

De quoi parle-t-on au juste ? Le gouvernement Legault suggère de faire passer de 60 à 62 ans l’âge minimal pour toucher les prestations de retraite d’ici 2030. L’objectif : inciter les travailleurs à rester plus longtemps sur le marché du travail. Quant à l’âge maximal pour commencer à toucher la rente du RRQ, il passerait de 70 à 72 ans, avec bonification des prestations pour encourager les gens à demeurer sur le marché du travail le plus tard possible. Une autre hypothèse propose de faire passer l’âge minimal de 60 à 65 ans d’ici 2045, et l’âge maximal de 70 à 75 ans. Elle n’a aucune chance de se concrétiser.

Contrairement à la France, où l’État veut faire travailler ses citoyens deux ans de plus pour l’accès au régime, le Québec ne suggère pas de reporter l’âge de la retraite, qui reste à 65 ans pour une rente complète. Il souhaite seulement hausser l’âge pour la retraite anticipée, du moins pour l’instant.

Ce n’est pas un débat en catimini, comme certains chroniqueurs l’ont écrit. Tous les six ans, la loi oblige le gouvernement à se pencher sur les règles du RRQ. Le ministre Girard avait affiché ses couleurs après les élections, puis déposé son document de consultation avant les Fêtes. Les oppositions s’étaient alors faites discrètes.

Mais une levée de boucliers a eu lieu en commission parlementaire. On pourrait croire que les manifestations en France ont eu un écho ici, mais les comparaisons s’arrêtent là. Le régime de retraite en France est déficitaire, ce qui oblige le pays à apporter des changements.

Ici, c’est tout le contraire. Pas de déficit en vue, le système est sur les rails pour au moins 50 ans sans même augmenter les cotisations actuelles. Pire : la réforme proposée coûterait plus cher au régime, parce que l’âge de la prestation complète demeurerait 65 ans, tandis que les bonifications seraient offertes jusqu’à 72 ans, au lieu de 70.

Selon le gouvernement, le changement serait bénéfique pour la majorité des travailleurs, parce qu’ils auraient plus de revenus à la retraite.

Financièrement, c’est vrai. Quand on touche les prestations du RRQ avant 65 ans, une pénalité s’applique sur la rente pour le reste de sa vie. À 60 ans, c’est une pénalité de 36 %. C’est une très mauvaise décision financière, et la majorité de ceux qui l’ont prise auraient des regrets, selon Retraite Québec.

Mais qui choisit de toucher les prestations à 60 ans, malgré la pénalité ? Avant tout, ceux qui n’ont pas d’autres revenus. Ceux qui n’ont pas accumulé de REER ou d’épargne, ceux dont les années à se tuer à l’ouvrage les rendent physiquement et psychologiquement incapables de poursuivre. Ceux qui peinent justement à mettre du beurre dans la poêle. Et qui ne sont ni actuaires, ni fonctionnaires, ni ministres. 

Ce sont les limites d’une réforme pensée par des gens qui n’auront jamais à se prévaloir d’une rente anticipée pour vivre. Aux yeux de presque tous les intervenants en commission parlementaire, du patronat aux syndicats, la réforme n’est pas nécessaire. La carotte — bonifier les prestations pour ceux qui retardent leur retraite — est de loin préférable au bâton pour inciter les travailleurs à demeurer sur le marché.

La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) reste un des seuls soutiens à la réforme, avant tout parce qu’un sondage montre que la majorité de ses membres, aux prises avec un manque de main-d’œuvre, y sont favorables.

Il est vrai qu’à 53,1 %, le taux d’activité (le pourcentage de personnes en emploi ou en recherche d’emploi) des personnes âgées de 60 à 64 ans était inférieur au Québec à la moyenne canadienne (56,9 %) en 2022. Mais celui des 55 à 59 ans, à 77,8 %, se classait au troisième rang au Canada, dépassé seulement par ceux de l’Alberta et de la Saskatchewan, ce qui laisse présager un rattrapage. Et le changement de l’âge minimal risque d’avoir un effet négligeable. 

Car si les travailleurs québécois quittaient naguère la vie professionnelle active de plus en plus tôt, ce n’est plus le cas : alors que 60 % d’entre eux réclamaient leur rente du RRQ dès 60 ans en 2016, ils ne sont plus que 33 % à le faire en 2022.

Devant une quasi-unanimité et un régime en pleine santé, difficile de justifier l’entêtement du ministre Girard. Le changement accentuerait l’impression d’un gouvernement d’hommes d’affaires déconnectés de la réalité des petits travailleurs.

Les syndicats ont toutefois une autre crainte : que la réforme soit un premier pas vers un régime à prestations cibles plutôt qu’à prestations déterminées, comme c’est le cas actuellement.

Le RRQ est financé comme un régime d’assurance, avec des cotisations patronales et salariales qui garantissent aux travailleurs un revenu minimal à la retraite. Le futur retraité sait exactement la rente qu’il touchera, et celle-ci sera indexée. Si le régime changeait pour des prestations cibles, la rente pourrait varier si le régime de retraite n’avait pas un bon rendement ou devenait déficitaire. En somme, c’est le retraité qui écoperait. Eric Girard a bien dit que ce n’était pas son intention. Il aurait de toute façon peu d’arguments pour le justifier. 

Les centrales syndicales se souviennent néanmoins de 2014. Devant les déficits des régimes de retraite municipaux, le ministre des Affaires municipales de l’époque, le libéral Pierre Moreau, avait fait adopter le projet de loi 3 pour revoir le partage du coût de ces régimes de retraite. On avait appris plus tard qu’il n’y avait aucune urgence et que les prévisions montraient que ces déficits se résorberaient d’eux-mêmes…

Les commentaires sont fermés.

Si le but de l’exercice est d’inciter les travailleurs à repousser le départ à la retraite que quelques années, pourquoi le ministre n’a pas plutôt privilégié les incitatifs fiscaux au lieu de tenter une réforme plus complexe qui ne semble pas fonctionner, mathématiquement parlant?

Il me semble que celà ferait plus de sens et, en fin de compte, l’argent pourrait rester dans les poches des travailleurs.

À part le fait de repousser à 62 ans l’âge minimal pour prendre sa retraite, toute cette réforme va dans le bon sens. Il est souhaitable d’inciter les gens à rester plus longtemps sur le marché du travail par une bonification de leur rente. J’ai 63 ans, et je ne pense pas un instant à prendre ma retraite. À 63 ans, on est encore vert. J’ai plutôt envie de travailler à bonifier ma pension de retraite le plus longtemps possible (et à cotiser à mon REER le plus longtemps possible), car je ne conçois pas de passer 30 ans de ma vie à manquer d’argent. De la même façon qu’il est préférable d’être en bonne santé si on doit vivre vieux, il est préférable de vivre confortablement si on doit vivre vieux. Passer 30 ans de retraite sans le sous, ça doit être long en titi… Je préfère que ma retraite ne dure que 20 ou 25 ans, mais bien vivre.
En revanche, deux modifications me semblent impérieuses.
La première touche les cotisations des travailleurs autonomes. Ces derniers doivent actuellement payer 11 % de RRQ, soit la part salariale et la part patronale, alors que, pour la plupart, ce ne sont pas des gens riches. Je comprends la logique de la double cotisation, puisque ce sont des entreprises, mais c’est excessif, au vu de la réalité de ces travailleurs. Un travailleur autonome se compare plus souvent à un travailleur de la classe moyenne qu’à une PME prospère. Sans éliminer totalement la part patronale, il serait juste de fixer un taux de cotisation intermédiaire, comme c’est le cas pour la cotisation au RQAP. Un taux de 7,5 % ou de 8 % serait raisonnable.
La deuxième modification à apporter serait se dispenser de la cotisation RRQ les retraités qui restent à l’emploi après avoir demandé leur rente. Il est là encore indécent d’amputer de 11 % (pour un travailleur autonome) le revenu supplémentaire que va chercher un retraité pour compléter une rente déjà maigre. Certains feront valoir que ces cotisations contribuent à augmenter leur rente, mais c’est dérisoire. Un revenu complémentaire de 20 000 $ par an serait amputé de 2200 $ de cotisation, mais ne bonifierait la rente que de 9 $ par mois, selon mes calculs. C’est un jeu de dupes. Et c’est totalement dissuasif.
Enfin, pour faire référence à la fin de l’article, s’il est admissible que certaines corporations professionnelles, comme les employés municipaux, bénéficient de régimes de retraite spéciaux qui leur assurent des prestations que le commun des mortes ne peut pas espérer, il est totalement anormal et injuste pour les autres que le régime de retraite général renfloue ces régimes spéciaux généreux quand ils tombent en déficit. Vouloir un régime à part, c’est bien, mais encore faut-il avoir les moyens de se le permettre et de l’assumer.

Si vous n avez pas économiser $ depuis votre départ de l école il y a un souci…ce n est pas tout le monde qui vivent jusqu’à 80 ans. Vous devriez vous informer sur le nombre de décès entre 60-70 ans sur le site du gouvernement. Aussi, les métiers pénibles Qu en faites vous? C est le même narratif ici qu’ en Europe . Aucune raison de modifier les conditions puisque les caisses sont suffisantes..

Je n’ai pas défendu le report de l’âge pour partir en retraite à 62 ans, au contraire, M. Tremblay. Relisez ma première ligne 🙂 . J’exposais simplement le fait que si on peut se le permettre physiquement, il est préférable de partir tard. Pour moi, et ça n’engage que moi, la question n’est pas de savoir si, au bout du compte, j’aurai retiré plus ou moins de la RRQ à l’heure de ma mort, mais de savoir avec quel niveau de confort financier j’aurai vécu les deux dernières décennies de ma vie. Le nombre de retraités de 70 ans que je vois reprendre un travail comme, p. ex., commis d’épicerie, me conforte dans l’idée que la rente est vite un peu juste quand on est encore en forme et qu’on voudrait encore profiter de la vie.
Et pour ce qui est des statistiques, il faut savoir qu’un homme sur quatre et une femme sur trois atteindront 93 ans (source : l’actuaire en chef de la RRQ ce matin dans La Presse). C’est une proportion assez forte pour mériter d’être prise en compte.

Repousser l’âge de la retraite est une injustice envers les personne qui travaille au privé. Le monde qui travaille dans le public ont déjà une retraite payé par les CONTRIBUABLE et il y en as qui peuvent prendre leur retraite a 55 ans et mêmes avant, et des bonne retraite. Il y as du monde surtout ceux qui travaille physique a 60 ans le corps commence a être fatigué. Quand sa fait 40-42 ans que tu paye la R.R.Q. et que le gouvernement veulent la repoussé s’est très frustrant. Les conservateur au Fédéral ont eu l’idée de repousser la retraite de 65 a 67 ans et aux élection suivant les électeurs ne l’ont pas oublié. Durant les élection quand Monsieur Trudeau avait dit qu’il allait annuler ce règlement et ramener l’âge de la retraite a 65 ans les sondage on complétement changer et il as gagné les élection ( Il était au troisième rang dans les sondage avant qu’il fasse cet promesse). Moï mêmes qui votais la CAQ si le gouvernement vas de l’avant s’est sur qu’il vont perde mon vote et plusieurs autre vont faire de mêmes.

Toucher les prestations avant 65 ans n’est pas une si mauvaise idée que cela. On a des prestations pendant 3, 4 ou 5 ans plus tôt et on amasse un capital qu’on peut placer avant d’avoir 65 ans. De plus, la bonification est étalée. Ainsi, j’ai demandé mes prestations dès 62 ans et j’ai calculé que les sommes cumulées comparées à celles que j’aurais eues à 65 ans, ne s’équivalaient que vers 89 ans! Vivrai-je jusque là? Je le souhaite, mais j’ai pensé qu’il valait mieux bénéficier de ces sommes plus tôt.