Depuis 20 ans, la fondation américaine Commonwealth Fund fait appel à des experts de partout dans le monde pour comparer les systèmes de santé des pays riches. Ce classement est devenu un étalon respecté des comparaisons internationales. L’accessibilité, la couverture, la qualité des soins, l’équité dans la façon de les offrir, l’efficacité administrative et, bien entendu, les coûts figurent parmi les 71 indicateurs passés au crible.
La dernière analyse de la fondation, publiée en 2021, porte sur le rendement des systèmes de santé de 11 pays, de 2017 au début de 2020. Un constat premier est implacable : le privé généralisé en santé, ça ne marche pas. Le système américain, le seul des 11 qui repose largement sur l’assurance maladie privée, affiche de très loin le pire rendement de tous en accessibilité, en efficacité, en équité et en bien-être collectif. De plus, il coûte deux fois plus cher que la moyenne des systèmes de santé ailleurs.

Le graphique témoigne d’un second constat : parmi les 10 pays restants, qui ont le point commun d’avoir adopté un régime public d’assurance maladie, le Canada est le cancre du groupe. Fait remarquable, la performance d’un système de santé n’est pas surtout liée à l’importance des sommes investies par les contribuables, mais dépend essentiellement du bon ou du mauvais usage fait de cet argent. L’Australie dépense modestement, mais offre un excellent rendement ; la Suisse, quant à elle, dépense beaucoup plus, mais accuse une performance sans éclat.
Bien qu’il présente la pire des fiches, le Canada n’a pas vu grand-chose bouger en santé depuis 40 ans. Au Québec, malgré une douzaine de rapports qui ont recommandé des changements au système et malgré les cris d’alarme lancés à répétition par le père de l’assurance maladie, Claude Castonguay, c’est presque le statu quo (à part pour l’assurance médicaments). Nous espérons tous que la réforme récemment entreprise par le ministre de la Santé du Québec, Christian Dubé, va réussir. Mais nous savons que plusieurs embûches devront être surmontées.
Dans une récente analyse de la situation, l’ingénieur Peter Nicholson, qui fut conseiller du premier ministre libéral fédéral Paul Martin en matière de politiques publiques, a conclu sans détour que l’immobilisme du système de santé canadien s’explique en grande partie par le conflit perpétuel que la Constitution du pays entretient entre les provinces et Ottawa. D’un côté, elle accorde aux provinces la compétence exclusive en ce qui a trait à la santé. De l’autre, elle confère à Ottawa le pouvoir de dépenser à volonté dans ce domaine (et dans bien d’autres).
Un tel régime est complètement dysfonctionnel, affirme Nicholson. Sur le plan administratif, la Constitution permet à Ottawa d’imposer toutes sortes d’exigences dans un domaine où il n’a pas d’expérience concrète sur le terrain. Et, comme on l’a encore vu ces deux dernières années, elle incite les provinces à se plaindre continuellement de l’insuffisance des transferts fédéraux et à s’en servir comme excuse pour ne pas corriger les défauts évidents de leur système de santé. Sur le plan politique, les électeurs sont éberlués devant les querelles incessantes entre élites politiques fédérale et provinciales. Et la déconnexion entre la gestion du système et le prélèvement des impôts pour le financer empêche tout le monde de déterminer qui est responsable de quoi dans ce capharnaüm.
Nicholson propose que le gouvernement fédéral se retire de la santé et transfère aux provinces un nombre de points d’impôt sur le revenu ou de TPS qui équivaudrait au montant actuel des transferts canadiens en santé, soit quelque 50 milliards de dollars. Un ajustement approprié des paiements de péréquation assurerait l’équité de la manœuvre entre les provinces. Cette solution n’est pas loin de celle qu’avait recommandée le fiscaliste Yves Séguin en 2002, peu avant qu’il devienne ministre des Finances du Québec.
Malgré sa logique et sa simplicité, la solution Séguin-Nicholson n’a jamais pu décoller, et le débat en cours sur les transferts d’Ottawa ne laisse entrevoir aucun progrès dans un avenir proche. Cette mesure aurait pourtant fait plaisir à feu Robert Bourassa, premier ministre du Québec dont le plan de réforme constitutionnelle donna lieu à l’accord du lac Meech en 1987. Un élément central du plan de Bourassa visait en effet à circonscrire le pouvoir fédéral de dépenser. Il fut rejeté par le Canada en 1990.
Une savoureuse blague, qui m’a été racontée par un proche de l’ancien premier ministre, résume la situation de ce déséquilibre. Elle relate que, dès son entrée au paradis en 1996, le premier ministre téléphona à Dieu le Père et lui demanda quand cet épineux problème finirait par trouver une solution. Il paraît que Dieu le Père répondit sans hésiter : « Pas sous mon règne, Robert, pas sous mon règne ! »
Cette chronique a été publiée dans le numéro de juillet-août 2023 de L’actualité.
Santé et Jutice, boiteuses par la Constitution
1, —
Le très informatif article de ce brillant médecin finit en bonne blague catho. Cette généalogie historique n’est pas innocente.
Il n’y a pas que la santé qui souffre de notre plus mal écrite constitution du monde. Il y a la justice, et le jugement du juge Blanchard.
Pour vous en convaincre, je vous invite à écouter ma conférence :
https://youtu.be/D-vIT53eFiI
…et à lire mon ouvrage « Analyse de philosophie juridique du jugement Blanchard sur la loi 21 « Laïcité de l’État». Contactez-moi sur ma page Facebook, et je vous l’envoie gratuitement. À mon âge, je ne vends rien, je donne.
2, — Le système de santé médiocre canadien provient aussi de la mauvaise alimentation (et le régime de vie en général) des Canadiens.
Voici ce que j’ai écrit au Ministre de la Santé et au personnel de la santé de 3 hôpitaux (pour mes 3 petites maladies à 74 ans).
Surtout en soutien au personnel de la santé dont j’ai tant apprécié les services et la diligence. Autant de consultations que je voulais.
À la défense du ministre de la Santé, des médecins et du personnel soignant.
Vos compatriotes doivent mieux vous connaître et fortement vous appuyer.
Au Drs Clément Trottier, Hélène Jacob, Hélène Veillette et Steve Matthieu et à toute son équipe de la chirurgie d’un jour, au 6e étage, à l’Hôpital du S-S, et plus largement à tous les professionnels et travailleurs en santé.
Opéré (sphinctérotomie) par vos bons soins le 28 février dernier, je n’ai que de bonnes nouvelles à vous donner. Plus encore, un immense remerciement.
Votre professionnalisme, outre son résultat si bien réussi, m’a grandement impressionné. Vous méritez l’admiration de tous les Québécois. Il faut le souligner, et je ne manquerai pas d’insérer le présent remerciement à ma petite page Facebook (3000 amis, militantisme oblige…).
Autant que je le pourrai, je saluerai votre grand professionnalisme. Efficace, chaleureux, d’une compétence très bien sentie chez le petit malade craintif qui s’est présenté à vous. Quelles bonnes personnes vous êtes !
Un mot pour vous dire que votre profession rejoint la mienne. Comme je le dis souvent aux policiers : « Vous confrontez toujours un citoyen contrevenant parce que j’ai manqué mon coup dans mon métier quand tout jeune il était devant moi ».
De même pour le vôtre : « Vous avez beaucoup trop de malades parce que je ne leur ai pas martelé tout jeunes : le mode de vie santé est aussi important que savoir lire et écrire ».
Sans doute, le même schéma existe en santé. Le mauvais mode de vie des Québécois et des Nord-Américains en général est la plaie de leur vie mal pensée, mal gérée, mal vécue.
Pire, on élimine des médias un savant, chercheur et militant-santé comme le Dr Richard Béliveau, éliminé (?) de son émission à Radio-Québec, et jamais invité à R-Canada. Les cupides sans cœur ont le bras long, et la lâcheté à leur céder est notre honte.
Voilà pourquoi je souhaite que vos puissantes associations professionnelles martèlent, martèlent cent mille fois, au gouvernement et à la population que :
1, La malbouffe doit être lourdement taxée;
2, Les taxes sur l’alcool et le tabac rehaussées;
3, Ces taxes doivent être versées en subventions aux entreprises de nourriture-santé (produits, producteurs et établissements) pour casser le prix de la nourriture-santé;
4, Les parcs pour la marche et les sports largement gratuits pour tous (et sport professionnel taxé pour les subventionner totalement);
5, Dans toute heure de publicité télévisée ou médiatisée, y compris les réseaux sociaux, un message obligatoire de mode de vie santé, de même longueur ou durée pour balancer ou compenser.
5, Création d’une Régie de Bonne santé pour établir et mettre en œuvre des moyens impératifs d’action et d’information pour diffuser et implanter, efficacement et par contrainte fiscale ou autre, le mode de vie santé.
Au collège (CNDF) où j’ai enseigné 27 ans (1974-2001) j’ai enterré tous mes collègues de ma génération précédente, et même de la mienne. Ils fumaient comme des imbéciles, me riant au nez lors de mes protestations. L’un d’eux, de philo catho, pontifiait dans ses cours cigarette à la bouche « Une âme saine dans un corps sain ». Raccourci à peine caricaturé. Il a crevé sans connaître sa retraite déjà payée.
Y compris le lâche et insignifiant directeur-général du collège qui attendit que la loi l’oblige à interdire le tabagisme à l’école. Je leur disais, en le martelant : « Le tabac passif tue 900 Québécois par an » et j’ai écrit au babillard de la salle des profs : « Vous avez une âme immortelle. Je n’ai que deux poumons mortels ».
Peine perdue, la bêtise catho fabrique des cerveaux en béton ou des lâches qui ne disent rien.
Lors de la réunion syndicale (80 personnes env.), j’ai fait adopter, à très faible majorité, une motion interdisant le tabac dans la salle et pour la durée de la réunion. Frustrés, les fumeurs allèrent téter leur mégot dans le couloir d’à côté en le nommant « Le couloir à Légaré ». J’ai répliqué à tue-tête : « Non. Le couloir phase terminale ».
Une collègue de littérature m’a dit : « Jacques, tu ne réussiras jamais. Tu dis ce que tu penses ».
Prof d’Économique, je vous dis que vos salaires pourraient être doublés, et les malades diminués de moitié en 10 ou 20 ans si ces mesures étaient drastiquement imposées. Un socio-économètre spécialisé en santé nous donnerait une approximation très crédible de ces gains.
Oui, mesures imposées ! La liberté individuelle est une capacité, pas une vertu; et la plupart du temps, en mode de vie, elle n’est guère associée à une raison intelligente.
Notre premier ministre, talentueux politique, est obèse phase 1, peut-être 2. Nos deux autres PM René Lévesque et Jacques Parizeau ont crevé par le tabagisme.
Nous devons être militants drastiques pour réveiller nos compatriotes. Ils sont aussi drogués par le mauvais mode de vie qu’ils l’étaient par la religion avant 1970. Ils n’ont comme argument que leur liberté selfie, décérébrée par l’imbécilité inculte. Dur de le dire ainsi, mais cruellement vrai et désespérant.
J’arrête ici mes jérémiades.
Célébrez entre vous votre gloire à si bien servir et soulager vos compatriotes. Ah ! si la philosophie dans nos écoles pouvait être aussi efficace que la médecine dans votre hôpital !
J’ai 74 ans, et je vais me taper les 94. Je l’ai décidé… Je fais 1000 à 2000 kms de vélo par an, et marches de 7 à 12 kms 2 à 3 fois par semaine l’hiver, terminée par une course de 1 km. C’est assez… Mais quel bonheur les jours suivants !
Je ne suis pas un modèle, et je hais la vanité. Mais mon père décédé à 55 ans (1967), mon oncle à 44 ans (1962) et mon copain fumeur à 57 ans me remplient de tristesse.
Immense merci à chacun et chacune d’entre vous, au 6e étage de l’Hôpital Saint-Sacrement. (Comme la science moderne a évincé depuis Vésale la pensée magique dans votre sublime métier, militez pour changer le nom de l’hôpital : « Santé Sereine », voilà un nom d’hôpital tonique et à fort effet placebo…
De grâce, faites-vous plaisir ! Faites circuler le présent mot (en biffant mon nom si vous le souhaitez; je hais la vanité) pour encourager vos collègues et toutes les instances qui doivent être mobilisées pour un mode de vie sain, sportif, discipliné, intelligent et jouissif pour tous les Québécois(es).
c.c. Ministre de la santé; premier ministre Legault; CSN et journaux; Collège des médecins; Ordre des infirmiers/ières.
Jacques Légaré,
ph.d. en philosophie juridique.
—————————————Merci, Actualité, de me publier——————————–
Rapprochement intéressant entre la «justice» (je serais plutôt enclin à parler de système juridique) et la santé mais c’est très approprié. Je me souviens de beaucoup de cas où un crime a été commis alors que la cause était nettement l’état psychologique de l’accusé et le «traitement» que le système impose est la prison. Je parle ici de crimes bénins. Je me souviens de ce jeune homme sdf qui avait perdu son nez à inhaler du propane et de l’essence et qui s’introduisait par effraction dans les maisons à l’automne pour se faire arrêter en espérant de pouvoir passer l’hiver au chaud, avec ses 3 repas par jour… en prison. Au moins il avait l’espoir d’avoir accès à un médecin pendant son incarcération, contrairement au million de Québécois qui n’ont pas accès à un MD de famille!
La plupart des crimes sont commis dans un contexte où il existe des problèmes de santé, que ce soit la dépendance aux drogues ou à l’alcool ou encore des problèmes psychologiques pouvant aller jusqu’à la maladie mentale que le système judiciaire n’a pas d’outils pour gérer.
Je suis avec vous pour saluer le personnel de la santé qui fait des efforts spectaculaires pour soigner les malades mais, selon moi c’est le contexte politique et ce leadership empoisonné qui cause les maux de notre système de santé.
D’abord, les statistiques sont au niveau canadien alors que la compétence sur la santé est l’apanage des provinces. Il y a certainement des provinces qui tirent le Canada vers le bas si on les compare entre elles et il serait utile de savoir lesquelles si on veut améliorer le système. D’ailleurs, que font la Norvège ou même l’Australie pour être les meilleurs systèmes de santé publics?
Ensuite, il faut reconnaître la faillite des provinces pour gérer les systèmes de santé et ce n’est pas nécessairement une question de budget. Donc, pourquoi le fédéral devrait continuer à transférer des fonds dans des provinces où on est incapable de gérer convenablement un système de santé public? Il serait tout aussi judicieux de faire de cette compétence une responsabilité fédérale et on pourrait avoir un système de santé égal et équilibré partout au pays au lieu d’avoir des provinces cancres comme le Québec par rapport à plusieurs autres provinces. Ça fait presque 4 ans que je suis sur un liste d’attente pour un médecin de famille et rien, niet, nada. Je dois me tourner vers les infirmiers au privé pour avoir un commencement de soins préventifs que je dois payer en sus de ce que je paie pour le régime public.
Je suis convaincu que le ministre Dubé ne fera pas mieux que les autres car c’est un changement complet d’approche, de paradigme qu’Il faut faire et on est loin de ça. Je reviens à ma question: que font la Norvège, les Pays-Bas et l’Australie pour traiter mieux leurs patients et avoir un meilleur système public? Peut-être que l’on pourrait nous en inspirer? J’aimerais bien que vous répondiez à cette question. Merci.