
Qui va remporter le Super Bowl dimanche soir : les Patriots ou les Seahawks ? Les deux équipes ont été assemblées différemment et leurs stratégies sont aux antipodes, ce qui rendra la partie encore plus intéressante.
Les dirigeants d’entreprises peuvent retenir bien des leçons de la philosophie des deux équipes.
Les Patriots sont les champions des tactiques complexes et des formations bizarres. L’autre équipe a une faiblesse pour arrêter le jeu au sol ? Les Patriots, qui sont pourtant des surdoués du jeu aérien, se métamorphosent subitement en mono-obsessionnels du jeu terrestre, comme ce fut le cas contre Cincinnati ou Indianapolis.
La stratégie des Patriots en est une d’adaptation et de sur-mesure. Il faut attaquer sans relâche le point faible de l’adversaire, quel qu’il soit. Du coup, le plan de match change à chaque fois. Il faut scruter et analyser tous les détails, puis bâtir le plan de match qui va permettre de gagner.
Que cherche-t-on comme joueurs ? Des joueurs intelligents, qui maîtrisent le carnet de jeux le plus complet et le plus élaboré du football. Aussi, des joueurs flexibles qui sont prêts à évoluer de façon différente, selon le contexte. Des joueurs qui sont également très disciplinés, car tout est méthodique chez les Patriots — et l’exécution doit être au pouce et à la fraction de seconde près pour réussir.
En affaires, les Patriots seraient les plus grands clients des conseillers en stratégie et en organisation quasi militaire. Pas étonnant que Bill Belichik n’hésite pas à suspendre un joueur dès qu’il est en retard à une séance d’entraînement.
Les Seahawks ont une tout autre philosophie.
Ce ne sont pas les gourous de la stratégie et de la finesse. Ils ont presque toujours le même plan de match, indépendamment des adversaires, et ils utilisent les mêmes formations offensives et défensives, semaine après semaine.
Par exemple, à la défensive, il sont presque toujours en ce qu’on appelle le «cover 3», où les deux demis de coin (cornerback en anglais) et le demi de sûreté le plus éloigné (free safety) patrouillent chacun le tiers de la zone la plus éloignée de la ligne d’engagement. Il n’y a aucune surprise ni élément de camouflage pour le quart-arrière adverse, qui sait toujours où seront les défenseurs adverses.
En temps normal, cela devrait favoriser le quart-arrière adverse, qui n’a pas à deviner le stratagème défensif. Ce que les Seahawks disent à l’autre équipe est fort simple : nous sommes tellement bons individuellement que vous ne pourrez pas nous battre dans les batailles à un contre un. Essayez, pour voir !
Une telle attitude exulte la confiance. Elle simplifie aussi grandement le plan de match. Les Seahawks sont moins préoccupés par ce que leurs adversaires leur serviront pour les dérouter, mais beaucoup plus par leur propre compétence à effectuer les jeux qui vont étouffer l’attaque adverse et assommer leur défensive.
Ils sont devenus les experts d’un jeu simple et drôlement efficace. C’est la même chose à l’attaque, où l’on favorise un jeu au sol axé sur la puissance — doublé d’un jeu aérien souvent improvisé par le quart-arrière Russell Wilson, qui a le talent de se sortir d’impasse au dernier moment.
Pour jouer pour les Seahawks, il faut être rapide et coriace. Ne jamais céder, ne jamais arrêter, ne jamais capituler. Il faut avoir du chien, comme on dit.
L’autre dimanche, en finale de Conférence contre Green Bay, ils ont montré leur détermination dans une extraordinaire remontée de dernière minute. Dès le début du match, on sentait que les Packers jouaient pour ne pas perdre. Deux fois, à moins d’une verge des buts, ils ont préféré tenter le placement de trois points plutôt que de tenter le touché de 7 points (avec converti). Un péché mortel contre Seattle, qui n’abandonne jamais.
Les Seawawks jouent pour la jugulaire. Ils intimident et ils osent. Ils sont souples et s’adaptent à n’importe quel adversaire, malgré le talent des joueurs adverses ou les ruses de leur entraîneur. C’est pour cela qu’ils sont dangereux et qu’ils ont remporté le Super Bowl l’an dernier.
Les Patriots (mon équipe) me font, hélas !, penser à Microsoft, qui a longtemps dominé l’informatique personnelle. En 1999, Microsoft avait une valorisation boursière de 620 milliards de dollars, alors qu’Apple était sur le bord de la faillite.
Microsoft avait fait (et gagné) le pari qu’il y aurait un ordinateur sur chaque bureau. Quelques années plus tard, Apple a fait le pari encore plus audacieux qu’il y aurait un terminal dans chaque poche ou sac à main. C’est Apple qui a gagné ce pari et qui a vendu 34 000 iPhone 6 à chaque seconde, de chaque heure, de chaque jour du dernier trimestre.
Un article très intéressant du New York Times qui relate ces faits nous indique que la valorisation boursière d’Apple est aujourd’hui de 683 milliards de dollars — plus du double de celle de Microsoft.
La leçon d’Apple me fait penser à celle des Seahawks : il faut avoir une bonne vision et être implacable dans son exécution. Cela vaut mieux que de s’ajuster constamment aux concurrents et aux conditions du marché.
Cela dit, j’espère que les Pats m’étonneront !
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À propos de Pierre Duhamel
Journaliste depuis plus de 30 ans, Pierre Duhamel observe de près et commente l’actualité économique depuis 1986. Il a été rédacteur en chef ou éditeur de plusieurs publications, dont des magazines (Commerce, Affaires Plus, Montréal Centre-Ville) et des journaux spécialisés (Finance & Investissement, Investment Executive). Conférencier recherché, Pierre Duhamel a aussi commenté l’actualité économique sur les ondes de la chaîne Argent, de LCN et de TVA. On peut le trouver sur Facebook et Twitter : @duhamelp.