Durant près d’un demi-siècle, de 1954 à 1998, le taux de chômage du Québec s’est maintenu en moyenne à trois points au-dessus de celui de l’Ontario. Surprise : depuis 20 ans, on a assisté à un spectaculaire renversement de tendance. Non seulement cet excédent traditionnel de chômage du Québec a-t-il progressivement fondu, mais le taux québécois est souvent passé en dessous du taux ontarien, par exemple de 2009 à 2012 et depuis 2017.
De plus, le taux d’emploi, c’est-à-dire le pourcentage de la population de 15 à 64 ans qui travaille, est maintenant plus élevé au Québec (78 %) qu’en Ontario (76 %) et aux États-Unis (75 %). Comment donc se fait-il que le Québec domine aujourd’hui ses deux principaux partenaires économiques en matière de taux d’emploi ? Et est-ce que cela va durer ?
Deux facteurs fondamentaux ont joué. D’une part, la révolution éducative lancée par Paul Gérin-Lajoie dans les années 1960 a fini par porter des fruits. D’autre part, les services de garde à tarif modique introduits par Pauline Marois dans les années 1990 ont grandement facilité la conciliation travail-famille. Comme ces deux causes vont persister dans l’avenir, le haut niveau d’emploi et le bas taux de chômage qui en ont résulté vont persister à long terme eux aussi. Bien sûr, il y a encore des choses à améliorer en ce qui concerne l’éducation et la famille. Et des reculs temporaires de l’emploi sont à prévoir lors des récessions futures. Mais un retour aux années 1970 à 2000, pendant lesquelles le taux de chômage a généralement dépassé 10 % au Québec, est peu probable.
Des emplois en plus grand nombre, c’est bien. Mais il faut aussi évaluer le revenu que l’économie réussit à produire avec eux. L’indicateur de performance que les organismes internationaux utilisent le plus couramment à cette fin est le revenu (ou PIB) par habitant de 15 à 64 ans. Pourquoi les 15 à 64 ans ? Tout simplement parce que cette vaste catégorie d’âge constitue le principal bassin de recrutement des travailleurs pouvant être mis à l’ouvrage.
Faisons donc le point au sujet du rang qu’occupe le Québec en matière de revenu par habitant de 15 à 64 ans au niveau international. Le tableau ci-contre présente les 33 pays qui obtenaient le meilleur classement parmi les 129 pays membres du Fonds monétaire international (FMI) qui comptaient plus de trois millions d’habitants en 2017. Le Canada y est représenté par ses quatre plus grandes provinces.
Trois phénomènes majeurs se dégagent de ces résultats. Premièrement, les huit premières places sont monopolisées par deux paradis fiscaux (Irlande, Singapour) et six importants producteurs de pétrole (Qatar, Norvège, Alberta, Koweït, États-Unis et Émirats arabes unis).
Deuxièmement, les données mettent en relief l’extrême diversité entre les provinces pétrolières et non pétrolières du Canada. Les ressources pétrolières de l’Alberta donnent à cette province un revenu par habitant de 96 100 dollars, tandis que les trois autres grandes provinces, dépourvues de pétrole, sont loin derrière. La plus riche des trois est le Québec. Il occupe le 22e rang mondial avec ses 69 000 dollars. La Colombie-Britannique et l’Ontario suivent immédiatement.
Troisièmement, il ressort clairement de tout cela qu’une petite taille et une sécurité sociale bien développée ne sont pas des obstacles à une solide performance économique. La moitié des 14 pays non pétroliers qui sont plus riches que le Québec comptent 10 millions d’habitants ou moins : Singapour, l’Irlande, la Suisse, la Suède, le Danemark, l’Autriche, la Finlande. Trois d’entre eux sont des leaders mondiaux dans le domaine de la solidarité sociale : la Suède, le Danemark et la Finlande.
On voit bien que la performance économique du Québec est arrivée à mi-parcours. D’un côté, il a fini par réaliser le rêve des artisans de la Révolution tranquille : rejoindre les autres grandes provinces canadiennes, ou même les dépasser légèrement. De l’autre, il est évident qu’il a encore beaucoup à faire pour continuer à grimper, sans pétrole, de la 22e à la 10e place au niveau mondial. Tant de choses en dépendent, comme la scolarisation accrue de nos enfants, la progression soutenue de nos salaires, l’amélioration des soins offerts à nos aînés, la réduction des inégalités et de la pauvreté, notre capacité à investir dans l’économie verte, et la propagation internationale de notre culture distincte.
Cette chronique a été publiée dans le numéro de septembre 2019 de L’actualité.
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Pierre, vous êtes toujours aussi pertinent et intéressant à lire quand il s’agit de montrer que tout ne va pas si mal chez nous, et même plutôt bien en fait. Merci!
Je n’ ai pas vu le Canada dans votre analyse !! Est=ce par choix ou par intérêt ? J’ aime beaucoup les comparaisons; mais comparer certaines provinces du CANADA avec d’ autres pays , ça semble pas complet !!!!
L’Alberta a beau crié au meurtre, mais le fait est qu’ il est en territoire canadien et doit tout simplement se gérer en fonction de sa constitution ! S’ il veulent changé les règles , ils faudra en discuté avec les autres partenaires de la confédération ! M. Mc Kenna bienvenu dans la saga du Lac Meech !!
S’il faut attribuer la formule : « Le bon Dieu est dans le détail » à l’écrivain français Gustave Flaubert, les anglais ont transformé cette formule en : « The Devil is in the detail » ; quoiqu’il en soit comme l’œuvre humaine est rarement celle de Dieu, il est possible de faire dire aux chiffres et à diverses formules tout ce que l’on veut. Pourvu qu’on n’y regarde pas de trop près.
Ainsi lorsque je vois dans l’équation qu’il est pris pour référence la PIB par habitant en Parité de Pouvoir d’Achat et que j’observe que le Qatar trône en tête de ce beau diagramme vert comparatif, je ne peux pas m’empêcher de rire lorsque j’observe (un peu de détail ne nuit pas) que plus de 60% de la population de ce bel Émirat est étrangère, que cette population a très peu de chances de pouvoir jamais être naturalisée, que ce sont essentiellement ces mercenaires qui contribuent à générer la richesse de ce petit pays, lorsque la distribution de la richesse est très inégale suivant que vous êtes Katariote ou bien pas….
En sorte que nous savons parfaitement faire au Québec pour nous consoler ; de nous comparer à d’autres pour nous dire : qu’après « toute », on n’est pas si pire que ça. Quand d’ailleurs un des facteurs de la génération de la richesse canadienne est par divers aspects due aux investissements étrangers et l’immigration.
C’est par la vision du détail, que nous pourrions établir si vraiment les Québécois ont toutes et tous amélioré leur sort au fil des ans ou alors bien pas. Comme j’ai le bonheur de vivre dans un quartier populaire dans lequel je viens récemment de déménager. J’ai ma petite idée sur la question.
Je me demande où se cache cette belle parité de pouvoir d’achat qui nous place dans les meilleurs classements mondiaux pour ce qui se passe au quotidien dans nombre de chaumières plutôt défavorisées. À regret, je vois que ce climat délétère existait voici plus de 25 ans quand rempli d’espoir j’émigrais ici pour la première fois. Je constate que le visage de la pauvreté a certes changé, lorsqu’il touche des familles de jeunes Québécois, des enfants et bon nombre d’immigrés, lorsqu’en final cette profonde disparité est toujours invariablement bien là.
Même si ce nombre est relativement restreint, nous avons, nous aussi notre lot de travailleurs étrangers qui parfois acceptent des travaux mal rémunérés non déclarés. Cela me surprend d’ailleurs (période électorale oblige) que nos administrations et nos politiciens fassent bien peu de cas de toutes ces choses-là.
De plus en plus d’économistes sérieux estiment qu’il faudrait revoir la formule du calcul du PIB et probablement y incorporer d’autres intrants. Je pense qu’il ne serait pas inutile pour réellement faire progresser la société ; de regarder les choses autrement. — Et qui sait ? Peut-être trônerions-nous en première position si nous nous donnions les outils et les moyens de parfaire nos ambitions.
Rien sur le redressement économique du gouvernement Couillard! Rien sur la stabilité politique favorable aux investissements.. Pas certaine que le gouvernement Legault qui s’inspire du nationalisme à la MBC ne refroidisse pas les investisseurs!